L'extrême droite en Europe : les points communs entre les différentes formations politiques <!-- --> | Atlantico.fr
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Marine le Pen et Geert Wilders.
Marine le Pen et Geert Wilders.
©Reuters

Bonnes feuilles

La montée électorale, dès le début des années 1980, du Front national avait fait de la France une exception en Europe. Depuis, des États comme l'Autriche et la Belgique ont aussi connu la percée de partis politiques d'extrême droite, revendiquant la préférence nationale, dénonçant le cosmopolitisme, le multiculturalisme et, plus directement encore, la présence des étrangers. Les démocraties de l'Europe du Nord, qui semblaient échapper à cette poussée politique nationaliste, sont à leur tour touchées. Et si les scores de l'extrême droite sont encore faibles en Grande-Bretagne et en Espagne, les conditions de leur essor sont malheureusement bien présentes. Extrait de "L'extrême droite en Europe", de Béatrice Giblin, publié chez La découverte (1/2).

Béatrice Giblin

Béatrice Giblin

Béatrice Giblin est géographe et membre fondatrice, avec Yves Lacoste, de la revue de géographie et de géopolitique Hérodote, dont elle est actuellement codirectrice. Elle a fondé, en 2002, l’Institut français de géopolitique, université Paris-VIII.

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Dans le contexte actuel de la mondialisation économique, qui est rendue directement responsable des délocalisations des entreprises industrielles et donc du chômage, l’étranger, ou celui dont on se représente qu’il l’est même s’il ne l’est pas, sert, on le sait, de bouc émissaire.

Dans le raisonnement simpliste et surtout démagogique du FN, qui n’a pas changé sur le fond quoique Marine Le Pen essaie de le faire croire 4, l’immigration est la source de tous les maux de la France : chômage, délinquance, insécurité, déficits publics aggravés par le coût des prestations sociales versées aux étrangers et à leurs familles. Une affirmation d’autant plus scandaleuse que l’on sait que les comptes de la Sécurité sociale seraient encore plus déficitaires sans les travailleurs étrangers (audit des parlementaires de la politique d’immigration, d’intégration et de codéveloppement, mai 2011).

Mais si l’immigration reste au centre des discours du FN, elle est désormais présentée comme étant surtout menaçante parce que musulmane. Ce discours trouve écho et crédibilité à cause du terrorisme islamique depuis les attentats de New York le 11 septembre 2001 et ceux de Madrid (mars 2004) et de Londres (juillet 2005). Et s’il n’a pas (encore) touché le territoire national grâce à l’action efficace de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur), des Français en ont néanmoins été victimes à l’étranger en étant otages de l’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique – Niger, Mali). Un contexte exploité sans vergogne pour laisser entendre qu’en tout musulman, français ou étranger, sommeille un islamiste potentiel.

Dans un pays comme la France, où pourtant l’immigration parce qu’ancienne est un phénomène connu et dont on sait que l’intégration ne se fait pas sans hostilité et demande du temps (parfois plus de deux générations), le discours sur l’impossible intégration des migrants musulmans rencontre un écho certain, encore accru par l’amalgame musulman/islamiste. On peut donc imaginer que, dans les pays où l’immigration est un phénomène récent, ce discours puisse trouver facilement un écho favorable. C’est le cas dans les pays scandinaves ou dans des pays qui furent des pays d’émigration et qui sont devenus des pays d’immigration comme l’Italie et l’Espagne.

La tragédie de la folie meurtrière de ce trentenaire norvégien à l’été 2011 ne doit-elle rien aux discours des militants d’extrême droite nationalistes qui dénoncent par le canal d’Internet la menace que ferait peser le monde musulman sur l’Occident chrétien et sur la Norvège blonde aux yeux bleus ? Internet est en effet une formidable aubaine pour ces militants : tout peut se dire, s’écrire et se diffuser sans risque. Les réseaux sociaux, dont on a dit qu’ils avaient joué un rôle certain dans la mobilisation des manifestants tunisiens ou égyptiens, du moins pour ceux et celles qui ont un téléphone portable et accès à Internet, jouent aussi un rôle dans la diffusion des idées populistes et démagogiques de l’extrême droite. Sans être numériquement très nombreux, avec des sites bien répertoriés on peut désormais toucher un très grand nombre de gens.

Selon les partisans d’extrême droite, face à cette supposée menace que ferait peser l’immigration musulmane sur la nation chrétienne occidentale, celle-ci doit être protégée. Le contrôle des frontières doit donc être renforcé pour bloquer l’arri vée de nouveaux migrants de confession musulmane. L’argumentation repose sur une représentation doublement fausse : les arrivées massives et totalement incontrôlées des migrants, et les effets positifs du blocage total des frontières sans dire ses effets négatifs puisque fortement préjudiciables à l’activité économique. Les migrants clandestins qui arrivent, souvent au péril de leur vie, à passer entre les mailles du filet des radars côtiers et autres contrôles aéroportuaires ou portuaires sont de moins en moins nombreux, ce qui a d’ailleurs conduit les militants des associations de défense des étrangers à présenter l’UE comme une forteresse, quand les militants d’extrême droite la présentent toujours comme une passoire. À leurs yeux, la libre circulation des biens et des personnes au sein de l’espace Schengen est vue comme le cheval de Troie qui permet l’arrivée incontrôlée de migrants. Dès lors, l’UE n’apparaît plus comme un projet politique et économique aux effets positifs – la paix durable entre anciens ennemis, la forte croissance des échanges commerciaux, la fin d’une concurrence monétaire préjudiciable aux uns et aux autres – mais comme une entreprise qui contribue à fragiliser la nation en facilitant l’immigration, en mettant en concurrence des ouvriers européens aux salaires inégaux, les salariés les mieux payés voyant leurs emplois délocalisés dans les pays de l’UE où les ouvriers sont beaucoup moins payés.

Extrait de "L'extrême droite en Europe", de  Béatrice Giblin, publié chez La découverte, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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