"La Campagne" de Martin Crimp : un thriller domestique d’une inquiétante étrangeté<!-- --> | Atlantico.fr
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La pièce "La Campagne" de Martin Crimp est à voir à la Scala à Paris.
La pièce "La Campagne" de Martin Crimp est à voir à la Scala à Paris.
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Atlanti-Culture

La pièce "La Campagne" de Martin Crimp est à voir à La Scala.

Jean Ruhlmann pour Culture-Tops

Jean Ruhlmann pour Culture-Tops

Jean Ruhlmann d’abord professeur d’histoire en collège, est actuellement enseignant-chercheur en histoire contemporaine à l’université de Lille – Charles de Gaulle. Le théâtre est une passion qui remonte à sa découverte du Festival d’Avignon ; il s’intéresse également aux séries télévisées. Il est, avec Charles Edouard Aubry, co-animateur de la rubrique théâtre et membre du Comité Editorial de Culture-Tops.

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La Campagne

De Martin Crimp (traduction de Philippe Djian)

avec Isabelle Carré, Yannick Choirat en alternance avec Emmanuel Noblet et Manon Clavel

INFOS & RÉSERVATION

La Scala

https://lascala-paris.fr/programmation/la-campagne/

13, boulevard de Strasbourg

75010 Paris

Téléphone : +33 (0)1 40 03 44 30

Du 17 mai  au 18 juin 2023

Notre recommandation : BON

THÈME

Corinne et Richard ont choisi de vivre à la campagne, et ont emménagé dans une vaste demeure avec leurs deux enfants. Richard, médecin, exerce auprès d’une clientèle locale, avec pour seul référent un certain Morris, qui fait office de collègue, de superviseur, mais aussi de conscience professionnelle, notamment lorsque Morris s’inquiète du décès d’un vieux patient malade que Richard devait passer examiner …

Et c’est précisément le soir même que Richard, dont Corinne pense qu’il est redevenu « clean », revient dans leur demeure en portant sans ses bras une femme évanouie… Il soutient l’avoir trouvée sur sa route, et l’installe à dormir sans tolérer le moindre commentaire de Corinne.

Mais avec cette Rebecca, apparemment venue de nulle part, c’est un peu “la ville“ qui s’invite à “la campagne“, sans être conviée ...

POINTS FORTS

Martin Crimp n’a pas son pareil pour s’emparer d’un motif (le fameux triangle de l’adultère) qui conviendrait à n’importe quel drame ou comédie bourgeoise pour en décortiquer les ressorts.

Sa maestria dans la conduite des dialogues met bien en valeur les stratégies de discours visant soit à débusquer ce que cache l’autre en le poussant à la faute de langage et au “mot de trop“ qui servira de carburant pour la suite de l’enquête, soit à dissimuler, ignorer ou minorer l’évidence que tel ou tel personnage cherche pourtant à connaître. De ce point de vue, la traduction de l’écrivain Philippe Djian, qui s’est entiché de Martin Crimp, ne trahit pas ce dernier, même si l’on peut préférer d’autres traductions plus profondes, telles que celles d’Elisabeth Angel-Perez.

La mise en scène - toute en mouvements latéraux d’un bout à l’autre de la scène - s’appuie sur un décor minimaliste mais suffisant : un écran vertical aux couleurs variant selon les atmosphères, une longue table et une chaise haute.

Isabelle Carré impulse un rythme et une dynamique appréciables et sa rivale, Manon Clavel, n’est pas en reste, qui constitue la surprise et même la révélation de cette version de la pièce.

QUELQUES RÉSERVES

Il y a une discordance sensible entre les rôles féminins, très enlevés, et celui du docteur qui, sans être infâmant, est bien en-deçà des interprétations livrées par les deux comédiennes.

ENCORE UN MOT...

Cette pièce fait partie d’un diptyque La campagne (en 2000) / La ville (en 2008) conçu par Martin Crimp. Elle est sans doute la plus « pinterienne » et la plus accessible de ses œuvres. La Campagne constitue un bon point d’entrée pour son œuvre, aussi remarquable qu’exigeante.

UNE PHRASE

Corinne [à son mari] : « Ton métier, c’est de ne pas s’inquiéter. »

Isabelle Carré [à propos du rôle de Corinne] : « Elle sait, mais ne veut pas savoir. Elle efface les éléments qui pourraient nourrir sa lucidité, mais, à un moment, elle ne veut plus faire semblant. "

L'AUTEUR

Martin Crimp, né en1956, est un dramaturge anglais qui débute dans l’écriture de pièces au cours des années 1980, et se fait remarquer dès Définitivement les Bahamas (1986).

Il est l’auteur d’une quinzaine de pièces, dont Face au mur (2002), Dans la République du bonheur (2012) et Le reste vous le connaissez par le cinéma (2013), jouées un peu partout sur les scènes européennes.

Musicien professionnel, Crimp pratique le piano et le clavecin, en même temps qu’il écrit des livrets d’opéra (Into the little hill en 2006, Written on skin en 2012, Lessons in love and violence en 2018) pour le compositeur George Benjamin.

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