L’écologie subsidiaire : grande absente de la Convention citoyenne pour le climat<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Environnement
L’écologie subsidiaire : grande absente de la Convention citoyenne pour le climat
©YOAN VALAT / POOL / AFP

Défense des libertés publiques

Les recommandations de la Convention citoyenne pour le climat démontrent l’urgence de rétablir la subsidiarité au cœur des questions écologiques.

Stanislas de Larminat

Stanislas de Larminat

Stanislas de Larminat est agronome et bio-éthicien, auteur de « Climat et si la vérité nous rendait libre » et administrateur de l’Institut éthique et politique Montalembert (IEPM).

 

Voir la bio »

Écologie humaine, écologie radicale, écologie environnementale… de quoi ne qualifie-t-on pas l’écologie ? Et maintenant, écologie subsidiaire ? Un mot de notre vocabulaire à redécouvrir !

La subsidiarité trouve son fondement dans l’origine même de l’homme

La subsidiarité est un principe de philosophie sociale qui fonde la responsabilité créatrice de la société civile sur les membres des entités sociales les plus réduites possibles : personne, famille, associations locales, …. Pourquoi ?

Contrairement à l’animal, guidé seulement par son instinct, l’homme est un être responsable. Et c’est sa capacité à être responsable d’actes justes qui le rend libre. Sinon, l’homme perd sa liberté jusqu’à devenir esclave de ses pulsions, de ses instincts, voire de ses addictions. Les structures humaines n’ont de responsabilité que celle des individus qui la composent. C’est pourquoi, tout transfert d’attribution à une collectivité plus vaste doit faire l’objet d’un discernement veillant à préserver la responsabilité et la liberté des personnes.

Sans responsabilité et sans liberté, pas de subsidiarité possible. Sans subsidiarité, pas de politique soucieuse du bien commun. C’est pourquoi, toute gouvernance doit préserver sa nature subsidiaire et même la soutenir (subsidium). En matière environnementale, sans subsidiarité, l’écologie sera  irresponsable et liberticide.

Ne pas confondre subsidiarité et « Exacte adéquation »

Ce concept d’exacte adéquation a été élaboré par Guy Héraud. Pour ce professeur de droit public, chaque niveau de collectivité devrait « recevoir compétence pour résoudre les questions qui, en raison de leur nature, ne sont solubles que là ». Ces pouvoirs juridiques sont accordés par une source supérieure au demeurant, mal définie. La subsidiarité relève d’une démarche opposée : c’est chaque niveau qui délègue à la collectivité, dite supérieure, les pouvoirs qu’il ne juge pas à même d’exercer convenablement. La collectivité supérieure se construit alors à partir de la base. Si l’écologie ne respecte pas le principe de subsidiarité, elle sera le fossoyeur de tout ce qui fait la dignité des personnes, leur liberté, leur capacité à être responsables, et même leur droit à l’erreur. Au risque de paraphraser Mgr. Eric de Moulins-Beaufort, en écologie, l’État qui prétend être bienveillant avec la planète, « peut  être autant envahissant et disciplinaire que l’État totalitaire » !

L’acte subsidiaire par excellence : se forger individuellement son propre jugement.

Se réfugier derrière une prétendue incompétence scientifique relève d’une forme d’esquive confortable. Or, en sciences, en climatologie, en épidémiologie ou en toxicologie, un débat n’est jamais clos. C’est pourquoi, il faut institutionnaliser, sur fonds publics ou privés, le financement d’équipes rouges, couleur de la dissidence, pour rechercher les failles dans les travaux des équipes bleues, couleur du consensus ambiant. Cette pratique dite « Blue team / Red team » est classique dans les partis politiques, les armées, les entreprises ou les instituts de recherche de certains pays. La dissidence scientifique fait avancer la vérité et ne peut être laissée à des bénévoles ou des amateurs de postures personnelles.

La Convention citoyenne, co-présidée par Mme Tubiana, ancienne ambassadrice  pour les négociations de la COP21 ne pouvait être impartiale. Les interventions de Nicolas Hulot ou Valérie Masson-Delmotte (Giec), ont été privilégiées. Aucun dissident n’a été entendu. Cette prétendue démocratie participative est un cache sexe qui cherche à détruire les fondements de nos démocraties représentatives. Tel serait l’effet d’un droit de véto sur le parlement accordé à un Haut Conseil et piloté par des fondations et ONG transnationales. Autant donner la mission d’élaborer nos lois aux Faucheurs de José Bové, ou aux impresarios de Greta.

La subsidiarité a une signification éducative dans le fait que la participation s'apprend en assistant à de véritables débats honnêtes et transparents, c'est-à-dire contradictoires et publics. Toute personne curieuse, même non compétente, a la capacité de juger de la qualité d’un débat,  de discerner ceux qui manient l’invective, la peur et le flou, de ceux qui expliquent, vulgarisent en posant des questions simples. Écoute de l’autre et vérité ont partie liée.

Or, nul ne peut prétendre avoir un comportement vertueux s’il ne forge pas sa conscience personnelle. Ne pas vouloir prendre parti revient à se soumettre à des consensus confortables qui ne sont que des arguments d’autorité et n’apportent aucune autorité aux arguments.

La capacité d’une société à laisser émerger les dissidences est un indicateur du niveau de subsidiarité vers lequel elle tend.

