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L’immobilier est un des rares secteurs à résister au choc de la crise : la tentation du retour à la campagne ne modifie pas la donne
©JOEL SAGET / AFP

Atlantico Business

Le marché de l’immobilier est encore très résilient. Dans les grandes métropoles comme en province, les prix devraient encore progresser en 2021. La capacité d’épargne compense les restrictions de crédit bancaire.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La FNAIM, 1ère organisation professionnelle des métiers de l'immobilier, a demandé en décembre dernier, à sa communauté de professionnels d’établir un diagnostic de leur secteur et de donner leurs prévisions pour l’année 2021. La principale observation, c’est que le secteur est fragilisé, mais encore bien actif. Malgré des agences fermées au printemps et en novembre, le secteur n’a été que moyennement impacté en termes de volume (-8% d’activité), mais les agences ont dû faire face à des difficultés de trésorerie.

Près de 40 % d’entre elles avait contracté un prêt garanti par l’État (PGE), qui n’a, à ce jour, pas été remboursé dans la plupart des cas. Elles devraient obtenir des délais supplémentaires pour le remboursement, voire même des rallonges.

Actuellement, les visites restent difficiles à organiser à cause des contraintes sanitaires. L’offre de biens est moins importante qu’auparavant, ce qui, face à une demande inchangée, maintient à la hausse le prix moyen au mètre carré, sur la plus grande partie du territoire.

Le secteur immobilier peut compter sur plusieurs facteurs de résilience.

D’abord, l’activité continue de tourner. Globalement, la confiance des ménages dans l’immobilier ne s’est jamais estompée. L’année 2020 n’a pas empêché les particuliers de vendre ou d’acheter, s’ils en avaient le besoin ou les moyens. Au plus fort de la crise sanitaire, les indicateurs immobiliers étaient même plus hauts que lors de la crise des gilets jaunes. Les volumes ne se sont pas effondrés. Au total, 980 000 transactions ont eu lieu sur le territoire français en 2020. C’est 8% de moins qu’en 2019, qui était une année record où le million avait pour la première fois été dépassé. Le chiffre de 2020 nous fait revenir sur des niveaux de 2018, ce qui est loin d’être catastrophique.

Ensuite, la courbe des prix a continué de progresser en ville et de baisser à la campagne. En moyenne, le prix moyen au mètre carré évolue de +5% pour les appartements (3844 € le mètre carré). C’est la plus forte hausse de ces dernières années. Pour les maisons, l’augmentation est de +2,4% (2276 €/m2), suivant le rythme habituel des années précédentes.

Si certaines villes tirent particulièrement leur épingle du jeu (Poitiers, Nîmes, Rennes), la hausse est moins prononcée dans les grandes métropoles. Paris est en dessous de la moyenne nationale, mais les prix y grimpent tout de même de +3% et restent bien au-dessus de 10 000 € (10 534 €/m2). Bordeaux et Lyon effectuent un rattrapage par rapport à leur forte montée des prix depuis 5 ans. Le prix moyen n’y augmente respectivement que de +0,2% (4 658 €/m2) et +1,5% (4 293 €/m2), un rythme qui ralentit pour les 2ème et 3ème villes les plus chères de France

Si beaucoup de citadins, venus chercher plus de vert et d’espace, se sont installés à la campagne ces derniers mois, la tendance ne s’est pas inversée. Les prix continuent à baisser dans les zones rurales.

L’économie française peut aussi compter sur le luxe en matière d’immobilier. Le marché des biens haut de gamme se porte particulièrement bien, malgré le manque de mobilité internationale et la peur de voir disparaitre les acquéreurs étrangers. En l’absence des Américains et des Chinois, les Orientaux ont continué de se déplacer ou à résider en Occident. Les Européens, et particulièrement les Français, ont continué, eux aussi, de porter le marché. Les prix ont progressé plus fortement sur les biens de luxe que sur le reste des biens, ce segment de gamme prenant 8% en moyenne, d’après l’estimation du réseau Daniel Féau, acteur majeur du segment des biens de prestige. Et ce, même pour l’immobilier parisien, caractérisé par une étroitesse structurelle de l’offre et qui peut, dans certains secteurs atteindre jusqu’à 35 000 euros/m2.

Enfin, les conditions de financement restent exceptionnelles. Les ménages continuent d’emprunter à taux très bas, en moyenne à +1,24%, ce qui encourage les achats opportunistes.

Pour autant, le secteur immobilier est exposé à plusieurs risques.

Le premier risque vient du comportement des banques. Malgré des taux bas, qui sont permis grâce à la politique monétaire, les établissements bancaires deviennent plus exigeants en termes de dossiers de crédit. Les banquiers n’ont pas envie de se retrouver face à des impayés, que la conjoncture actuelle avec un cortège de faillites ou de plans sociaux peuvent plus tard engendrer. Ils prennent donc des garanties supplémentaires : garantie de revenus ou apport plus élevé qu’avant-crise. Résultat : les ventes sont plus nombreuses qu’avant à être annulées parce qu’un ménage n’a pas obtenu son crédit.

Le deuxième risque, c’est l’évolution de la situation sanitaire. L’activité a, pour l’instant, été préservée car les salaires ont continué d’être payés grâce au soutien de l’Etat. Elle restera à ce niveau tant qu’il y aura un soutien actif de l’Etat, mais pour combien de temps encore la vague sera-t-elle évitée ? 

Le troisième risque, c’est que la situation actuelle ferme l’accès de la propriété immobilière à toute une partie de la population, et principalement aux plus jeunes. Avec des prix déjà très élevés qui augmentent plus fortement que le niveau de vie dans les métropoles et des crédits qui se font plus difficiles à obtenir, comment pourraient-ils se projeter dans un achat immobilier ? De l’autre côté, on retrouve ceux qui, pendant ces derniers mois, ont épargné ce qu’ils n’ont pas pu dépenser et qui ont contribué aux 80 milliards d’euros supplémentaires déposés sur les comptes courants en 2020. Ces ménages-là n’auront aucun mal à répondre à la demande des banques d’un plus gros apport. Bien souvent, ils n’ont même plus besoin de contracter un emprunt et paient au comptant.

La crise accroit les inégalités, elle divise plus qu’elle ne rassemble et c’est particulièrement visible dans l’immobilier.

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