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L’efficacité des organisations : grande oubliée de la réflexion en matière de politiques publiques et privées
©PASCAL PAVANI / AFP

SOS productivité

Lorsque les sujets des échecs de politiques publiques ou des difficultés d’entreprises privées sont évoqués, le rôle spécifique des dysfonctionnements organisationnels et humains reste souvent insuffisamment pris en considération.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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Des services publics qui coûtent trop cher à ceux qui les financent. Une productivité des facteurs de production, travail et capital, réunis dans le concept économique de Productivité Globale des Facteurs (la PGF dans le modèle de Solow), dont la faiblesse est la grande interrogation des économistes, et qui nourrit le risque de « grande stagnation » inventé par Larry Summers pour désigner la baisse tendancielle du taux de croissance naturelle des économies occidentales. Qu’ont en commun ces deux réalités économiques et politiques fondamentales ? En leur cœur, une grande oubliée, ou plutôt une grande négligée : l’efficacité des organisations publiques et privées. 

Disons-le tout net : la façon dont les grandes organisations publiques et privées dysfonctionnent n’est pas un objet inconnu, tant pour la sociologie, que pour l’économie ou le management. Des auteurs tels que Galbraith ou Coase s’en sont emparé il y a plusieurs décennies. Pourtant, il faut bien constater que lorsque l’on parle des échecs de politique publiques ou des difficultés d’entreprises privées, le rôle spécifique des dysfonctionnements organisationnels et humains reste souvent insuffisamment pris en considération. Deux exemples, l’un public, l’autre privé, l’attestent. 

A tout seigneur tout honneur : l’Etat. Notre Etat, pour reprendre le titre d’un ouvrage vieux de près de vingt ans, qui déjà s’alarmait de ses dysfonctionnements, auquel nous sommes si attachés. Qu’est-il devenu, et pourquoi rencontre-t-il autant d’échecs ? Pour des raisons évidentes et pourtant largement méconnues par ceux qui ne le connaissent pas de l’intérieur. Cet Etat est, ni plus ni moins, une organisation, une machine, qui fonctionne de moins en moins bien. Une machine qui devrait être l’outil premier pour analyser les problèmes, ébaucher des solutions, les mettre en œuvre, en assurer le suivi etc. Plus que des options politiques (interventionniste/ non interventionniste ; de droite ou de gauche etc.), ce qui caractérise l’Etat c’est qu’il fonctionne de moins en moins. Réunions stériles, solutions bancales, incapacité à traiter les sujets en profondeur, manque d’agilité et de rapidité : tels sont ses travers bien connus, qui ne sont pas nés d’hier, mais qui n’ont eu de cesse de s’aggraver au cours des vingt dernières années. Les raisons en sont simples, mais se réunissent en une : l’efficacité n’est plus son principe moteur. Comment cela pourrait-il être le cas si une telle organisation ne choisit plus ses chefs – Ministres, Directeurs - selon leur compétence, mais selon des critères autres (politiques, sexuelles etc.). Comment l’Etat pourrait-il être efficace alors qu’il est notoirement incapable de recruter une partie des meilleurs d’une société ? Qui peut croire, pour prendre un exemple parlant, que les meilleurs en finance sont à Bercy ? Ils sont, chacun le sait, dans un système financier qui sait rémunérer – parfois avec excès – le talent. Comment pourrait-il fonctionner alors que la compétence qui devrait être son principe dynamique est partout empêchée par les conservatismes, l’esprit de corps qui, loin de se réduire alors que l’Etat se fragilise, se renforce ?

Le secteur privé n’est pas en reste en matière de bureaucratisation. Si les exemples abondent, qu’il soit permis de prendre ici celui du Groupe Thales, dont les problèmes ont fait l’actualité récente. Cette entreprise connaît depuis quelques mois des difficultés, notamment boursières, reflet de problèmes commerciaux, qui pourraient étonner. En effet, elle est présente dans un secteur très porteur, et destiné à le demeurer, celui des industries de défense. Elle bénéficie – peut-être trop d’ailleurs au risque de succomber à des comportements de rentière – des effets de bord qu’autorise la bonne santé de l’export français en matière de défense ; ainsi, chaque fois que Naval Group ou Dassault vend une frégate ou un Rafale, Thales, qui équipe ces matériels, est gagnante. Elle assoit son excellence technologique sur des savoir-faire de pointe, qui eux-mêmes s’expliquent par la très grande qualité des ingénieurs français, l’une des forces de notre pays. Et pourtant, malgré ces atouts, Thales souffre. Beaucoup de raisons l’expliquent. Des erreurs de communications sans doute. Une certaine arrogance du haut management peut-être. Mais, comme l’Etat, la raison est plus profonde. Elle tient à l’organisation. Thales, comme beaucoup d’entreprises dont l’ADN est technologique, éprouve des difficultés à transformer des ingénieurs, souvent de talents, en managers. Car les qualités nécessaires pour faire un bon ingénieur ne suffisent pas à faire un manager ou un chef de projet capable d’animer une équipe, de faire émerger de nouveaux talents, de concevoir une stratégie de conquête commerciale. Ainsi, trop souvent dans une entreprise comme Thales, qui n’est pas seule confrontée à cette difficulté mais pour laquelle elle est particulièrement pénalisante, le délicat passage du niveau technologique au niveau commercial n’est pas maîtrisé à suffisance.

C’est dire, en définitive, quelles sources inexploitées de productivité et d’efficacité gisent au sein des acteurs publics et privés. Mobiliser de telles ressources impose aux organisations de ne pas se laisser étouffer par la bureaucratie et de se souvenir, selon le mot de Bodin, qu’il n’est bien de richesse que d’hommes.

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