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Jean-Luc Mélenchon : sauveur ou fossoyeur du PCF ?
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Constrictor ?

Alors que le candidat du Front de gauche est sur une courbe ascendante dans les sondages, il appelle ce dimanche à un rassemblement à la Bastille au rendez vous duquel il espère 30 000 militants. Mais quel est maintenant le rapport de force entre Mélenchon, l'ancien socialiste, et le PC qu'il représente ?

Vincent Tiberj

Vincent Tiberj

Vincent Tiberj est chargé de recherche à Sciences Po. Diplômé et docteur en science politique de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, il est spécialisé dans les comportements électoraux et politiques en France, en Europe et aux Etats-Unis et la psychologie politique,

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Atlantico : Alors que Jean-Luc Mélenchon battra le pavé lors d’une manifestation-meeting ce dimanche à la Bastille, estimez-vous que le transfuge du PS a sauvé ou tué le Parti communiste ?

Vincent Tiberj : C’est une vraie question. Le Front de gauche est l’alliance de deux partis avec des caractéristiques bien différentes qui renvoient à des façons de penser la politique et la démocratie bien différentes. D’un côté le PC, qui reste ancré dans une logique de militants, avec une organisation forte et l’idée d’un collectif. Et de l‘autre le Parti de gauche, qui, pour l’instant, n’est pas un parti de militants. Il est numériquement moins fort et c’est surtout un parti d’écurie présidentielle. C’est-à-dire un parti en adéquation avec la présidentialisation de la Ve République : le parti ne compte plus en tant que tel mais  il devient une organisation au service du candidat. Le but du jeu pour le candidat est donc d’obtenir un parti.

A ce compte-là, il est difficile de dire qui l’emportera du candidat ou du parti. Mais dans la logique de personnification de la vie politique, le Front de gauche est clairement en train de devenir le Front de Mélenchon…

C’est d’autant plus intéressant que c’était le deal au moment des primaires organisées au printemps de l’année dernière : à Mélenchon la candidature présidentielle et aux communistes leurs législatives. Mélenchon est en train de réussir son pari.

Marine Le Pen accusait Jean-Luc Mélenchon d’être un leurre du PS. Partagez-vous ce point de vue qui juge que le patron du Front de gauche siphonne les voix de gauche pour François Hollande ?

Pour l’instant, Jean-Luc Mélenchon profite pleinement des réseaux militants du PC et de cette « proximité » avec les mouvements sociaux. Le PC peut encore mobiliser. C’est sans doute le seul candidat capable de mettre en place une manifestation en pleine campagne électorale !

Siphonne-t-il les voix de l’extrême-gauche ? Une partie du succès de Mélenchon tient au fait qu’il n’y a pas de concurrent à la gauche de la gauche. Cela aurait été très différent à l’époque de Olivier Besancenot. Ils se seraient sans doute plus marché sur les pieds… Mélenchon a phagocyté tout le monde : Philippe Poutou, Nathalie Arthaud, Eva Joly… Et il empiète maintenant sur les voix de François Hollande. Il a réussi à exister dans un contexte extrêmement concurrentiel depuis 2002.

Son succès pourrait-il faire de l’ombre à François Hollande ?

Pour le moment la marche de manœuvre du candidat PS est assez confortable. Avant d’être éliminé du premier tour, il a encore dix points à perdre !  Mais le fait que Jean-Luc Mélenchon soit aussi haut dans les sondages et que François Hollande ne relance pas sa campagne et reste dans un schéma d’explications des mesures qu’il a proposées, crée une espèce d’attente mais certainement pas d’adhésion. Il risque de rallumer un phénomène à gauche qui était très fort en 2002 : le vote d’influence. On vote pour quelqu’un de plus à gauche pour que le programme du PS change. En 2002, Lionel Jospin ne recueillait même pas la moitié du soutien de la moitié des proches du PS qui préféraient voter Laguiller ou Besancenot. Hollande doit revoir le barycentre de sa campagne. Il lorgnait jusque-là vers les électeurs de Bayrou. Avec un Mélenchon à 11%, qui se rapproche des scores du Modem, contre toute attente, il doit « regauchir » le discours.

A part Jean-Luc Mélenchon qui pourrait reprendre les rênes du Parti communiste ?

Le problème est que le PC est encore à la recherche d’un Georges Marchais. Ils n’ont plus eu de figure charismatique depuis Marchais ! Marie-Georges Buffet était une bonne responsable de parti. Elle l’a renouvelé et ouvert. Robert Hue n’a pas non plus démérité. Mais ni l’un ni l’autre n’avait l’aura de Marchais. Le PC d’autre part, ressemble de plus en plus au Parti radical de gauche : un parti de militants mais surtout un parti d’élus - de la même manière que les radicaux de gauche conservaient des élus dans des zones spécifiques avec des personnalités et des fiefs. Ce qui leur permettait de tenir et d’être réélus.

En 2002, une étude de mon confrère Pierre Martin, démontrait que le PC avait des élus aux législatives, non pas grâce au PS, mais grâce à leurs militants. Le PC garde ses députés sur les forces propres de ceux-ci. On se retrouvait ainsi avec des députés PC qui étaient les plus âgés de l’Assemblée nationale.

Jean-Luc Mélenchon est fort, mais en politique le plus dur est de durer ! Il y a deux ans, le PC n’existait plus. Le Front de gauche n’était pas grand-chose, et les Verts avaient enfin acquis leur statut de « membre de la première ligue » ! on a bien vu que cela est retombé. Besancenot s’imposait comme le second pôle à gauche. Il était le seul à ne pas avoir perdu de voix entre 2002 et 2007 ! A gauche plus qu’à droite, les succès arrivent mais ne durent pas…


Propos recueillis par Antoine de Tournemire

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