L’appropriation culturelle se prend un coup de pied dans le derrière<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
L’appropriation culturelle, ce malheur qui s’est invité chez nous, tombe parfois sur un os. En l’occurrence, l’os est suisse.
L’appropriation culturelle, ce malheur qui s’est invité chez nous, tombe parfois sur un os. En l’occurrence, l’os est suisse.
©Fabrice COFFRINI / AFP

Rappel des faits

L’appropriation culturelle, ce malheur qui s’est invité chez nous, tombe parfois sur un os. En l’occurrence, l’os est suisse.

François Garçon

François Garçon

Auteur de France défaillante, Il faut s’inspirer de la Suisse, Ed. L’Artilleur, 2011, prix Aleps du livre libéral 2022. François Garçon a rédigé plusieurs ouvrages sur les mérites de la Suisse (Le modèle Suisse, Perrin – Le Génie des Suisses – Tallandier) , et a enseigné pendant plusieurs années à la Sorbonne.

Voir la bio »

L’appropriation culturelle, ce malheur qui s’est invité chez nous, tombe parfois sur un os. En l’occurrence, l’os est suisse. Rappel des faits.

En juillet 2022, Lauwarm, un groupe de reggae suisse, se produit à Berne, à la Brasserie Lorraine, une petite taverne alternative, autogérée, « marquée à gauche ». Sur sa plateforme, la Brasserie Lorraine annonce son code de bonne conduite: « Nous ne tolérons pas les discriminations telles que le racisme, le sexisme, la queerophobie, le rejet, le classisme, l'hostilité à l'égard des croyances, etc. En cas de non respect de ces limites ou de comportement discriminatoire, signale-le à notre personnel de service (…)De plus, en principe, nous ne servons pas les personnes portant l'uniforme d'organisations répressives (p. ex. l'armée). Nous pouvons te prêter un t-shirt ou un pull à enfiler par-dessus ».

Le groupe Lauwarm est composé de cinq sympathiques barbus et/ou chevelus dans la trentaine. Jusqu’ici rien que de très banal. Cette petite troupe de cinq musiciens et chanteurs est très majoritairement blanche – un est métis -, porte des vêtements africains et, pour deux d’entre eux, arborent de magnifiques dreadlocks. Aux wokistes vigilants n’a pas échappé qu’aucun parmi ces adeptes de la musique rasta n’est jamaïquain. Sur scène se produisent donc cinq blancs qui se sont donc appropriés une musique qui ne leur appartient pas. Dans le public, confrontés à cette « appropriation culturelle », des spectateurs ont ressenti ce soir-là un malaise, et le font aussitôt savoir à la direction de l’établissement. Attentive à cette doléance douloureuse, celle-ci décide de réagir et, à l’entracte, intervient auprès des musiciens.  A leur tour convaincus, les musiciens arrêtent leur concert, et remballent leurs instruments.

L’affaire aurait dû en rester là. C’était sans compter avec des jeunes du parti UDC, un parti conservateur et premier parti politique du pays, qui ont déposé une plainte au pénal pour « racisme antiblanc ». Un an après les faits, le Ministère public bernois leur a donné raison. La brasserie vient ainsi d’écoper d’une condamnation pour « discrimination raciale », susceptible d’une peine de trois ans de prison et/ou amende. L’établissement ayant fait recours contre la décision pénale, l’affaire suit son cours[2].

De ce fait divers sans beaucoup importance, que retenir ?  D’abord, la complaisance du tenancier qui a pu écouter puis accéder à la demande des spectateurs se disant « choqués ». La seule réaction admissible et de bon sens aurait été de pousser cette audience trop sensible vers la sortie, en leur recommandant une tisane. Ensuite, la servilité des musiciens, qui se sont couchés devant la demande du patron de l’établissement ; une servilité apparemment volontaire puisqu’informés de la suite donnée à la plainte, les musiciens ont déclaré : « Nous ne nous sommes jamais sentis victimes de discrimination raciale ».

Ce fait-divers sur un micro terrorisme est affligeant : Claude Lévi-Strauss n’aurait jamais pu s’intéresser aux Tupis ou aux Bororos ; grand bourgeois, Friedrich Engels avait-il une légitimité pour écrire sur le prolétariat manchestérien. Quant à Zola, qui n’était pas alcoolique, était-il autorisé à écrire L’ Assommoir ? Un musicien noir peut-il jouer du Chet Baker, a fortiori s’il n’est pas homosexuel ? Dans une manifestation, ceux qui ne sont pas motards ont-ils le droit de porter un casque ?

Le ministère public bernois a rendu son jugement. En première instance, les exploitants du « Brass » viennent d’être condamnés. Il s’agirait d’une peine pécuniaire avec sursis, si l’on en croit la presse, qui n’a pas pu obtenir davantage d’information auprès du procureur compétent.

Le jugement rendu nous réjouit. A notre connaissance, pour la première fois, des wokistes sont condamnés au nom de principes de non-discrimination, qu’eux-mêmes brandissent désormais dans tout l’espace public. Nos sociétés occidentales sont en train de s’enfoncer dans un suffocant marécage sectaire. Sur ce front, les bonnes nouvelles sont rares. Celle-là en est une. Champagne !

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !