La Chine s’impose dans les technologies les plus innovantes au détriment du Japon et de l’Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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La dimension autoritaire du régime n’est peut-être pas pour rien dans cette prédominance.
La dimension autoritaire du régime n’est peut-être pas pour rien dans cette prédominance.
©JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Concurrence

Pour déterminer à quel point la Chine est en avance, six technologies emblématiques ont été examinées de plus près : la blockchain, la vision par ordinateur, l’édition de génome, l’impression 3D, les voitures automatiques et le stockage de l’hydrogène.

Antonin Bergeaud

Antonin Bergeaud

Antonin Bergeaud est économiste et chercheur associé à l’Institute of Fiscal Studies à Londres. Ses recherches se concentrent sur la productivité, la dynamique des firmes et l’innovation.

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Atlantico : Sur quelle technologie de pointe la Chine est-elle aujourd’hui à l’avant-garde, la « frontière » ? Et qu’est-ce qui permet d’en attester ?

Antonin Bergeaud : Le but de l’étude est d’essayer de mesurer où en est la Chine sur le plan technologique. Pour cela nous avons pris six technologies emblématiques : la blockchain, la vision par ordinateur, l’édition de génome, l’impression 3D, les voitures automatiques et le stockage de l’hydrogène.  Pour chacune de ces technologies, nous avons mesuré dans l’émission de brevet, la contribution de chaque pays. L’idée était de savoir si un pays émet un nombre important de brevets mais aussi et surtout des brevets influents. Nous avons découvert que la Chine avait dépassé l’Europe et le Japon depuis un moment, avec une accélération en 2010. Et cela est particulièrement vrai sur la blockchain et la vision par ordinateur. La dimension autoritaire du régime n’est peut-être pas pour rien dans cette prédominance. Ils demeurent néanmoins toujours derrière les Etats-Unis dans tous ces domaines.

Les limites de notre étude sont qu’elle s’appuie sur les brevets, ce que publient les entreprises, il y a donc forcément une partie de l’innovation qu’on ne voit pas. Néanmoins, si cela peut faire varier les nombres, cela ne remet en aucun cas en cause la tendance, tant cette dernière est nette.

Qu’est-ce qui explique que la Chine ait supplanté l’Europe et le Japon ?

C’est d’abord un effet de quantité, il y a tellement de chercheurs en Chine que les quantités de brevets sont astronomiques. Dans le lot, il y en a forcément certains qui sont de bonne qualité. Mais sur la qualité moyenne des brevets, la Chine reste derrière l’Europe. Surtout, si l’on regarde l’origine des idées qui sont à la base des technologies brevetées, on observe que c’est majoritairement des universités américaines ou dans une moindre mesure européenne (au Royaume-Uni et en Allemagne notamment). Huawei est aujourd’hui l'un des premiers breveteur au monde. Mais la quantité permet de compenser en partie la qualité. La Chine dépose 800 000 brevets par an, là où la France en dépose 25 000 (un peu plus avec l'office européen des brevets) et les Etats-Unis un peu plus de  300 000. On a beaucoup parlé de brevets sans valeur intrinsèque. Mais la qualité a commencé à augmenter à partir de 2010 et le rattrapage a presque eu lieu. On continue d'observer les stigmates d’une économie qui est arrivée très vite à la frontière technologique mais demeure coincée par un écosystème ou l’importance de l’Etat se fait ressentir. Quand l’entreprise croit, l’Etat va s’en mêler, et si le PDG ne convient pas, il peut être changé. Cela pèse sur l’innovation de qualité en Chine.

Est-ce qu’on peut imaginer que la Chine, dans un futur plus ou moins proche, rattrape les Etats-Unis ?

C’est la grande question. En l’état, je pense que non. Le dernier kilomètre est toujours plus dur. Et tous les stigmates que je viens d’évoquer sont des freins à l’innovation de rupture. Pendant le Covid, il n’y a pas eu de bon vaccin chinois. Sur l’intelligence artificielle, les innovations de rupture demeurent aux États-Unis. Ce qui manque, c’est la connexion université-entreprise qui est trop peu développée en Chine. Les entreprises chinoises continuent à s'appuyer sur la recherche fondamentale et les technologies de rupture qui proviennent souvent des Etats-Unis.

Pourquoi la Chine n’arrive pas à avoir d’idées originales ?

Les universités chinoises sont encore trop peu attractives. Il y a beaucoup plus de chercheurs chinois qui émigrent aux Etats-Unis que l'inverse. Et construire un soft power universitaire prend du temps.

Le Japon et l’Europe sont-ils définitivement distancés ?

Cela fait depuis les années 1990 que le Japon perd du terrain sur le plan technologique face à la Chine. Et la proximité géographique n’aide pas. Jusque dans les années 1990, les gros concepteurs de brevets étaient japonais : Toyota, Toshiba, Sony, etc. Aujourd’hui, plus aucune n’est dans le top. Il y a eu une perte de compétitivité massive face à la Chine qui se voit aussi nettement sur les exportations.

Pour l’Europe c’est différent, car elle a toujours été largement distancée par les Etats-Unis. L’Europe n’a pas tant décroché qu’elle a été rattrapée par la Chine. Sur l’édition de génome et sur l’énergie verte, l’Europe est encore très active et plutôt en avance. Mais sur les autres domaines, l’Europe est inexistante.

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