La lutte contre la fraude fiscale et sociale ne devrait pas exonérer l’État de se réformer <!-- --> | Atlantico.fr
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L’essentiel de la fraude porte sur les prélèvements fiscaux, notamment l’impôt sur le revenu et sur les bénéfices de sociétés qui ne sont pas déclarés ou dissimulés dans des paradis fiscaux.
L’essentiel de la fraude porte sur les prélèvements fiscaux, notamment l’impôt sur le revenu et sur les bénéfices de sociétés qui ne sont pas déclarés ou dissimulés dans des paradis fiscaux.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Atlantico Business

Un État qui touche à tout et à tous est un État qui attire les fraudeurs… Un plan de lutte contre la fraude fiscale et sociale est évidemment indispensable mais elle n’empêchera pas l’État de s’interroger sur son fonctionnement.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Gabriel Attal et Bruno Le Maire ont annoncé chacun à leur manière la présentation prochaine d’un plan de lutte contre la fraude fiscale et sociale en France avec « des mesures fortes ». Les ministres de Bercy ont évidemment raison… mais ils ne sont pas dupes. Ils savent que la guerre contre les fraudeurs ne sera gagnée que lorsque les occasions de frauder seront éradiquées. L’État peut toujours annoncer de doubler les effectifs d’enquêteurs, il ne règlera pas pour autant le problème.

Bruno Le Maire le sait mieux que quiconque. La fraude existe parce que les complexités de l’administration et la lourdeur des prélèvements font que beaucoup ont intérêt à frauder. Mais comment alléger l’État omni présent. La fraude existe aussi parce que les pays européens ne sont pas tous sur la même longueur d’onde fiscale.

Les montants de la fraude sont tres difficiles à évaluer. A priori, la fraude fiscale est très largement supérieure à la fraude sociale. Selon les services fiscaux et la Cour des comptes, Bercy détecte chaque année en moyenne 15 milliards d’euros de fraude fiscale et sociale. Mais la réalité estimée de cette fraude atteint 80 ou 100 milliards d’euros. Triste aveu d’impuissance.

L’essentiel de la fraude porte sur les prélèvements fiscaux notamment l’impôt sur le revenu des personnes physiques et sur les bénéfices  des sociétés qui ne sont pas déclarés, ou dissimulés dans des paradis fiscaux ou le plus souvent des pays aux législations plus laxistes (principalement les îles Caïmans, puis le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Luxembourg … ) l’affaire des Panama papers avait révélé que la fraude fiscale à l’échelle de la planète représentait une véritable industrie mais surtout que l’opacité de certains pays (Usa , Chine…) permettait à beaucoup d’acteurs de la mondialisation de profiter de l’optimisation fiscale. Le jeu des différentes législations plus ou moins laxistes leur permettait de minimiser les prélèvements fiscaux. Ca coûte cher en avocats mais ça rapporte beaucoup en toute légalité. Un pays comme l’Irlande par exemple a choisi d’attirer les investisseurs par une imposition light. On pourrait même dire que la France a choisi d’attirer et de soutenir les activités de recherche par la mise en place de l'impôt crédit-recherche.

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Il faut donc bien distinguer de ce qui relevait de la fraude ou du vol, des pratiques autorisées légalement.

Le point noir en Europe concerne la fraude à la TVA. Le total de la TVA non perçue coûterait près de 160 milliards d’euros a l’UE. 

La fraude sociale est moins importante mais "politiquement" presque plus sensible. Il s’agit d’une fraude aux cotisations sociales (entre 7 et 8 milliards) et aux prestations sociales (qui seraient estimée à 3 milliards d’euros). La fraude aux cotisations est le fait d’employeurs qui ne paient pas les cotisations parce qu’ils ne déclarent pas leurs personnels. Cette fraude est générée par le travail au noir. Du côté des prestations sociales détournées, Bruno Le Maire a dénoncé la fraude au RSA et aux transferts d’ allocations vers des comptes domiciliés à l’étranger notamment dans les pays du Maghreb. Ces déclarations ont fait polémique mais le ministre n’a pas manqué de courage. On peut difficilement tolérer dans notre pays l’utilisation frauduleuse de la carte vitale et le versement de retraites à des bénéficiaires décédés, ou titulaires d’un compte d’allocataires auquel ils n’ont pas droit.

Toute ces fraudes, de nature fiscale ou sociale, privent évidemment l’État et la sécurité sociale de ressources. L’investigation de ces pratiques frauduleuses, la recherches de ceux qui en bénéficient sont évidemment indispensables.

Mais ces initiatives répressives ne doivent pas exonérer les responsables politiques d’étudier les facteurs qui contribuent au développement de ces fraudes, à commencer par la façon dont l’État fonctionne et pèse sur l’activité.

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Le premier facteur de fraude se situe au niveau du poids des prélèvement fiscaux et sociaux. Le total des prélèvements dépasse les 50 % ( 55%) des revenus. Logiquement quand les impôts, les taxes et les prélèvements sociaux atteignent ce niveau, les agents économiques ont presque plus intérêt à essayer de capter des aides publiques ou échapper aux prélèvements plutôt qu'à créer de la richesse.

Le chef d’entreprises, le salarié, le consommateur, l’épargnant, le retraité, tout être normalement constitué est mû par son envie d’optimiser son intérêt individuel. Le chef d’entreprise cherche à augmenter son chiffre d’affaires mais plus encore sa marge, le consommateur va chercher le prix le plus faible, le salarié va accepter le salaire le plus élevé… etc. C’est le Baba de la science economique.

Ce comportement doit s’incruster dans un cadre juridique et financier que l'État fixe et gère. Et quand l'État s’occupe de tout, par les règles et les normes et prélève plus de 55 % des richesses créées, chaque agent à son échelle sera tenté d’échapper à l’État ou d’en profiter.

Réformer l’Etat devrait revenir à alléger son poids, moins de prélèvements pour moins de depenses publiques, et à réduire son périmètre d’action pour plus d’efficacité.

Les fraudeurs fiscaux et sociaux auraient moins de moyens, moins d’espace et moins d’occasion de gains. La culture francaise ne s’y prête guère. La France est le pays d’Europe ou les depenses publiques et sociales sont les plus lourdes. Et dès qu’un ministre ou un président avance l’idée de réformer en profondeur l’administration, la voix est couverte par un concert de casseroles.

Mais quand l’État touche à tout et à tous, il ne faut pas s’étonner que la fraude et les fraudeurs prolifèrent.

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