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L’irrésistible expansion de l’Etat nounou
©STEPHANE MAHE / POOL / AFP

Bonnes feuilles

Mathieu Laine publie "Infantilisation, Cet Etat nounou qui vous veut du bien" aux éditions Presses de la Cité. La pandémie n'aura été que le baromètre en fusion d'un phénomène plus profond : la prise de pouvoir totale de l'Etat-nounou. Mathieu Laine dénonce cet autre virus : la fièvre bureaucratique, technocratique et centralisatrice qui ne fait que révéler la propension malsaine de l'Etat à infantiliser les Français. Extrait 1/2.

Mathieu Laine

Mathieu Laine

Mathieu Laine dirige le cabinet de conseil Altermind.

Essayiste, il a publié entre autres le Dictionnaire du Libéralisme (Larousse, Avril 2012), ainsi que le Dictionnaire amoureux de la liberté (Plon, Janvier 2016).

Il est aussi l'un des actionnaires d'Atlantico.

Transformer la France - Mathieu Laine & Jean-Philippe Feldman

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La politique est devenue une affaire de mère. Une mère en apparence aimante, mue par de bons sentiments, de nobles ambitions. Mais une mère étouffante, assassine de la moindre parcelle de notre liberté, refusant de voir grandir ses petits et asséchant à petit feu notre esprit de responsabilité. Une mère obèse qui, pour financer sa généreuse protection, nous prélève et nous endette toujours davantage.

A force de refuser de donner des ailes à ses petits, la société qu’elle engendre devient victimaire, plaintive, geignarde. Elle peut aussi devenir violente, les enfants exagérément couvés manifestant par toute une série de troubles bien connus des psychiatres leur désir d’émancipation.

Le Bien, lui, galope plus vite que les forces d’affranchissement. Au moindre bobo médiatique, on fait intervenir la Maman nationale, comme on l’a vu à l’époque de Leonarda, avec à son chevet le président Hollande. Cette léonardisation des esprits, qui branche avec la magistrature suprême toute victime sous le feu des caméras, porte en elle un venin interventionniste dont la puissance n’a d’égale que l’incitation que ce type d’événement engendre sur la manière de se comporter avec ses propres souffrances comme avec le pouvoir.

Dès lors, le paradis, c’est pour bientôt ? Après l’inscription sur nos barres chocolatées « Le sucre fait grossir », va-t-on bientôt écrire, sur le fronton des maternités, que « toute naissance accroît de 100 % le risque de mourir un jour » ? Il est bien temps de nous prévenir.

Chaque jour, l’Etat nounou s’éloigne de la devise de Lysander Spooner : « Les vices ne sont pas des crimes. » Ce penseur américain du XIXxe  siècle, à la fois entrepreneur et juriste, considérait que les actes par lesquels un homme peut nuire à sa propre personne ou à ses biens doivent être nettement distingués des actions attentant à la personne ou aux biens d’autrui. Il y voyait là une frontière morale et juridique que l’Etat moderne a outrageusement piétinée. « Pour notre Bien… »

Une progression aux mille visages

Si la pandémie a déclenché nombre de débordements infantilisants en France, d’autres pays n’ont pas été épargnés.

Du côté des régimes illibéraux ou autoritaires, la poigne et l’ambition de contrôle sont même montées d’un cran. Le maternage sanitaire a ainsi vu le Premier ministre hongrois Viktor Orban s’allouer les pleins pouvoirs fin mars 2020 quand la Chine, foyer de l’épidémie, a fait usage de drones pour traquer les masques oubliés tout en multipliant les caméras devant les maisons placées en quarantaine. Malgré le recul apparent du virus dans cette zone, l’ensemble des mesures de surveillance demeurent et demeureront.

La collaboration entre le parti communiste chinois et les géants Alibaba, Baidu, ByteDance, Tencent et Xiaomi, tous disposés à croiser leurs données pour endiguer la pandémie en traquant les comportements, ouvre quant à elle le champ à d’autres applications de surveillance individuelle pour le moins préoccupantes. Avec pour force de séduction un mot terrible : efficacité.

Du côté des démocraties, la comparaison entre l’approche essentiellement pénalisante et infantilisante de certains pays et une approche plus responsabilisante et nourrie de science cognitive telle que celle qui a pu se déployer en Nouvelle-Zélande a révélé les vertus de la seconde. Taïwan, où il n’y a eu ni attestation ni masque dans la rue, ni bâchage des produits « non essentiels », fait aussi office de modèle. Ils ont misé avec succès sur la confiance tout en mettant en place des quarantaines très strictes des voyageurs à l’arrivée sur le territoire et des cas contacts, et l’isolement obligatoire des malades. S’il est difficile de décider dans un contexte d’incertitude, l’approche française, héritée de siècles d’habitudes, n’a pas brillé.

Au Royaume-Uni, pendant que le président français invitait ses concitoyens à « porter le masque à la maison », des scientifiques relayés par les pouvoirs publics ont suggéré qu’à Noël, les familles avec enfants proscrivent les jeux de société et leur préfèrent les quiz. Dans la même veine, au-delà du champ épidémique et après qu’on a pu apercevoir –  une fois  – un Boris Johnson souffrant de surpoids faire non sans souffrance des pompes à la télévision, un mouvement de rébellion a vu le jour alors qu’un projet de loi ambitionnait d’interdire toute publicité en ligne pour la junk  food, ces aliments considérés comme trop salés ou trop sucrés, y compris le chocolat, le beurre de cacahuète ou les saucisses si appréciées des sujets de Sa Majesté.

La France n’est pas en reste sur le sujet, elle qui a déjà commencé à taxer les sodas en 2012 et qui envisage de supprimer les publicités pour des produits trop néfastes, y compris pour le climat. Comme l’a écrit Etienne Gernelle, « la censure publicitaire, c’est de la censure ! ». Cette « idée de gendarmer le désir » au moyen de ce genre de « gadgets » ou de « postures » « repose sur la négation du libre arbitre » et sur « du puritanisme et du paternalisme ». Les citoyens n’étant pas capables de décider par eux-mêmes ni d’éduquer leurs enfants et la Sécurité sociale étant en déficit, allons-nous bientôt voir nos menus fixés par l’Etat, sauf à être radiés de l’assurance-santé ?

A New York, c’est la lutte antitabac qui atteint des sommets, la taxation étant à son comble (le paquet est à 13  dollars minimum), les épiceries dotées d’un rayon pharmacie étant depuis 2017 interdites de vendre des cigarettes et une proposition ayant même envisagé d’interdire de fumer en marchant dans la rue… Dans le même temps, le marché noir de cigarettes a explosé, 56 % des cigarettes consommées dans l’Etat ayant été introduites en contrebande. A quand l’interdiction de fumer ?

La situation la plus cocasse est survenue au Bhoutan, le premier pays au monde à avoir, en 2010, totalement interdit la culture, la production, la vente et la distribution de tout type de produit issu du tabac, seule l’importation pour la consommation personnelle, en quantités restreintes, y étant autorisée. En raison de la Covid, le gouvernement a dû autoriser à nouveau le tabac « pour des raisons sanitaires » car les fumeurs n’étaient plus en mesure de se déplacer à l’extérieur du pays pour se procurer du tabac, et la contrebande était montée en flèche...

Extrait du livre de Mathieu Laine, "Infantilisation, Cet Etat nounou qui vous veut du bien", aux éditions Presses de la Cité.

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