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hôpital coronavirus covid-19 été lutte et stratégie contre le virus tests France
hôpital coronavirus covid-19 été lutte et stratégie contre le virus tests France
©JOEL SAGET / AFP

Stratégie face à la pandémie

Le Dr. Guy-André Pelouze décrypte l'évolution de l'épidémie et revient sur la stratégie du gouvernement durant l'été face à la Covid-19. Malgré la hausse des tests, l'Etat n'a pas réussi à isoler les porteurs du virus.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Une pandémie est avant tout un monde incertain. Observer, mesurer, analyser, faire des expériences, modéliser pour anticiper et utiliser toute la puissance des outils scientifiques mis au point depuis des siècles et singulièrement depuis 50 ans permet de diminuer l’incertitude. Cela se déroule devant nous. Pas dans les petites lucarnes du monde communiquant et irrationnel des médias mais dans les échanges, confrontations et publications des chercheurs du monde entier. Et parmi eux les plus innovants, les plus efficaces, les plus performants qui ont choisi autre chose que la parade télévisuelle flatteuse entre deux publicités commerciales. Évidemment la lecture de ces publications demande un effort, toutefois il faut rappeler que depuis le début de la pandémie les articles scientifiques des grandes revues sur la Covid-19 sont d’accès gratuit. Un effort sans précédent.

Cet été après le déconfinement l’Etat n’a pas réussi à isoler les porteurs du virus pourtant détectés grâce à l’augmentation du nombre de tests

Nous avons largement expliqué dans Atlantico comment et pourquoi nous n’avons pas pu à travers une organisation sanitaire sans faille isoler les porteurs du virus et casser drastiquement la transmission. Les dispositions tardives du plan Philippe, les ratés des ARS voire leur volonté de ne pas collaborer dans l’affaire des plates-formes de diagnostic de lecture des tests, tout cela et bien plus encore comme les brigades ressemblant plutôt soit à des plates-formes téléphoniques peu efficaces soit à une armée mexicaine, tout cela explique l’échec de l’isolement alors que nous avons réussi grâce aux médecins généralistes et aux laboratoires d’analyses médicales à procurer enfin des tests et des rendez vous à la population. Mais tester est un moyen, tracer, traquer et surtout isoler c’est l’action efficace. Dès que la question d’un test de la Covid 19 est évoqué il faut s’isoler. On assiste à ce sujet à un faux débat puisque pour ne pas s’isoler les Français assez irrespectueux des règles le moindrement contraignantes se plaignent des délais. Il faut s’isoler jusqu’à la réception du message concernant le résultat du test. Mais quand le test est positif, il ne s’agit plus d’une option on doit s’isoler et l’État doit vérifier que cet isolement est réel. Pour cela il faut décider (peut-être est-ce là la question) de transmettre sans aucune exception le résultat de tout test remboursé par l’assurance maladie aux médecins traitants, aux patients et à la brigade responsable localement de l’isolement. Le dispositif actuel consiste au contraire à couper soigneusement les cordes de la raquette de tennis pour que la balle puisse la traverser à plusieurs endroits. C’est inadmissible. C’est inefficace. Pour certains qui auront ainsi contaminé des immuno-fragiles c’est criminel. Mais est ce que la répétition est pédagogique? Nullement sans la responsabilité attachée au remboursement du test. On aurait pu croire que Jean Castex avait obtenu l’aval du président sur cette mesure mais il semble que non. 

L’été fut meurtrier un peu partout et surtout sur les côtes méditerranéenne et atlantique

L’enseignement avait brièvement repris pour ensuite laisser place aux vacances. Les personnes âgées étaient chez elles ou en EHPA, les Français actifs partis en France. Quelques uns à l’étranger. Peu de touristes étrangers sont entrés mais toujours par des frontières sans contrôle responsable. L’accélération de la mobilité, du brassage, l’inobservance des protections par les individus et par les commerçants, les bravades  irresponsables (Figure N°1), bref un ensemble de facteurs ont poussé le R effectif au delà de 1 et par endroits près de 2. L’épidémie s’est emballée c’est à dire non pas suivant un mode linéaire mais exponentiel. Au lieu d’observer, comme depuis la fin du déconfinement, des foyers aléatoires assez faibles et donc maîtrisables la rentrée s’est faite sous pression d’une résurgence synchrone dans à peu près tout le pays peuplé. Et l’enseignement a repris. 

Figure N°1: apparemment deux touristes Français n’ayant pas observé l’isolement à leur arrivée en Islande malgré un test positif ont pu contaminer 100 personnes (https://www.icelandreview.com/society/covid-19-in-iceland-violated-isolation-and-infected-over-100/) .

L’anti-macronisme pavlovien est en train de devenir une vraie hystérie obscurantiste

Envisageons trois affirmations des gouvernements d’Emmanuel Macron :

  • diminuer la dette n’est pas un objectif prioritaire et encore moins la dépense publique d’ailleurs le président a appliqué ce principe depuis le début de son quinquennat.
  • l’immigration est une chance pour la France et il faut s’habituer au terrorisme. Il est envisagé de supprimer l’école à la maison pour éviter les Kalachnikovs.
  • la pandémie est grave, on ne plaisante pas, ou on ne joue pas avec une pandémie.

