La gauche française est-elle vouée à disparaître ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Luc Mélenchon s'entretient avec Olivier Faure lors d'une conférence de presse à Paris le 19 mai 2022, pour présenter le programme de la NUPES avant les élections législatives.
Jean-Luc Mélenchon s'entretient avec Olivier Faure lors d'une conférence de presse à Paris le 19 mai 2022, pour présenter le programme de la NUPES avant les élections législatives.
©THOMAS SAMSON / AFP

Bonnes feuilles

Amine El Khatmi publie « Cynisme, dérives et trahisons » aux éditions Harper Collins. Dans ce livre, Amine El Khatmi analyse avec une plume acérée le paysage politique et social actuel dans un pays gouverné par un homme aux convictions fluctuantes, avec une gauche ralliant l’extrême-gauche, une droite républicaine atomisée et la montée imperturbable de l’extrême-droite. Extrait 1/2.

Amine El Khatmi

Amine El Khatmi

Amine El Khatmi est militant politique depuis l’âge de 15 ans. Élu municipal socialiste d’Avignon entre 2014 et 2020, il a présidé de 2016 à 2023 le Printemps Républicain. Il est l’auteur de plusieurs essais : Non, je ne me tairai plus publié en 2017 aux éditions Lattès, Combats pour la France en 2019 chez Fayard, Printemps Républicain publié aux éditions de l’Observatoire en 2021 et Cynisme, dérives et trahisons chez Harper Collins en 2024.

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La gauche française est-elle vouée à disparaître de la carte électorale pour les vingt ou trente prochaines années comme le prédisent (ou l’espèrent) certains ? Je ne peux, ni ne veux, me résoudre à cette fatalité.

Parce qu’elle est l’héritière d’une longue – et belle – tradition politique et que son histoire se mêle à l’histoire de la France, parce que, en son nom, des réformes qui ont transformé notre pays ont été menées, parce qu’elle a su porter et défendre les aspirations des classes populaires, la gauche a un avenir. 

Mais son retour dans le cœur des Français ne sera possible qu’au prix de changements profonds. 

Elle doit d’abord consentir à tourner définitivement la page de Jean-Luc Mélenchon et son bataillon de Robespierre au petit pied se prenant pour des révolutionnaires mais qui ne sont que de « petits révoltés », pour reprendre les mots de Jacques Brel dans La Bastille. La stratégie théorisée et adoptée par le patron de la France insoumise consistant à tout conflictualiser s’apparente à un suicide politique, alors que les Français aspirent, dans des proportions massives, à davantage d’ordre et de protection. Je me demande souvent, interloqué, comment un homme qui fut jadis un animal politique fin, capable de fulgurances magistrales, sentant et connaissant le pays comme personne, a pu devenir aussi déconnecté de ce qu’attendent nos concitoyens ; comment un homme dont les discours sur l’universalisme républicain étaient parmi les plus flamboyants prononcés par un responsable politique de gauche a pu se laisser convaincre que passer son temps à éructer sur tout le monde sur fond d’appels à la sédition, tout en faisant la courte échelle aux islamistes, était une stratégie susceptible de s’avérer gagnante ; comment l’absence de projet crédible a pu conduire à faire de la colère un programme.

Au-delà de l’incrédulité personnelle que provoquent en moi ces déclarations, elles constituent aussi une énigme absolue sur les plans politique et électoral. Et, pourquoi ne pas le dire, elles suscitent chez moi une tristesse non feinte car, alors que j’étais jeune militant socialiste, les discours prononcés par Mélenchon au cours des universités d’été du Parti socialiste à la Rochelle avaient renforcé, chaque année, le respect et même l’admiration que je lui portais. 

Jean-Luc Mélenchon, qui fut naguère le nom d’un espoir, est désormais le visage d’une impasse. Cette conviction, qui m’habite depuis 2017, m’a valu d’être ostracisé, accusé de contribuer à diviser la gauche. À l’automne 2023, tandis que le patron des Insoumis multipliait outrances et provocations à propos des événements survenus au Proche-Orient, je constatais qu’une partie de ceux qui me vilipendaient hier finissaient par me donner raison en reconnaissant l’impossibilité de construire une vision alternative crédible autour de Mélenchon. Si la gauche de gouvernement – qui sait, parce qu’elle a exercé le pouvoir, que la stratégie de la terre brûlée est condamnée à l’échec – ne se résigne pas à une rupture franche et définitive avec le mélenchonisme et ses héritiers, elle coulera avec eux. Longtemps, je me suis d’ailleurs demandé comment le Parti socialiste, qui fut jadis un grand parti de gouvernement, avait pu suivre les yeux fermés cette stratégie conduisant la gauche droit dans le mur. La réponse, que je devinais, m’a été confirmée par Olivier Faure lui-même, au soir du 20 mars 2022. Alors que je l’interpelle sur la messagerie Telegram à propos d’un tweet qu’il vient de commettre contre le Printemps républicain, le patron du Parti socialiste m’appelle, peu avant minuit. Après une franche explication sur l’objet de mon courroux, la discussion se poursuit, notamment sur les rumeurs qui bruissent dans la presse quant à ma candidature aux législatives contre le député Aurélien Taché, dans la dixième circonscription du Val-d’Oise. Puis, profitant de l’occasion, je l’interroge : « Olivier, compte tenu de ce qu’est l’histoire du Parti socialiste et de l’évolution déplorable de Mélenchon sur la laïcité ou le rapport à la République, comment peux-tu envisager un accord électoral avec lui ? » Après quelques secondes de silence, il me confirme ce que je pressens : « Oui, je sais tout cela, je ne suis moi-même pas toujours à l’aise mais je dois sauver un groupe de députés et, si les mélenchonistes présentent des candidats face à nos sortants, nous serons rayés de la carte. » Je ne peux que m’incliner face à un tel élan de franchise. Les principes qui ont structuré l’histoire du socialisme français comptent donc moins que la nécessité de sauver quelques sièges. Affligeant !

Le second préalable à une renaissance de la gauche est qu’elle renoue avec les catégories populaires en prenant à bras-le-corps les sujets qui les préoccupent. Le fait que les questions sociétales se soient progressivement imposées dans les thèmes de prédilection de la gauche au détriment des questions sociales est l’un des signes de cette rupture avec les salariés et les ouvriers. D’autant que cela renforce l’idée que, impuissante à changer la vie des gens et à leur permettre de vivre mieux lorsqu’elle exerce le pouvoir, la gauche se concentre sur des réformes qui ne coûtent rien (je pense à la loi sur le mariage pour tous par exemple) et qui lui permettent d’être au rendez-vous d’une partie de sa promesse d’égalité.

Lors des rassemblements militants des partis de gauche, les débats portant sur les questions de genre ou de transidentité prennent autant de place, voire plus, que ceux portant sur des questions sociales. Quant aux discussions sur l’ordre ou la sécurité, quand il y en a, elles sont systématiquement organisées sous l’angle des violences policières.

Extrait du livre de Amine El Khatmi, « Cynisme, dérives et trahisons Comment Macron et Mélenchon sont devenus les marchepieds du RN ! », publié aux éditions Harper Collins

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