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La justice s'est invitée dans la présidentielle et voilà pourquoi ça n'est pas une bonne nouvelle pour la démocratie
©Flickr

Ça sent le roussi...

Quelle que soit désormais la conduite du candidat Fillon, quel que soit le résultat de l’élection présidentielle, le vainqueur final sera entaché de cette intrusion de la justice dans le débat.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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La démocratie est fragile, c’est notre bien commun. Quand elle est mise en péril, il est important de le voir et d’en tirer les conséquences. La justice s’est invitée à la table de l’élection présidentielle, ce n’est pas une bonne nouvelle.

Quand Le Canard Enchainé sort son article sur la conduite du parlementaire Fillon, il apparait tout de suite qu’il y a une apparente contradiction entre ce qui est découvert et les propos du candidat. Pour le public, il y a le soupçon d’une faute morale à laquelle il faut que le candidat réponde. Ce qui choque, en effet, n’est pas le fait de faire travailler à ses côtés son épouse mais le montant des prestations encaissées. L’interrogation du peuple de France est donc la distance entre les propos et les pratiques. Pour restaurer la confiance des électeurs, il fallait donc que le candidat s’explique et fasse preuve de compréhension du désarroi occasionné par la nouvelle, y compris chez ses meilleurs amis.

Immédiatement, la justice a voulu se saisir de ce dossier et le candidat a plaidé la "légalité" de ses actes. Ce n’était pas le problème, et la suite nous l’a montré ! En déplaçant le débat de la morale à la justice, on a finalement demandé aux juges de sanctionner une faute morale et nous sommes empêtrés collectivement dans cette impasse absurde. Il n’y a plus de campagne présidentielle, il n’y a plus qu’un débat juridique sur la légalité ou non de la conduite incriminée conduisant à des dépenses publiques incroyables pour des sommes finalement dérisoires au regard des enjeux de la compétition présidentielle.

La conclusion de cette aventure c’est que, quelle que soit désormais la conduite du candidat Fillon, quel que soit le résultat de l’élection présidentielle, le vainqueur final sera entaché de cette intrusion de la justice dans le débat ! La légitimité du vainqueur de la compétition, quel qu’il soit, sera médiocre et empêchera la bonne gestion de l’application du programme qui sera développé. Les beaux esprits applaudissent au fait que la justice ne connait pas de trêve, ils sont heureux de voir les convocations succéder aux perquisitions. Ils ont tort : ce n’est pas de la justice, c’est du spectacle, et cela nous éloigne du sujet principal qui est celui de notre avenir en tant que citoyens d’un même pays désormais encore plus déchiré qu’hier et sans doute pour longtemps.

Il est temps encore de nous réveiller, la justice n’est pas un pouvoir, c’est une autorité. Elle n’est pas plus indépendante que nous tous, c’est-à-dire que nous sommes des hommes et des femmes imparfaits et dépendants de quantité de choses. Ce mot d’indépendance est impropre : il y a autonomie de décision, mais jamais indépendance dans une société digne de ce nom. Même le pire dictateur n’est pas indépendant ! Il ne fallait donc pas que la justice s’invite dans cette affaire. Ceux qui l’ont laissé faire ont porté un grave préjudice à notre démocratie et à notre avenir. Il fallait laisser aux citoyens la tache de demander des comptes au candidat et leur laisser le soin d’en tirer les conséquences au moment du vote. On avait tout le temps ensuite d’évaluer, dans le calme, si tous les parlementaires qui avaient pris leurs proches, officiels ou pas, pouvaient prendre auprès d’eux des rôles d’attachés de presse ou d’attachés parlementaires. Le mal est fait, il est irrémédiable, mais les responsables de ce mal sont très nombreux ! Hélas.

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