Ce n’est pas parce que les deux premières affirmations sont erronées, parfaitement contredites par la réalité que la troisième est fausse. Le stupide pavlovien n’est pas capable de faire la différence entre le vrai et le faux, il est juste capable de lire les étiquettes que d’autres ont plaqué sur des hommes politiques. C’est un problème majeur car il n’y a pas de débat binaire, ce que dit le gouvernement et le président peut tout simplement être un constat factuel. La France, son histoire, son économie, son état actuel doivent être saisi dans la complexité. C’est à dire sans a priori. Or s’agissant de la pandémie les faits parlent d’eux mêmes. Chacun est capable de les étudier même sommairement. C’est pourquoi s’affranchir de la protection par l’éloignement, le masque, la réduction des contacts sociaux et l’éviction des espaces clos a fortiori avec air conditionné n’est pas une soumission au macronisme. C’est juste faire fonctionner le bon sens et la rationalité.

L’attraction fatale pour l’immunité de groupe est un avatar du jeunisme

Il n’y a pas d’immunisation gratuite. Il y a deux moyens de s’immuniser, contracter le virus et prendre le risque d’une maladie et de ses complications ou bien acheter un vaccin, l’injecter et faire une réaction immune constituée de la synthèse d’anticorps spécifiques, de cellules capables de détruire le virus et de cellules mémoires pour parer. un éventuel nouveau contact contaminant. C’est aussi prendre le risque de la vaccination. Dans le cas de la Covid-19 le risque de la maladie est sérieux voire dangereux en fonction des facteurs qui aggravent ce risque: âge, obésité, diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires, immunodéficience et d’autres facteurs y compris génétiques. C’est pourquoi il est grave de s’immuniser volontairement ou par négligence. Ceux qui crient que seuls les vieux meurent sont des idiots incapables de se documenter. En effet mourir est une chose mais avoir une Covid-19 sévère voire compliquée ou longue n’est l’apanage d’aucun âge. Les conséquences sont très handicapantes pour poursuivre son travail et les séquelles peuvent nécessiter une longue réadaptation. L’immunité de groupe n’est une option que pour les maladies infectieuses bénignes et il y en a. Plusieurs centaines de virus respiratoires peuvent causer un rhume y compris des coronavirus. La rhétorique des jeunes qui survivent et des vieux qui devaient mourir attire fatalement les cyniques, les faux humanistes du sacrifice, et d’autres. C’est affligeant et très inefficace sur le plan humain et économique. C’est un exemple très simple de la nécessité de maîtriser l’épidémie pour permettre la poursuite de la vie économique.

Trop de paroles, des contradictions non assumées, un brin d’arrogance et pas assez de résultats.

Dominique Wolton décrit assez bien la situation française qu’il nomme tyrannie de l’information en continu. Tel n’est cependant pas le cas de tous les pays européens. Notre voisin allemand et particulièrement les politiques fédéraux sont plutôt avares de déclarations tonitruantes. Le trio Merkel, Spahn et Drosten fait plutôt dans l’efficacité. Il faut toujours s’inspirer des meilleurs et en l’occurrence l'Allemagne a moins du tiers de décès pour une population plus nombreuse.

Alors que faire?

Dans l’immédiat vu la dynamique de l’épidémie et son amplitude il faut constater l’échec de la maîtrise de l’épidémie et réaliser des confinements très sélectifs et très différenciés.

Ces confinements doivent être de courte durée. Le traçage , la recherche des contacts et l’isolement doivent être faits en collaboration avec les professionnels mais sous un contrôle strict assorti de sanctions pour le non respect des règles. Ces procédures ne peuvent être basées sur le volontariat car depuis Mai cela ne marche pas assez bien. Pour autant il est très inefficace de pénaliser tous les restaurants et tous les bars. La fermeture doit être sélective et basée sur les conditions de transmission dans l’organisation du commerce en question. Ce n’est pas facile dans un pays drogué à l’égalitarisme et qui ne veut pas voir les différences. Toutefois c’est la voix la plus efficace et la moins pénalisante pour les  clients et l’économie. Cet effort va de pair avec le renforcement du contrôle des foyers en activité. Toutes les ressources de l'administration doivent être mises sur le terrain de la pandémie ce d’autant que l’activité de soins est ralentie.

Pour la fin de l’automne et l'hiver la situation est encore incertaine c’est pourquoi il est indispensable de poursuivre la politique de tests à condition qu’un test positif conduise à un isolement.

Dès l’indication de test (prescription) et ce de manière contrôlable il faut s’isoler. Nous avons toujours des moyens considérables et peu mobilisés pour aider les Français à s’isoler par exemple s’ils sont seuls ou si leur logement familial ne permet pas de s’isoler sûrement. Il ne faut plus compter sur le bon vouloir de chacun et comme l’a si bien dit le premier ministre « on ne joue pas avec une pandémie ». Et bien cessons de jouer.

La France aborde la saison froide de l’hémisphère nord dans un contexte d’accélération de la pandémie qui vraisemblablement devrait donner moins de morts mais plus de malades. Les conséquences économiques peuvent être significatives en raison du nombre potentiel de personnes devant arrêter de travailler pour cause de COVID-19 symptomatique. Les tensions sur le système de soins sont mesurables et peuvent légitimement inquiéter dans la mesure où le nombre de cas de contamination par jour resterait très élevé. La maîtrise de l’épidémie en l’absence de vaccination ou d’un antiviral efficace marche sur deux jambes :

  • se protéger individuellement de manière systématique, c’est la responsabilité des citoyens.
  • Isoler les porteurs du virus pour les empêcher de transmettre, c’est la responsabilité régalienne de l’organisation sanitaire.

Nous devons progresser dans les deux directions.  L’isolement doit s’imposer et chacun doit considérer que s’isoler une semaine c’est non seulement ne pas transmettre aux autres mais aussi à sa propre famille et c’est aussi augmenter ses chances de meilleure prise en charge car cela a été relevé, au cours de l’isolement la surveillance est accrue de même que la précocité de la détection des complications.

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