L’ampleur du désastre économique allemand donne le vertige (et il relève largement du suicide)<!-- --> | Atlantico.fr
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Olaf Scholz lors d'une visite dans une entreprise allemande.
Olaf Scholz lors d'une visite dans une entreprise allemande.
©Photo de Tobias Schwarz / AFP

Impasse stratégique

L'Allemagne fait face à d'importantes difficultés économiques. L'économie allemande connaît notamment une stagnation du PIB depuis près de nombreuses années.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : En quoi peut-on considérer que l’économie allemande est paralysée ? Peut-on parler de désastre économique ? Quelles ont été les failles stratégiques ces dernières années ?

Don Diego De La Vega : Pour moi la situation économique allemande n’est pas un désastre. Il s’agit plus d’une crise majeure due à une impasse stratégique. Le terme désastre fait plus sens quand on parle du Venezuela, de Haïti, et peut-être éventuellement de la France.

L’Allemagne a tout de même été l’une des instigatrices de la crise énergétique, si l’on peut le dire, en Europe, notamment à cause de sa sortie précipitée du nucléaire. Les Allemands ont investi 400 milliards d’euros pour remplacer un nucléaire amorti qui fonctionnait encore très bien. Ils ont été obligés de garder longtemps du charbon de mauvaise qualité, ce qui a mis un désordre total dans tout le système énergétique européen. Cela a considérablement affaibli EDF puisque de nouvelles règles ont été posées. L’Allemagne est un pays qui reste énergivore, notamment pour la chimie, donc il y a eu des engagements climatiques, des engagements de transition énergétique extrêmement ambitieux mais cela a posé des règles quasiment contradictoires avec le maintien de l’industrie. Les Allemands sont actuellement dans une impasse.

Pour se relever de cette politique énergétique totalement irrationnelle, l’Allemagne sera obligée de tricher en puisant dans les finances publiques.

Crédit : BEA, DeStatis

L’Allemagne n’arrive donc pas à coïncider ses envies énergétiques avec son budget ? La rigueur budgétaire est-elle réellement respectée ?

Non, il n’y a pas de rigueur budgétaire en Allemagne c’est certain. Sous Angela Merkel il y a eu une apparence de discipline économique mais c’était peut-être une pression pour que les autres partenaires européens soient rigoureux budgétairement. L’Allemagne a continué à beaucoup dépenser, ce que l’on constate avec la rupture de ses frais. De plus, elle a dépensé hors bilan. A côté des chiffres officiels, il y a des structures hors bilan qui sont débudgétisées et multipliées avec un grand nombre de fonds. On parle d’environ 850 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien. On ne saura jamais vraiment la rentabilité de ces dépenses, mais il faudrait qu’elles soient rebudgétisées. On a donc une Allemagne qui a beaucoup menti sur le plan budgétaire. Elle s’est servie de sa crédibilité pour aller très loin dans la dépense, ce qui a donné à Angela Merkel un statut de protectrice pendant 15 ans en capitalisant sur les réformes Schröder, elle a capitalisé la réputation de l’Allemagne monétairement et budgétairement pour en réalité faire une politique française, une politique de dépense au fil de l’eau pour ne surtout pas avoir à interroger les failles du modèle allemand, à savoir le manque de productivité dans les services et le manque de concurrence. En apparence, cela ne se remarquait pas mais maintenant on commence à voir certaines réalités.

Si aujourd’hui ces problèmes sont plus facilement identifiables, comment l’Allemagne peut-elle revaloriser son modèle en Europe ?

Pour cela, il faut que l’économie allemande se préoccupe de trois choses essentielles. Premièrement il faut une « opération vérité » en reconnaissant les erreurs commises. Il faut remettre en ordre ce qui a été caché dans le système, notamment du point de vue des finances publiques. Et deuxièmement, il faut une « opération capitalisée » sur les transports de l’Allemagne qui restent des points forts en Allemagne, notamment ce modèle d’entreprise familiale industrielle pas trop proche de l’Etat et qui ne dépend pas trop de la banque temporelle. Il y a encore de très bons ingénieurs pour capitaliser les atouts fondateurs du pays. Et troisièmement, il faut accepter une baisse de l’euro. Si jamais les Allemands voulaient bien changer à 180 degrés leur vision monétaire, l’euro baisserait, parce qu’ils ont une prise sur le système à Francfort. Si l’euro diminue, ils peuvent sauver leurs industries moyennes et reprendre un vent de compétitivité qui sera bien utile. Car avec un euro qui est aussi cher qu’un dollar ou qu’un yen, il est clair que les Allemands vont se faire détruire. Cette chute de monnaie permettrait de lisser la transition et les réformes qui sont maintenant urgentes en Allemagne. Pour résister et lisser une période de crise, il faut de l’argent et réussir à se diriger vers une économie moins dépendante.

En novembre 2023, le ministère allemand des Finances a imposé un gel d'une grande partie du budget fédéral pour 2023 pour éviter une accumulation des charges en 2024. Est-ce que cela a eu de bonnes conséquences ? Est-ce que ça a été bien géré ?

Cette décision a été prise car l’Allemagne n’a pas eu de croissance. De plus la Cour constitutionnelle leur a retoqué 60 milliards d’euros en signalant qu’il fallait stopper les pratiques de débudgétisation et les structures hors plans. Maintenant effectivement il y a un toilettage mais c’est encore trop tôt pour juger l’effet. Ce que j'attends, c'est des vrais axes prioritaires et des investissements sur le futur. Ça ne me dérangerait pas qu’il y ait un peu de déficit car l’Allemagne a un taux d’intérêt qui autorise cela. Or le problème est que pour l’instant on ne peut pas dire que les Allemands investissent pour le futur que ce soir sur le terrain énergétique ou autre, j’ai plutôt l’impression qu’ils sont dans une logique comptable pour garder de la crédibilité.

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