La gauche avait réussi à faire croire à la seule existence d’un antisémitisme de droite, cette ère-là est terminée<!-- --> | Atlantico.fr
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Une foule rassemblée le 31 juillet 1951 devant le café parisien où Jean Jaurès fut assassiné.
Une foule rassemblée le 31 juillet 1951 devant le café parisien où Jean Jaurès fut assassiné.
©AFP

Rappel historique

L'antisémitisme à gauche est un sujet tabou, soigneusement dissimulé quand il n’est pas volontairement oublié. Par un singulier paradoxe, la gauche se présente comme l'ennemie du racisme alors que ses racines intellectuelles, révolutionnaires et socialistes sont profondément antisémites.

Bernard Carayon

Bernard Carayon

Bernard Carayon est ancien député du Tarn, maire (LR) de Lavaur, Avocat au barreau de Paris. 

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Atlantico : Le rappeur Médine est invité aux universités d’été d’EELV et de LFI. Cette invitation a suscité de nombreuses réactions mais les deux formations politique de gauche ont défendu leur choix, dénonçant les attaques de la droite et de l’extrême droite et assurant par ailleurs que Médine avait changé. Pourtant, il s’est illustré avec un « jeu de mots » qualifiant Rachel Khan de "resKHANpée" avant d'assurer qu'il ne faisait "aucune allusion à une quelconque origine ou histoire familiale". Qu’est-ce que cette polémique nous dit de la complaisance d’une partie de la gauche avec l’antisémitisme ?

Bernard Carayon : Une partie de la gauche contemporaine, antisioniste, flirte sans vergogne avec l'antisémitisme. Derrière le calembour nauséabond de Médine sur Rachel Khan, il y a toute la collusion intime, culturelle et politique entre le gauchisme, l’antisionisme et l’islamisme. 

A quel point l’antisémitisme de gauche a-t-il connu un regain à la faveur d’une complaisance grandissante vis-à-vis de l’islamisme ?

Une part de l'antisémitisme de gauche est nourrie par le souvenir des luttes anticoloniales et de la guerre d'Algérie, où l'extrême gauche a été la porteuse de valises du FLN. Sartre justifie le terrorisme en comparant ses acteurs à des « soldats ». Comme lui, Edwy Plenel, dans sa revue trotskiste Rouge, justifie l’assassinat de onze athlètes israéliens aux Jeux olympiques de 1972 par les terroristes de Septembre Noir : un tache indélébile sur la carrière du journaliste fétiche de la profession.

Pour autant, il existe aussi un antisémitisme de gauche dont les racines sont bien plus anciennes que la complaisance avec l’islamisme ? Où prend-il ses sources dans la pensée de gauche ?

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L'antisémitisme à gauche est un sujet tabou, soigneusement dissimulé quand il n’est pas volontairement oublié. Par un singulier paradoxe, la gauche se présente comme l'ennemie du racisme alors que ses racines intellectuelles, révolutionnaires et socialistes sont profondément antisémites. 

 Dans La question juive (1844), Marx dénonce « l’essence du judaïsme et la racine de l'âme juive, l'opportunité et l'intérêt personnel qui se manifeste dans la soif de l’argent ». Le même, dans une lettre à Engels, décrit le socialiste allemand Ferdinand Lassalle comme « un vrai juif de la frontière slave », évoquant « sa manie de masquer le juif crasseux de Breslau sous toutes sortes de pommades et de fard ».

Proudhon, lui, dénonce « l’ennemi du genre humain », une « race » qu’« il faut renvoyer en Asie ou exterminer» ! Staline mène dès 1948 une campagne « anti-cosmopolite » puis fait le procès des « blouses blanches » et des intellectuels juifs « incapables de comprendre le caractère national russe ». Le socialiste Déat souligne le « byzantinisme » de Léon Blum et sa « passivité tout orientale » durant l’entre-deux-guerres.

Jaurès, l’idole de la gauche, laisse designer, dans son journal* La Petite République, le député Reinach comme un « juif ignoble ». Lors de son voyage en Algérie, en avril 1895, Jaurès décrit les juifs qui, « par l'usure, l'infatigable activité commerciale et l'abus de l'influence politique, accaparent peu à peu la fortune, le commerce, les emplois publics (…). Ils tiennent une grande partie de la presse, les grandes institutions financières, et quand ils n'ont pu agir sur les électeurs, ils agissent sur les élus ». Son historien « officiel », le socialiste Gilles Candar, justifiera plus tard ces propos par la « fatigue » du tribun tarnais…

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Dans son discours au Tivoli, en 1898, Jaurès déclare : « nous savons bien que la race juive, concentrée, passionnée, subtile, toujours dévorée par une sorte de fièvre du gain quand ce n'est pas par la force du prophétisme, (…) manie avec une particulière habileté le mécanisme capitaliste, mécanisme de rapine, de mensonge, de corset, d’extorsion ». Longtemps convaincu de la culpabilité de Dreyfus, Jaurès estime que celui-ci a échappé à la peine capitale grâce « au prodigieux déploiement de la puissance juive ». Il dénonce à la tribune de la Chambre des députés la « bande cosmopolite » ! Devenu dreyfusard sur le tard avec la publication des Preuves (1898), Jaurès bénéficiera du soutien financier pour son journal L’Humanité du banquier… Louis Dreyfus. 

Aujourd’hui, l'antisémitisme est incarné par une extrême-gauche qui s’est alliée culturellement et politiquement avec l'islamisme des cités, de ses intellectuels et de ses artistes, à l’instar de Médine.

Pourquoi l’antisémitisme de gauche est-il aussi tabou, en France et en Europe ?

La gauche hurle quand la droite se contente de parler. Tout ce qui se dit, s’enseigne et s’écrit est globalement encore dominé par l’extrême-gauche. Les médias, à quelques exceptions près, le monde de l’édition, l’université et en particulier les départements de sciences sociales, la Recherche, le monde artistique et le show-biz, tous ces canaux concourent au même objectif : décrédibiliser l’adversaire, promouvoir le mensonge comme technique de conquête et d’accaparement du Pouvoir.

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 Pourquoi cet antisémitisme est-il un problème européen ?

La gauche a toujours fait croire que l’antisémitisme était le monopole de l’extrême-droite. De la même manière qu’elle a fait oublier combien elle était présente à Vichy : Pierre Laval, l’ancien député-maire socialiste d’Aubervilliers, avocat de la CGT, Marcel Déat, Adrien Marquet, Gaston Bergery, et tant d’autres sont issus, comme le communiste Doriot, du courant pacifiste de l’entre-deux-guerres. Les premiers résistants qui entourent De Gaulle viennent souvent, à l’inverse, de l’Action française et de la droite classique.

L’ADN de la gauche française est marxiste et cela, Léon Blum l’avait bien compris en voulant « garder la vieille maison » au congrès de Tours de 1920 pendant, disait-il, que les autres (les révolutionnaires) « courraient l’aventure ». De cette histoire marxiste, antisémite, une gauche antilibérale est née prétendant incarner, seule, le vrai, le beau et le juste. Ce n’est pas un hasard si Mélenchon invoque les mânes de Robespierre : cette gauche de coupeurs de têtes doit être combattue comme l’ennemie de l’Histoire française, des valeurs républicaines et du peuple souverain.

*Comment la gauche a kidnappé Jaurès, 2014, Editions Privat

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