Journée mondiale de la maladie d’Alzheimer : la recherche arrive (enfin) à faire des progrès<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Science
Il y aurait aujourd'hui environ 900.000 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer en France
Il y aurait aujourd'hui environ 900.000 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer en France
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Espoirs

Le 21 septembre marque la journée mondiale contre la maladie d’Alzheimer. En France, 225.000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année et il y aurait aujourd'hui environ 900.000 malades dans notre pays

Olivier de Ladoucette

Olivier de Ladoucette

Psychiatre et gériatre, le Dr Olivier de Ladoucette est attaché à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à l’Institut de la Mémoire et de la Maladie d’Alzheimer (IM2A). Il est chargé de cours à l’Université Paris V où il enseigne la psychologie du vieillissement. Il consulte également en médecine libérale à Paris. En 2004, il crée la Fondation pour la Recherche sur Alzheimer qui sera reconnue d’utilité publique en 2016.

Voir la bio »

Atlantico : La maladie d'Alzheimer touche près d’un million de personnes en France. Pour l'heure, elle ne peut malheureusement pas être guérie. Où en est la recherche, exactement ? Progresse-t-on vers l'avènement d'un potentiel traitement ou faut-il craindre, au contraire, qu'elle ne soit jamais guérie ?

Olivier de Ladoucette : Oui, et c’est là une bonne nouvelle. Cela fait un moment que, vis-à-vis de la maladie d’Alzheimer, l’attitude des chercheurs avait quelque chose d’un peu incantatoire. Depuis un an et demi, peut-être deux ans, on assiste à l’avènement de pistes tangibles. Les anticorps monoclonaux, en particulier, permettent une certaine forme d’immunothérapie adaptée à la maladie d’Alzheimer. Il existe aussi des produits qui permettent de nettoyer le cerveau. Nous avançons aussi sur le volet des protéines Bêta-amyloïdes, dont on soupçonne qu’elles sont fortement impliquées dans le développement de la maladie. Sur cette question précise, je préfère rester plus prudent, car nous nourrissons quelques doutes. Toujours est-il qu’il est désormais possible de nettoyer le cerveau à l’aide de produits qui s’attaquent à de telles protéines qui, s’accumulant dans le cerveau du patient des années durant, finissent par détruire les neurones et entraîner symptômes ainsi que démence de type Alzheimer.

L’un de ces produits est d’ores et déjà en vente aux Etats-Unis. Il faut garder en tête que ce n’est pas le premier de son genre : un autre a fini par être retiré de la commercialisation, parce qu’il souffrait d’effets secondaires trop importants. Reste à voir, par conséquent, si le même sort attend ce nouveau médicament. Pour l’heure, aucun d’entre eux ne s’est révélé être d’une efficacité totale : ils améliorent de 20 à 30% les fonctions cognitives pendant quelques mois, peut-être quelques années. Mais pour la première fois, nous avons une classe médicamenteuse, qualifiée dans le jargon médical de “disease modifier”. C’est-à-dire qu’elle agit sur la maladie et non sur les seuls symptômes. C’est une avancée importante, puisque jusqu’à présent nous ne pouvions pas traîter le mal à la racine.

À Lire Aussi

Cette surprenante hypothèse sur l’origine de la maladie d’Alzheimer que des chercheurs jugent de plus en plus plausible…

Quelles sont les principales pistes de recherche susceptibles de donner des résultats ? D'aucuns suggèrent, par exemple, de faire appel à l'intelligence artificielle et aux algorithmes en amont du diagnostic pour mieux cibler les personnes à risque. D'autres évoquent l'usage d'anticorps de lamas... 

En l’état actuel, le produit permettant de laver le cerveau que nous avons évoqué ne demeure qu’une piste. Nous réalisons désormais que la maladie d’Alzheimer est une pathologie multifactorielle, qui s’appuie sur de très nombreux facteurs dont on ne mesure pas encore très bien l’influence exacte. Nous savons qu’il existe des formes dites “génétiques pures”, qui constituent des cas heureusement rarissimes. Dans ce genre de cas de figure, un membre de la famille sur deux développe la maladie passés ses cinquante ans. 

La grande majorité des cas est composée de formes génétiques dites “sporadiques”. Dans ce cas de figure, les facteurs génétiques interviennent de façon aléatoire. Ils ressemblent davantage à des facteurs de prédisposition. Une des équipes que nous soutenons, à Lille, a d’ailleurs identifié 73 gènes impliqués dans le développement de la pathologie. On sait, désormais, que certains gènes augmentent le risque de la développer d’un pourcentage donné quand d’autres viennent diminuer le danger… mais nous sommes encore incapables de dire pourquoi. C’est l’un des points sur lequel il nous faut encore travailler.

Certains processus, liés aux phénomènes inflammatoires dans le cerveau tendent à augmenter le risque. De même, d’autres processus liés à l’environnement (dont nous avons identifié certains facteurs tels que la pollution, l’hygiène de vie, la dépression, l’isolement, la stimulation intellectuelle) peuvent aussi faire croître ce risque. C’est là que le datamining peut s’avérer très intéressant : il va permettre de récupérer pleins de données sur les patients et d’isoler, peut-être, certains facteurs vraiment prédisposants, des signaux faibles.

La recherche, dès lorsqu'il s'agit de lutter contre la maladie d'Alzheimer, est est-elle suffisamment financée en France ? Particulièrement au regard des projections relatives au nombre de malades dans les années à venir ?

Absolument pas. Nous faisons face à un phénomène très paradoxal : la maladie d’Alzheimer est pourtant l’un des enjeux de santé publique les plus importants. C’est la première cause de dépendance dans les pays développés ainsi que la maladie qui coûte (et de très loin) le plus cher dans le monde. En outre, c’est également un nombre de malades considérable, qui risque de doubler si on ne trouve pas de solutions thérapeutiques dans les 25 prochaines années.

Malgré cela, la pathologie a longtemps laissé le pouvoir politique et le grand public très indifférent. J’en sais quelque chose, j’ai créé la fondation Recherche Alzheimer il y a 18 ans. Il était alors très compliqué de faire comprendre l’intérêt que nous aurions à financer la recherche, c’est devenu considérablement plus simple aujourd’hui.

A titre d’exemple, le cancer est un enjeu de santé publique comparable. Le mécénat privé qui va vers la recherche relative au cancer représente environ 200 millions d’euros par an. Pour la maladie d’Alzheimer, on tombe à 10 millions environ. Du côté public, on retrouve cinq chercheurs sur le cancer pour un sur Alzheimer. Nous sommes très sous-dotés, partout dans le monde. On a considéré pendant très longtemps qu’il ne s’agissait pas d’une maladie, mais bien d’un phénomène naturel lié à l’âge. Qu’il touchait des personnes âgés, donc l’autre et pas soi-même et que le cerveau restait un domaine trop complexe à comprendre. D’ici 15 ans nous sauront guérir la quasi-totalité des cancers. Nous en sommes très loin sur la maladie d’Alzheimer.

Quels sont, aujourd'hui, les principaux obstacles auxquels font face les chercheurs ?

Il y a deux obstacles à mentionner. Le financement, qui constitue le nerf de la guerre. Qui dit problème de financement dit aussi manque de personnel : la filière n’arrive pas attirer assez de chercheurs.

Du reste, il faut aussi rappeler que le cerveau demeure la dernière frontière du corps humain. Nous savons à peine comment fonctionne un cerveau en bonne santé… et il est d’autant plus difficile de comprendre le fonctionnement d’un cerveau malade. Le problème est donc à la fois technique et financier.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !