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La femme du calife : l'ex-épouse du chef de l'Etat islamique s'exprime pour la première fois
©Capture d'écran

Califette

Ils ont été mariés, avant. Elle ne savait pas. Aujourd'hui, elle élève leur fille.

Saga al-Dulaimi a 28 ans, quatre enfants, et elle a été mariée à Baghdad avec Hisham Mohammad, maître de conférences en université. Rien d'extraordinaire. Sauf si l'on sait qu'Hisham Mohammad est aujourd'hui mieux connu sous le nom d'Abu Bakr al-Baghdadi, "émir" de l'Etat islamique - l'homme le plus dangereux du monde. Aujourd'hui séparée de lui et réfugiée au Liban, elle a accepté pour la première fois de raconter son histoire, au média suédois Expressen.

"Je n'osais pas avoir de conversations avec lui"

Saga grandit dans une famille de la haute bourgeoisie baghdadie. Son mari, lieutenant de la garde rapprochée de Saddam, entre dans la résistance après l'invasion américaine de l'Irak, et est tué. Se retrouvant veuve, sans emploi et avec des enfants à charge, Saga cherche un mariage arrangé, que son père lui procure. Dans les sociétés arabo-musulmanes, il est fréquent que les hommes épousent les veuves afin de fournir un secours matériel aux enfants.

"J'ai épousé un homme normal, qui était maître de conférences à l'université. A l'époque son nom était Hisham Mohammad", explique Saga. "Il ne parlait pas beaucoup de lui. Il était mystérieux, ne parlait pas. On se voyait le soir, au dîner. Il passait toutes ses journées à l'université, où il enseignait la religion et la Sharia. Parfois il disparaissait pendant des journées entières. Il disait qu'il rendait visite à son frère."

Par contre, "Il adorait les enfants. Il était leur idole. Il était excellent de ce point de vue-là."

Elle le quitte vite, après trois mois. Elle est enceinte d'un mois sans le savoir. La vie est trop inconfortable. Al-Baghdadi n'avait pas dit à sa première femme qu'il prenait une deuxième femme, et celle-ci le vivait très mal. La situation était donc pesante.

"Je ne l'aimais pas. C'était quelqu'un d'énigmatique. On ne pouvait pas parler ou avoir une conversation normale avec lui. Le soir, lorsqu'il rentrait, on dînait ensemble. Il me posait des questions et me donnait des ordres, c'est tout", dit-elle. "Sa personnalité était mystérieuse et je n'osais pas avoir de conversations avec lui."

Après l'invasion américaine, de nombreux sunnites irakiens rentrent dans la résistance, y compris le frère de Saga. "Mais pas lui. Je ne l'ai jamais vu activement impliqué dans la résistance, du tout. C'était un homme de famille normale. C'est un mystère pour moi - comment il a pu devenir l'emir de l'organisation terroriste la plus dangereuse du monde."

Elle apprend l'identité de son mari en prison

En voyage à Damas pour rendre visite à sa famille, elle est arrêtée par les autorités du gouvernement de Bachar al-Assad, selon elle parce que ces autorités cherchent des membres de sa famille, qui seraient impliqués dans l'Armée syrienne libre.

Le gouvernement syrien prétend que le père de Saga est un des dirigeants du Front al-Nusra, affilié à Al-Qaïda. Elle est libérée en mars 2014 avec 151 autres femmes dans un échange de prisonniers avec le Front al-Nusra. (Le même échange dans lequel le Front al-Nusra libérera 13 bonnes sœurs chrétiennes kidnappées quatre mois plus tôt.)

Plus tard, elle passe clandestinement au Liban et se fait arrêter de nouveau. C'est là qu'on lui montre des vidéos de son mari et qu'elle découvre la vérité, seulement sept ans après. Elle a été mariée à Abu Bakr al-Baghdadi, l'homme le plus dangereux du monde. Des tests ADN sont faits, établissant qu'al-Baghdadi est effectivement le père de sa petite fille Hagar.

Elle est libérée dans un autre échange de prisonniers avec al-Nusra, mais les autorités libanaises lui donnent le choix de retourner en Syrie dans la zone contrôlée par l'Etat islamique ou de rester au Liban, et elle reste. "J'ai choisi le Liban pour mes enfants."

Sur l'Etat islamique : "C'est du meurtre."

Interrogée sur ses opinions sur l'Etat islamique, elle est claire : "C'est du meurtre, du sang, de la brutalité. En tant que mère, pour moi ce qu'ils font, c'est du terrorisme. Si quelqu'un fait du mal à mon fils, c'est un terroriste. Toutes les mères pensent ça."

Elle se dit à la fois pour "la liberté" et "les droits des femmes" et pour la Sharia. "C'est la Sharia qui donne la liberté et les droits aux femmes." Mais "bien sûr" elle ne préférerait pas vivre en Arabie saoudite plutôt qu'au Liban. Aujourd'hui, elle veut émigrer en Occident.

"De quoi suis-je coupable ? J'étais mariée avec lui en 2008. Nous sommes divorcés maintenant. C'est moi qui l'ai quitté. Je suis une femme qui a beaucoup souffert, y compris en prison. Si j'avais voulu vivre avec al-Baghdadi, j'aurais pu vivre comme une princesse. Je ne veux pas d'argent. Je veux la liberté."

Regarder toute l'interview sur le site de l'Expressen >>>

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