"La Dame de la mer" d’Henrik Ibsen : un drame en marée souvent étale<!-- --> | Atlantico.fr
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"La Dame de la mer" d’Henrik Ibsen est à retrouver au Théâtre du Vieux Colombier - Comédie française.
"La Dame de la mer" d’Henrik Ibsen est à retrouver au Théâtre du Vieux Colombier - Comédie française.
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"La Dame de la mer" d’Henrik Ibsen est à découvrir au Théâtre du Vieux Colombier.

Anne-Claude  Ambroise-Rendu pour Culture-Tops

Anne-Claude Ambroise-Rendu pour Culture-Tops

Anne-Claude Ambroise-Rendu est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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LA DAME DE LA MER

De Henrik Ibsen

Mise en scène : Géraldine Martineau

Avec : Alain Lenglet, Laurent Stocker, Benjamin Lavernhe, Clément Bresson, Géraldine Martineau, Adrien Simion, Elisa Erka Léa Lopez

INFOS & RÉSERVATION

Théâtre du Vieux Colombier - Comédie française

21 rue du Vieux Colombier

75006 PARIS

http://comedie-française.fr

Jusqu’au 12 mars 2023, mardi à 19h, du mercredi au samedi à 20h30, dimanche à 15h

Notre recommandation : 3/5

THÈME

Au fond d’un fjord nappé de brouillard, dans une maison coincée entre la grève et la montagne, une famille recomposée semble couler des jours paisibles. Les deux filles du docteur Wangel, Bolette et Hilde, nées d’un premier mariage préparent une fête dont on ne sait pas bien d’abord s’il s’agit de célébrer un anniversaire ou la venue d’un hôte de marque.

Ellida, la jeune épouse silencieuse du docteur Wangel, fuit ce quotidien et ses rêves inavoués en prenant des bains de mer, qui lui ont valu le surnom de “Dame de la mer“. Elle a jadis promis un amour éternel à un marin étranger et assassin à peine entrevu, et le sentiment qu’elle a de sa trahison nourrit sa nostalgie de la mer.

L’arrivée de l’invité comme la réapparition de l’étranger vont faire remonter les secrets enfouis, et donner à chacun l’occasion de s’expliquer et de se révéler.

POINTS FORTS

La scène synthétise les différents lieux de l’action : le jardin des Wangel, la grève, les sentiers alentours où tous se croisent avec grâce. Le décor est très beau : planté de grands arbres qui, tels des pilastres d’église, suggèrent le ciel un peu lourd qui pèse sur cette famille.

Il est parfois noyé dans des vagues de brume ou des ondées brutales, fugacement ouvert sur un velum offrant un arrière-plan de fjord, tout en clair-obscur et en lumières bleutée et étouffées. La forêt scandinave dans ce qu'elle a de sombre, d'ondulant est comme un piège qui s'ouvre et se referme. Puis s'ouvre à nouveau.

Les protagonistes y foulent une terrasse qui les isolent du sol terreux. La barque, sa rotation et le banc sur lequel ils ou elles se reposent ou devisent confère une familiarité,un côté "parlons à bâton rompu" à certains moments du texte.

QUELQUES RÉSERVES

Les choix de mise en scène ne rendent pas totalement justice à ce texte plein de poésie et certainement difficile à monter, tant il navigue subtilement entre symbolisme, fantastique, familiarité, humour et psychologie.

Certes, l’intensité dramatique monte en puissance mais le début est laborieux et l’indécision persistante entre le naturalisme (l’improbable mare dans laquelle les personnages s’immergent pour des raisons obscures) et le symbolisme enferme la pièce dans l’anecdote et un psychologisme magique qui sonne faux. L’usage d’une nature promue au rang de personnage important de cette dramaturgie reste artificiel.

L’interprétation ne fait qu’accentuer l’impression de ne pas être dans le texte, mais à côté : aux prises avec un conte hybride et riche, mais pas tout à fait convaincant.

ENCORE UN MOT...

Engluée dans un passé fantasmé, Ellida est une belle-mère moderne, prisonnière d’une névrose que la révélation de son passé émancipe. Cette analyse, « à peu près parfaite » disait l’ami de Freud, Ferenczi, d’une obsession « dont l’origine est un conflit psychique, symbolisé par son attachement absurde à la mer » annonce la psychanalyse, témoignant de la manière dont les écrivains ont en quelque sorte anticipé sur les travaux alors mûrissants de Freud. Du reste, ce dernier admirait profondément la puissance des drames ibséniens pour la lucidité avec laquelle ils rendent compte des désirs contradictoires et des mouvements inconscients de l’âme.

L’insurrection d’Ellida révèle en outre le féminisme qui est le sien, très XIXe siècle. Les femmes, comme sa belle-fille Bolette, très justement interprétée par Elisa Erka, qui choisit le mariage non par amour mais pour l’horizon de voyage et d’étude qu’il lui ouvre, rêvent de liberté. Elles la revendiquent dans le seul cadre possible : celui qui consiste à lier son destin à celui d’un homme et à son désir. « Tu m’as achetée, je me suis vendue » concède Ellida à son époux.

UNE PHRASE

Ellida : « Parfois c’est comme s’il se dressait soudain devant moi, en chair et en os. Ou plutôt pas tout à fait devant. Il ne me regarde jamais. Il est là, tout simplement. […] L’effroyable c’est l’attirance qui est au fond de mon âme. »

L'AUTEUR

Henrik Ibsen, célébré en Norvège, est classé dès la fin du siècle comme un des plus fameux auteurs dramatiques au monde. Publiée en 1888, La Dame de la mer, pièce en cinq actes a été jouée en France au début des années 1890.

L’œuvre, tout entière du dramaturge, traversée par des figures et des thèmes récurrents – la mer, l’enfermement psychologique ou matériel, le désir de liberté, l’irrésistible attraction qu’exerce la mort - offre une chambre d’écho aux questions lancinantes que se pose cette fin de siècle, et qui n’ont rien perdu de leur actualité.

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