2022
La droite a encore le temps d'organiser une vraie primaire à l'américaine
Alors que la campagne électorale pour l'élection présidentielle va s'accélérer dans les semaines à venir, l'organisation d'une primaire à l'américaine, une primaire étalée sur plusieurs mois, permettrait de faire émerger le candidat idéal pour la droite en 2022.
Roland Hureaux
Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.
Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.
Les résultats des élections régionales qui ont vu, chez les Républicains actuels ou proches, l’émergence de trois candidats potentiels à la présidence : Bertrand, Pécresse et Wauquiez, facilement réélus dans leur région, a remis à l’ordre du jour l’idée d’une primaire de la droite – nous disons droite car elle doit s’élargir au-delà des seuls membres de LR.
Une primaire ? Jamais plus, répond-t-on, avec ce côté expéditif qui caractérise trop de jugements politiques ! On en a organisé une en 2016 et on a vu le résultat décevant. Ce fut encore pire pour le parti socialiste.
Que nenni ! Disons-le clairement : on n’a jamais organisé en France une vraie primaire, nous voulons dire à l’américaine, c’est à dire une primaire étalée sur plusieurs mois et non bloquée sur un ou deux dimanches.
Quelle différence , dira-t-on ? Elle est considérable. Pour sauter d’emblée aux conclusions, disons que le système utilisé en France était une machine à reconduire « toujours les mêmes ». La primaire à l’américaine a l’effet inverse : elle a presque toujours fait émerger des hommes nouveaux.
Et Dieu sait si c’est nécessaire !
La crise des Gilets jaunes, puis l’abstention aux régionales ont montré la grave perte de légitimité , en France comme dans le reste de l’Europe, des partis politiques classiques. Il est également significatif que le dernier président élu ait émergé hors de ces partis.
En bloquant le vote sur deux week-ends , un pour le premier tour, un pour second, comme on l’a fait en 2016, on instaurait de fait une présélection par la notoriété déjà acquise, c’est-à-dire que l’investiture était réservée à ceux qui avaient déjà été quelque chose : au moins président de la République ou premier ministre. Certes Fillon a doublé sur le fil les deux candidats tenus pour favoris, Sarkozy et Juppé, mais il avait été tout de même cinq ans premier ministre ! Les autres, les « petits candidats » , non dépourvus de talent pourtant comme Bruno Le Maire, ont été écrasés. En définitive ce genre d’exercice fut un concours de notoriété déjà acquise. « Il faudrait , disaient beaucoup de Français, du sang neuf : pourquoi pas Untel ? ». « Oui , mais qui le connait ? ». Dans une France qui aspirait profondément à changer les têtes, la primaire telle qu’elle a été alors organisée ne pouvait aboutir qu’à ne pas les changer.
Une primaire étalée à l’américaine
Les Français ne sont que trop prompts à imiter l’Amérique quand il ne le faut pas. Et il faut dire qu’aujourd’hui les Etats-Unis sont loin d’offrir le visage d’une démocratie exemplaire. Mais nous ne devons pas hésiter à nous en inspirer quand c’est justifié. En étalant les primaires sur plusieurs mois, en procédant deux fois par mois à une élection partielle dans un groupe de départements, on permettra à des outsiders d’émerger. Gagnant la primaire dans un ou deux départements , ils attirent l’attention des médias et, s’ils sont bons, peuvent continuer sur la lancée. S’ils ne le sont pas, ils jettent l’éponge. Aux Etats-Unis les présidents élus, qui avaient au préalable arraché l’investiture d’un des grands partis, étaient presque tous inconnus avant l’élection : Carter, Reagan, Clinton, Obama, Trump.
Une primaire étalée mettrait en outre en valeur toutes les régions sans donner la préférence aux grandes.
Elle privilégie la capacité militante par rapport au seul audiovisuel.
Le parti ou le bord qui tenterait cette expérience occuperait le devant de la scène pendant plusieurs mois , ce qui ne saurait lui nuire.
Y a-t-il à cette heure d’autre moyen de faire émerger des hommes à la mesure des immenses problèmes qui se posent à la France et ainsi de réhabiliter la politique aux yeux des Français ? L’enjeu est encore plus grand : c’est ni plus ni moins que de sauver la démocratie qu’il s’agit.
Roland HUREAUX
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