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L’impact psychologique du Covid est-il dû aux mesures de restrictions sanitaires ou à la pandémie elle-même ?
L’impact psychologique du Covid est-il dû aux mesures de restrictions sanitaires ou à la pandémie elle-même ?
©Loic VENANCE / AFP

Santé mentale

Au regard des études menées sur l’impact psychologique de la pandémie de Covid-19 sur le mental des Français, le coût psychologique de la crise sanitaire est-il lié aux restrictions, aux privations des libertés ou au contexte d’urgence sanitaire et à l’angoisse suscitée par l'épidémie ?

Xavier Briffault

Xavier Briffault

Chargé de recherche au CNRS (INSHSSection 35).
Habilité à diriger des recherches (HDR).

Membre du conseil de laboratoire du CERMES3.
Membre du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP), Commission Spécialisée Prévention, Education et Promotion de la Santé.
Expert auprès de la HAS, de l’Agence de la Biomédecine, de la MILDT, de l’ANR, d’Universcience.

Chargé de cours à l’Université Paris V Paris Descartes, à l’Université Paris VIII Vincennes-Saint Denis. 

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Atlantico : À la lumière des études faites sur limpact psychologique de la crise sanitaire sur le mental des Français, est-ce que le fameux coût psychologique de la crise est lié aux mesures propres et à la frustration individuelle d’être privé de ses libertés ordinaires ou au contexte durgence et dangoisse générale de la crise pandémique ? 

Xavier Briffault : Les derniers résultats de CoviPrev annoncent que 31 % des Français adultes ont un score d’alerte sur des troubles anxieux et dépressifs. Ce score ne signifie pas que tous ces gens ont des troubles dépressifs caractérisés, mais ils ont une symptomatologie anxieuse ou dépressive. Cela représente 17 millions des 45 millions de la population adulte touchée, et ce chiffre est en augmentation constante. Depuis un an, ce chiffre a été multiplié par trois.

Il s’agit pour le moment d’un baromètre de l’état de la population, mais il y a des personnes pour lesquelles l’impact de la santé mental est directement lié au virus. Ce sont les proches des personnes décédées, hospitalisées gravement, donc confrontées à la mort. Il s’agit d’un stress post-traumatique. Avec 100 000 morts, cela fait un groupe important.

Nous avons aussi tous les soignants, éreintés par la gestion de la crise. Cela fait plusieurs dizaines de milliers de personnes en plus. Il y a aussi toutes les personnes dont l’activité a été empêchée, supprimée soit par des mesures législatives, soit par le ralentissement économique. Elles sont gravement impactées par des troubles anxieux, du sommeil et cela représente plusieurs millions de personnes. On retrouve ensuite celles touchées par les mesures de confinement, d’enfermement strictes et l’incertitude engendrée par la persistance de la situation (premier confinement, deuxième confinement, « troisième confinement »).

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Il faut savoir que l’incertitude est pathogène pour la santé mentale avec l’absence d’avenir, de prévisibilité, l’incohérence et la perte de sens. Au sein de la population, les jeunes sont gravement impactés et les études vont bientôt le prouver. La suppression des activités plaisantes a été majeure pour la dépression, l’anhédonie est importante. L’un des traitements de la dépression est de redonner aux gens l’opportunité de profiter des activités plaisantes. Aujourd’hui, il n’y a plus d’activité culturelle, de plaisir, de restaurant, de tourisme, les choses positives usuelles sont peu possibles. Le renforcement positif est réduit alors c’est dépressogène. 

La restauration de certaines libertés individuelles suffirait-elle à alléger les angoisses de la population, ou la confrontation (images de services de réanimations débordés, courbes des décès et des cas de covid graves) resterait prégnante dans l’état desprit des Français? 

Non et je suis catégorique là dessus pour des raisons psychiatriques et sociologiques. D’une part, il ne faut pas oublier que le trauma collectif est important. Après le premier confinement, nous n’avons pas observé un impact important sur la santé mentale car on pensait que c’était le dernier, le seul. Mais cela n’a pas été le dernier…

Aujourd’hui, pour l’immense majorité des gens, c’est acquis que plus rien n’est prévisible et certain. Tout peut arriver. Même si nous restaurions tout demain, il persistera que tout peut être détruit demain. Des fondements vitaux de la vie en société vont prendre très longtemps à être restaurés. Il s’agira de plusieurs années et pour certains domaines ou populations des décennies. Cela a un impact sur les décennies qu’il leur restera à vivre. Les étudiants dont les études sont détruites, c’est pour leur vie. Les enfants dont l’éducation est gravement perturbée, qui n’atteindront pas le niveau qu’ils auraient dû avoir c’est pour la totalité de leur vie.

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Nous avons engagé un trauma qui va transformer en profondeur les régulations sociales et la confiance que l’on accorde dans les systèmes politiques, médicaux, économiques. La latence du trauma va être longue. La dépression se chronicise vite et se guérit mal.

Le sentiment dimpuissance des citoyens face à la crise  et de (dé)responsabilisation de l’État sont-ils compatibles avec une gestion sereine des effets psychologiques de cette pandémie ? 

Sur aucun point. Ce qu’on appelle l’empowerment et la puissance d’agir, c’est à dire le sentiment vécu et que l’on a la maîtrise de sa vie, est déterminant de la santé mentale. Lorsque l’on regarde les études épidémiologiques psychiatriques dont on dispose, l’un des prédicateurs majeurs d’écroulement c’est le sentiment d’avoir perdu la maîtrise de sa vie. La manière utilisée pour gérer la crise est déresponsabilisante et infantilisante, cela ne donne pas aux personnes les moyens concrets en termes de moyens et de connaissances pour se débrouiller face au virus. Cela provoque de l’impuissance et c’est un facteur majeur de troubles psychiatriques.

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