La junte militaire va faire du Niger un foyer djihadiste majeur<!-- --> | Atlantico.fr
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Des partisans du Conseil national de sauvegarde de la patrie (CNSP) du Niger lors d'une manifestation devant la base aérienne de Niamey, le 1er septembre 2023.
Des partisans du Conseil national de sauvegarde de la patrie (CNSP) du Niger lors d'une manifestation devant la base aérienne de Niamey, le 1er septembre 2023.
©AFP

Danger

La situation politique et sécuritaire au Niger est de plus en plus préoccupante. Depuis le début du mois d’aout, les attaques des groupes armés djihadistes se sont multipliées dans le pays. Un mois après son putsch, la junte nigérienne semble perdre le contrôle de la situation.

Loup Viallet

Loup Viallet

Loup Viallet est spécialiste en économie internationale et en géopolitique africaine. Il est l’auteur de La fin du franc CFA (2020) et Après la paix (2021).

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Le Niger se trouve sur une ligne de crête de plus en plus aigüe. Depuis le jeudi 3 aout et jusqu’à ces derniers jours, une dizaine d’attaques djihadistes ont été recensées, principalement dans la région du Tillabéri, qui jouxte les frontières maliennes et burkinabés. On recense des dizaines de victimes dans les rangs des forces de sécurité nigériennes, mais aussi des civils.

Contrairement au narratif de la junte, justifiant son coup d’État du fait de la dégradation du climat sécuritaire, la situation s’était nettement améliorée depuis le début de l’année 2023, voire 2022. Ainsi, selon les données de l’ACLED, les violences politiques avaient diminué de près de 40% par rapport à l’année précédente. Privés de la coopération militaire française - suspendue par Paris dans les premiers jours du coup d’État, puis dénoncée officiellement par la junte le 4 aout – les putschistes du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) apparaissent incapables d’assurer la sécurité leur pays.

La France : coupable idéal

Comme au Mali et au Burkina-Faso, le CNSP tente de détourner l’attention en s’attaquant à l’action de la France. Outre des reproches quant à son efficacité, l’armée française est accusée d’avoir violé l’espace aérien du pays, mais aussi d’avoir libéré des djihadistes. Occupation, complicité avec les djihadistes, etc : on retrouve ici toutes les fake news distillée par les compétiteurs stratégiques de la France dans la région, à commencer par la Russie.

Il importe à ce titre de rappeler que la France n’est jamais intervenue qu’à la demande des autorités nigériennes. En 2020, après les sanglantes attaques de l’hiver 2019, c’est le président Issoufou qui lance un appel à la France : « On a besoin de plus de Barkhane ». Une ligne poursuivie par Mohamed Bazoum qui, en 2022, soumet le redéploiement des forces françaises dans le pays aux parlementaires nigériens. Ceux-ci donnent alors le feu vert à la venue de l’armée française avec une large majorité.

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De fait, l’accroissement du sentiment anti-français dans les couches urbaines jeunes de la région est une occasion rêvée non seulement pour justifier un coup d’État, mais aussi pour dissimuler l’incurie d’une gouvernance.

Corruption endémique

Dans ce contexte, et voyant leurs poids renforcés par les enjeux sécuritaires, les forces armées n’hésitent plus à jouer un rôle politique. Outre la métastase djihadiste, la mal-gouvernance administrative et économique et fréquemment invoquée par les régimes putschistes, dont le Niger.

Or, les armées de la région sont tout autant marquées par la corruption et le népotisme que leurs appareils d’États : contrats fictifs, détournement des soldes, etc. Elles ne sont donc pas la solution puisque faisant partie intégrante du problème. Les putschistes nigériens ne font donc pas exception. Signal faible en ce sens : la présence d’Aboubacar Charfo dans la délégation envoyée, le 12 aout, par la junte de Niamey à Conakry. Ce dernier était au centre d’une vaste affaire de surfacturation et de non-livraison de matériel à l’armée nigérienne. L’affaire avait été révélée en 2020 via un audit du ministère nigérien de la Défense.

Selon le chercheur Rahmane Idrissa, c’est la volonté du président Mohamed Bazoum d’assainir le secteur de la défense et de la sécurité qui pourrait être à l’origine du putsch. Ce qui n’augure rien de bon quant à la capacité à moyen et long terme des officiers nigériens à conduire efficacement la réponse à la menace djihadiste.

Un danger pour la sous-région ouest-africaine, pour le Maghreb et pour l’Europe

Les discours populistes des régimes putschistes, repris jusque dans une partie de la presse hexagonale, semblent tétaniser les autorités françaises, qui semblent englués dans une posture hésitante. Cette paralysie nuit sévèrement à la mise en place d’une ambitieuse politique de grand voisinage, qui tienne compte des interdépendances vitales entre l’Europe et l’Afrique. Or tout attentisme de la France facilitera l’enracinement, voire la multiplication, de ces régimes putschistes instables et ayant fait la preuve de leur indigence dans toute la sous-région.

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