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Xavier Bertrand quitte la salle après une conférence de presse du conseil stratégique du parti en vue des élections législatives françaises, à Paris, le 7 juin 2022.
Xavier Bertrand quitte la salle après une conférence de presse du conseil stratégique du parti en vue des élections législatives françaises, à Paris, le 7 juin 2022.
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

De la bien à la rien-pensance

Dans une interview au Point, Xavier Bertrand a affiché sa volonté de lutter contre les extrêmes et notamment Marine Le Pen, qu'il estime très bien placée pour accéder à l'Élysée en 2027.

Jérôme Besnard

Jérôme Besnard

Jérôme Besnard est journaliste, essayiste (La droite imaginaire, 2018) et chargé d’enseignements en droit constitutionnel à l’Université de Paris.

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Atlantico : Dans une interview qui marque son retour sur le devant la scène politique, Xavier Bertrand réaffirme sa volonté d'engagement pour lutter contre les extrêmes, et notamment l’avènement de Marine Le Pen. Cette posture peut-elle véritablement faire office de projet pour LR et pour la droite ?

Jérôme Besnard : Objectivement, Xavier Bertrand - qui est un homme intelligent - fait semblant de ne pas comprendre la redistribution des cartes. LR est devenu mentalement l’UDF même si le parti est surtout structuré par les cadres de l’ancien RPR. Une large partie de l’électorat de ce dernier vote, dans la France périphérique, pour Marine Le Pen comme dans de vieilles terres radicales-socialistes du grand Bassin parisien : Loiret, Yonne, Eure, Aisne ou Oise. De plus, Marine Le Pen a complètement rompu avec le logiciel de l’extrême-droite antiparlementaire. Michel Barnier et son modèle européen chiraquien ou Laurent Wauquiez avec sa tentation d’incarner une démocratie-chrétienne enracinée ont le mérite de la cohérence intellectuelle. La dénonciation d’une extrême-droite fantasmagorique ne peut tenir lieu de logiciel à une droite LR absente du second tour de l’élection présidentielle depuis 2012.

A l’Assemblée nationale, Elisabeth Borne a réaffirmé la différence de “valeurs” avec Marine Le Pen et répété qu’elle “n’ira pas chercher les voix du RN”. Ensemble renvoie dans sa rhétorique dos à dos extrême droite et extrême gauche. Est-ce un faux nez pour cacher l’absence de projet politique réel ?

Le Rassemblement National est devenu un parti de gouvernement, ne serait-ce que par ses alliances européennes, italiennes, polonaises ou hongroises. Sur la motion de censure, le discours de son orateur, le jeune député gaulliste de Moselle Alexandre Loubet, avait des accents que n’auraient pas reniés Charles Pasqua. On peut être en désaccord avec ces idées, surtout lorsque l’on vient du PS, mais les condamnations morales sont ridicules et hors de propos. Le mélenchonisme est plus problématique car il flirte avec des positionnements d’extrême-gauche trotskiste, antifa et wokiste. Mais, dans les faits, le mot « valeurs », qui est souvent l’exact contraire du terme « convictions », cache mal le vide d’un centre libéral-libertaire qui ne représente plus que des intérêts de classe.

Sans propositions politiques concrètes et projets pour le pays, jouer le rejet des extrêmes comme argument de vente n’est-il pas une manière de leur paver la voie vers le pouvoir ?

Soyons clair, la gauche n’a gagné en 1981 que parce que François Mitterrand avait attiré à lui un centre progressiste issu du catholicisme sécularisé. Un tel logiciel ne peut plus historiquement et sociologiquement se reproduire. La gauche actuelle est donc condamnée à l’opposition débraillée et gueularde. L’avenir politique du pays se jouera entre un centre désincarné, jouant sur le registre du raisonnable, et une droite recomposée autour de pôles populaire (pour ne pas dire populiste), c'est-à-dire le RN, et conservateur (avec des accents libéraux), ce que peut tenter encore d’incarner LR. Toute autre stratégie relèvera d’ambitions personnelles ayant pour seul objectif de surnager au milieu des ruines.

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