Monopole
La concurrence, ça c’était avant…. Pourquoi les Google, Amazon, Facebook ou Apple sont plus des freins que des moteurs à l’innovation
La situation des GAFA les empêche de trop innover pour ne pas "s’auto-cannibaliser".
Atlantico : Les GAFA sont généralement présentés comme des leaders de l'innovation mais beaucoup affirment que leur réussite tiendrait avant tout de leur capacité à s'approprier des monopoles de façon agressive voire déloyale. Quel est votre sentiment ?
Cyril Benhamou :C'est totalement avéré, en particulier chez Google récemment. Globalement, on peut critiquer de façon évidente l'attitude de ces sociétés. Mais ça reste quelque chose d'assez classique pour des sociétés de cette taille. Par définition, pour sécuriser leur évolution dans leur écosystème, elles sont naturellement amenées à étouffer toute forme de concurrence dans leur secteur. Quand vous avez le pouvoir et que vos actionnaires vous réclament des progressions importantes chaque trimestre, vous ne pouvez pas vous permettre de jouer fair-play!
Avant qu'Internet ne vienne accélérer le mouvement, les grands acteurs du secteur comme Microsoft ou IBM usaient déjà de ce genre de pratiques. L'abus de position dominante est inscrit dans l'évolution de ces mastodontes. La nouveauté avec les GAFA, c'est l'accélération permise par Internet qui rend le tout plus visible.
Apple, Amazon, Google, ont été novateurs à un moment donné, mais par la suite, la nature même de leur montée en puissance extraordinairement rapide fait qu'il n'est plus question d'innovation mais de protection de parts de marché. Défendre vos lignes de produits de produit devient plus important que de déposer de nouveaux brevets qui viendraient "disrupter" le développement stratégique mis en place depuis des années. Aujourd'hui, les GAFA se retrouvent à acheter des produits qui ne leur servent à rien hormis sécuriser leur environnement.
La domination mondiale des GAFA est de plus en plus évidente, est-ce un risque pour nos sociétés? Si oui, peut-on les arrêter ou du moins les restreindre?
Quand Eric Schmidt (ancien président de Google, ndlr) dit "les Etats sont devenus inefficaces et nous avons vocation à les remplacer", ça peut en faire sourire certains. Mais dans la réalité, ça n'a rien de drôle ! Google a acquis un tel pouvoir que remplacer des segments entiers de l'activité des états - assurance, défense, santé et d'autres - par des solutions technologiques qu'il développerait, ne relève plus du tout de la science-fiction. L'expansion de ces sociétés pose de vraies questions.
Prenez l'exemple de Palantir, la société d'analyse prévisionnelle de Big Data de Peter Thiel, qui est devenue l'agent quasiment exclusif de tous les services de sécurité américains, NSA, FBI, CIA, et plein d'autres! Et ils ne se sont pas limités au continent américain! La DGSI est aussi équipée de Palantir, tout comme des pans entiers des secteurs industriels européens. Et ce même Peter Thiel est devenu officiellement le conseiller, le bras droit technologique d'un certain Donald Trump. Et, parait-il, il a eu son importance dans la campagne numérique du président américain. Quand vous la main sur l'ensemble des informations venant du terrain vous développez un savoir-faire au niveau de l'opinion locale et donc une capacité d'influence sur les gens. Cette société obscure, peu connue du grand public, est valorisée à environ 40 milliards de dollars. C'est un mastodonte méconnu, on peut même parler de GAFA caché, qui peut avoir une influence décisive sur le développement d'un pays ou sur la paix dans le monde. C'est considérable!
Les GAFA sont-ils le nouveau bras armé de la mondialisation américaine ou assiste-t-on à l'émergence d'une nouvelle puissance?
Leur tentation est de devenir une puissance indépendante. Alors oui, les Etats-Unis bénéficient des GAFA et des NATU (Netflix, AirBnB, Tesla et Uber, ndlr) puisque ce sont des géants américains. Les prochaines générations de sociétés, comme les BATX, les géants chinois, (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi, ndlr) peuvent contraindre les Etats-Unis à baisser les coûts de leurs entreprises pour les combattre, ce que souhaite quelque part les dirigeants des GAFA. Il n'est pas impossible que le pouvoir donné à ces sociétés fera de l'ombre au pouvoir politique un jour. Le scénario d'Eric Schmidt n'a rien de science-fiction. A un moment donné, il est envisageable que des états affaiblis finissent par se reposer sur ces géants qu'ils imaginent bienveillants. Mais certaines de ces sociétés peuvent avoir un agenda politique. Par exemple Google, a un agenda sur les solutions qui modifieraient l'être humain. C'est clairement un choix politique. Ce que souhaite Google, avec son transhumanisme n'est ni plus ni moins qu'une vision du futur de l'être humain. Est-ce que nous souhaitons que l'humain devienne machinique? Est-ce que nous souhaitons que soient dévelopées des solutions de sélection génétique de notre espèce? Personnellement non, et je me battrais contre ça. Mais certains y voient quelque chose de tentant.
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