L’écologie subsidiaire : une chaîne de délégations à partir de la base

Le « penser personnellement » permet d’ « agir personnellement ». Éclairée par le débat contradictoire, la conscience de chacun permet de poser des actes qu’il estime vertueux. L’écologie subsidiaire est ainsi une école de responsabilité de chacun des acteurs de la société.

Mais l’écologie subsidiaire peut nécessiter le recours à des formes de délégations, en restant au plan du « penser local » pour « agir local » :

  • Au plan communal, par exemple pour la gestion des déchets,
  • Au plan régional, par exemple pour gérer des populations d’ours ou de loups, pour éviter les inondations de rivières en draguant leurs embouchures, faisant nettoyer leurs berges, construisant des retenues d’eau en amont, etc…
  • Au plan national, par exemple, l’établissement de normes peut se justifier, par exemple pour garantir une cohérence dans les équipements, ou une juste concurrence entre les acteurs. Mais ces normes doivent laisser chacun libre d’y avoir recours ou non. Les sanctions et contrôles centralisateurs ne doivent revêtir qu’un caractère exceptionnel.
  • Au plan multinational, pour veiller à la sécurité des centrales nucléaires, à la gestion de fleuves trans- nationaux : ainsi, malgré les tensions entre l’Inde et le Pakistan, la gestion des bassins fluviaux du Cachemire est restée opérationnelle. Ce niveau d’intervention n’a rien à voir avec une gouvernance mondiale qui instrumentalise des problèmes écologiques planétaires pour s’imposer hors de toute subsidiarité. L’adage : « penser global, agir local » est un piège ! La Convention citoyenne y est tombée en reprenant le jargon de l’ONU à propos des « limites planétaires » qui, si une action participe à leur dépassement serait qualifiable d’écocide !

L’Écologie subsidiaire, garante contre les suppléances abusives

Tout pouvoir amené à suppléer le principe de subsidiarité ne doit s’étendre au-delà du stricte nécessaire. Or, la question climatique ne présente pas un caractère d’exception suffisant avéré pour donner une justification à des situations d’urgence. Les variations climatiques pourraient s’avérer cycliques, en lien avec le soleil et les rayons cosmiques.  Quant aux cyclones ou sècheresses, le Giec reconnait qu’ils ne sont pas liés à la période chaude contemporaine.

Vouloir rendre constitutionnelle la lutte contre le réchauffement relèverait d’une suppléance à caractère liberticide, dans la mesure où le projet de rédaction déclare seconds  les libertés et autres droits. Une telle mesure s’imposerait aux agences nationales d’aide au développement qui ne pourraient plus financer que des projets « décarbonés », au risque de rendre les économies les plus pauvres encore plus pauvres. Cette mesure interdira-t-elle, au fil des jurisprudences, la diffusion en France de publications scientifiques prouvant l’impact du soleil sur les cycles climatiques ? Cette mesure constitutionnelle empêchera-t-elle une carte bancaire de proposer un bilan carbone en temps réel et de se bloquer à un certain seuil pour interdire les déplacements dans un rayon de 100 km en attendant le rechargement de droits individuels à émettre du carbone ? Il y a là,  potentiellement, une véritable atteinte à la liberté de conscience, en obligeant la société à juger ce qu’est ou non un acte vertueux.

Cette mesure ne serait pas simplement symbolique, pas plus que ne l’a été l’inscription du principe de précaution dans la constitution : pendant la crise du Covid, cette contrainte constitutionnelle a obligé le politique à s’en remettre à une centralisation et une experto-cratie délétères.

Accepter que la suppléance ne soit qu’exceptionnelle, c’est renoncer à être pressé, car cela implique une confiance en l’homme ! Or, respecter la liberté de l’homme, c’est accepter les chemins détournés qu’il prend. Ces méandres peuvent choquer celui qui s’impatiente de voir que la justice, celle qu’il imagine, n’advient pas plus vite, ni que les catastrophes naturelles soient définitivement jugulées. C’est l’impatience qui se termine trop souvent par des catastrophes, surtout quand elle se fonde sur des urgences non avérées. Confiance en l’homme rime avec patience.

L’Écologie de la contrainte : un déni d’écologie subsidiaire

La Convention citoyenne propose, par exemple, de contraindre les propriétaires occupants et bailleurs à rénover d’ici à 2030 des logements qualifiés de « passoires thermiques ». Il y a une nuance entre cette contrainte et la simple information des acquéreurs de la faible performance énergétique du bien qu’ils achètent.

Plutôt que la contrainte, il faut développer une écologie du sens, celle d’une frugalité vertueuse qui n’a rien d’une frugalité par précaution,  celle d’une consommation de biens satisfaisant des besoins universels qui n’a rien d’une addiction artificielle incitant chacun à plus d’avoir au mépris du plus d’être. Une écologie de la contrainte sans subsidiarité est illusoire et contreproductive en instaurant une forme de suppléance permanente par des normes contraignantes.

Conclusion

L’écologie subsidiaire n’est pas une idéologie. Elle relève d’une éthique politique qui recherche le Bien Commun et qui rend libre. L’écologie subsidiaire renvoie à sa signification éthique et anthropologique : les droits humains impliquent d’être autorisé à faire et la justice comporte une équité dans cette autorisation à faire, à donner quelque chose de soi.

Le plus souvent, les urgences mises en avant par les experts en écologie peuvent devenir des alibis pour mettre en place des structures de suppléance permanentes, souvent liberticides. Le principe de subsidiarité protège les personnes des abus des instances sociales supérieures. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !