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Les ressources en énergies fossiles sont considérables. Elles représentent environ cinquante années de production au rythme actuel pour le gaz et le pétrole, beaucoup plus pour le charbon.
Les ressources en énergies fossiles sont considérables. Elles représentent environ cinquante années de production au rythme actuel pour le gaz et le pétrole, beaucoup plus pour le charbon.
©MARWAN NAAMANI / AFP

Sobriété ?

Malgré les progrès en matière d’efficacité énergétique et de sobriété, la consommation d’énergie en particulier continue de croître car la population mondiale et la richesse globale continuent de progresser. Qu'en est-il du pétrole ?

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec est un spécialiste de l’énergie et en particulier du pétrole et professeur à l’Ecole du Pétrole et des Moteurs, où il a dirigé le Centre Economie et Gestion. 

Il a publié plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur des sujets touchant à l’économie et à la géopolitique de l’énergie et en particulier Exploitation et Gestion du Raffinage (français et anglais), Recherche et Production du Pétrole et du Gaz (français et anglais en 2011), l’Energie à Quel Prix ? (2006) et Géopolitique de l’Energie (français 2009, anglais 2011).

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Atlantico : L’intensité de la consommation de pétrole pour la production économique baisse continuellement depuis 50 ans. Comment expliquer cette réalité ? Quelles sont les principales explications derrière ce phénomène ?

Jean-Pierre Favennec : L’intensité de la consommation de pétrole pour la production économique s’obtient simplement en faisant le rapport entre la consommation de pétrole et le PNB (produit national brut, mesure de la richesse du pays). Cette intensité diminue régulièrement depuis de nombreuses années. D’une façon plus générale, c’est l’intensité de la consommation d’énergie qui diminue. 

Deux facteurs expliquent cette évolution :

-       La part croissante du secteur tertiaire dans l’économie). L’économie est traditionnellement décomposée en trois secteurs : primaire (agriculture), secondaire industrie), tertiaire (services). Or l’essentiel du secteur tertiaire tourne autour des services qui représentent désormais 80 % de l’activité contre 18 % pour l’industrie et 2 % pour l’agriculture. En 1950 l’activité était également répartie entre les 3 secteurs. Or l’industrie consomme beaucoup plus d’énergie que les services. Un professeur dans une classe dépense une faible fraction de l’énergie nécessaire à la construction d’une voiture.

-       Une efficacité beaucoup plus grande des processus industriels : une centrale thermique produit plus pour la même consommation de gaz ou d’uranium, une voiture consomme moins d’essence aux 100 km – pour une même taille et un même poids bien sûr (on notera que la recherche du confort et de la sécurité conduit à un accroissement du poids donc de la consommation d’énergie des véhicules).

Alors que l’intensité pétrolière diminue, le rapport consommation/PIB augmente. Cela aurait tendance à entraîner une augmentation de la consommation totale de pétrole. Selon les principales estimations, nous sommes à environ 102 millions de barils/jour. Cela représente environ 16 milliards de litres de pétrole chaque jour. Est-ce assez pour faire une réelle différence sur le plan de l’économie ?

Malgré les progrès en matière d’efficacité énergétique et de sobriété, la consommation d’énergie et de pétrole en particulier continue de croître car la population mondiale et la richesse globale continuent de progresser.

La consommation de pétrole augmente de 1 à 2 % par an dans le monde. Si elle stagne dans les pays européens, elle continue à croître dans les pays émergents.

Quels que soient les progrès en matière d’efficacité énergétique, il est probable que la consommation de pétrole continuera à augmenter dans les prochaines années. Bien entendu les inquiétudes légitimes provoquées par le changement climatique conduisent des acteurs de plus en plus nombreux à limiter la consommation d'énergies fossiles. On peut donc penser que la consommation de pétrole passera par un maximum d’ici 5 à 15 ans pour se stabiliser ou diminuer ensuite. Les scénarios de l’Agence Internationale de l’Energie, qui font référence prévoient à l’horizon 20250 soit une consommation de pétrole légèrement réduite par rapport à 2023, soit une consommation réduite de 50 % si les mesures annoncées lors de la COP21 à Paris en 2025 sont mises en œuvre, soit une consommation réduite de 80 % si l’on veut atteindre la neutralité carbone (scénario « Net Zero Emissions – les émissions de CO2 sont compensées par des captures équivalentes de ce gaz).

Au regard de l’intensité énergétique, l’indicateur désignant le rapport entre la consommation d'énergie d’un pays et son produit intérieur brut (PIB), ces données sont-elles alarmantes sur le plan économique ? Y a-t-il suffisamment d’énergie pour produire des richesses ?

Il est probable que nous assisterons dans les prochaines années à un certain recul des énergies fossiles - charbon, pétrole, gaz - qui à l’heure actuelle couvrent plus de 80 % des besoins en énergie de la planète et à une forte croissance des énergies renouvelables, solaire et éolien en particulier.

Les ressources en énergies fossiles sont considérables. Elles représentent environ cinquante années de production au rythme actuel pour le gaz et le pétrole, beaucoup plus pour le charbon. Mais toutes ces ressources ne pourront pas être utilisées car elles conduiraient à un changement climatique insupportable. Du charbon, du pétrole, du gaz devront donc rester en terre.

Le développement du solaire et de l’éolien, le développement des véhicules électriques et des batteries nécessite des matériaux critiques (cuivre, aluminium, cobalt, lithium, terres et métaux rares) dont les ressources ne sont pas illimitées et dont l’exploitation peut provoquer une certaine  pollution. Ces différents facteurs (limitation des ressources, problèmes d’exploitation) pourraient créer des difficultés.

La diminution des émissions de CO2 doit cependant être un objectif prioritaire.

Quelles peuvent être les perspectives économiques pour l’Europe vis-à-vis de cette situation et par rapport aux choix des pays producteurs de pétrole ? 

Bien que l’Europe soit de plus en plus dépendante de l’extérieur pour son approvisionnement énergétique (l’essentiel du gaz et du pétrole que nous consommons doit être importé, l’utilisation du charbon doit, elle, être réduite), les marchés de matières premières fonctionnent bien et l’Europe n’a pas de difficultés pour trouver au Moyen Orient, en Afrique, en Amérique du Sud, voire aux Etats-Unis le pétrole et le gaz nécessaires à son économie.

Comparée à la situation de l’Amérique du Nord qui dispose d’énormes ressources de charbon, de gaz et de pétrole, la situation de l’Europe est beaucoup moins favorable mais elle est comparable à celle de l’Asie, immense continent, riche en charbon mais assez largement dépourvu de pétrole et de gaz et dont les besoins en hydrocarbures sont surtout couverts par le Moyen-Orient (et la Russie).

Sauf changement géopolitique très grave, la situation actuelle ne devrait pas beaucoup évoluer. Au cas où un embrassement politique - peu probable - se produirait au Moyen-Orient, la situation pourrait changer mais il est très probable que les contraintes économiques (nécessité pour les pays producteurs de boucler leur budget) conduiront à un retour à la normale.

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