Jean-François Copé peut-il vraiment réussir à faire descendre la droite dans la rue ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Jean-François Copé peut-il vraiment réussir à faire descendre la droite dans la rue ?
©

Sous les pavés...

S'il est élu à la tête de l'UMP, Jean-François Copé dit vouloir faire descendre une partie de la France dans la rue pour s'opposer à d'éventuelles mesures qui "portent atteinte à l'intérêt supérieur de notre pays".

Stéphane Sirot

Stéphane Sirot

Stéphane Sirot est historien, spécialiste des relations sociales, du syndicalisme et des conflits du travail.

Il enseigne l’histoire politique et sociale du XXe siècle à l’Université de Cergy Pontoise.

Derniers ouvrages parus : « Les syndicats sont-ils conservateurs ? », Paris, Larousse, 2008 ; « Le syndicalisme, la politique et la grève. France et Europe (XIXe-XXIe siècles) », Nancy, Arbre bleu éditions, 2011.
Voir la bio »

Atlantico : Jean-François Copé a déclaré dimanche soir que s’il était élu à la tête de l’UMP, il inviterait les Français et les Françaises à descendre dans la rue pour exprimer leur mécontentement ainsi que leur opposition à des mesures qui "portent atteinte à l’intérêt supérieur de notre pays". Traditionnellement  perçue comme une méthode de gauche la manifestation correspond-elle à l’électorat de Jean-François Copé?

Stéphane Sirot : Tout d’abord, je crois que cette déclaration de Jean-François Copé n’a que très peu été reprise et qu’elle a essentiellement pour but de continuer sa logique de séduction des électeurs les plus à droite de l’UMP ainsi qu'une partie de l’électorat frontiste. En effet, la droite républicaine – qui correspond aujourd’hui essentiellement à l’UMP - n’est pas coutumière de la manifestation. A l’inverse, la droite populiste et plus largement l’extrême droite a toujours eu cette tradition de protestation dans la rue et de revendication du pavé. On le constate aussi bien dans le passé avec les manifestations antigouvernementales du 6 février 1934 que de nos jours avec l’instrumentalisation du 1er mai par le Front national. Aussi bien les militants que les leaders de ces mouvements sont plus enclins aux manifestations que les élus de la droite traditionnelle.

Je ne crois donc pas que Jean-François Copé puisse réellement faire descendre l’électorat UMP dans les rues car cela ne correspond pas à l’ADN du parti pour plusieurs raisons. La droite républicaine représente une forme d’ordre à laquelle aspire ses sympathisants ce qui est profondément antinomique avec les manifestations qui ont pour but de créer une déstabilisation, un désordre. De plus, les partis qui se destinent à exercer des responsabilités de gouvernance n’ont pas vraiment intérêt à se joindre à ce genre de mouvements sociaux. Même à gauche, le PS s’associe assez peu aux manifestations. Enfin, une grande partie de la droite républicaine ne veut en aucun cas être perçue comme se rapprochant du FN et préfère ainsi ce tenir éloignée de ce genre de phénomènes. Cette réaction est directement issue de l’après deuxième Guerre mondiale où être associé à l’extrême était dangereux politiquement.

École libre, PACS, "vrai travail", quand les manifestations de gauche semblent vouloir le changement, celles de droite prônent-elles toujours la stabilité ?

Il y a effectivement toujours cette colonne vertébrale caractéristique de la droite républicaine de l’ordre et de la tradition. Ces partis ont pour but fondamental de défendre des valeurs qui sont celles du conservatisme et de la stabilité. Jean-François Copé dans ses déclarations en est l’exemple typique quand il prend l’exemple du mariage pour les homosexuels. De la même façon, il y avait déjà eu des mouvements peu importants en 1998 à l’époque du PACS auxquels s’étaient joints quelques élus de la droite républicaine. Ces actes sont ponctuels mais ils reflètent tous cette logique commune, qu’il s’agisse des contre-manifestations de mai 68, de soutien au Général De Gaulle après la dissolution de l’Assemblée ou encore de la réforme de l’école par Alain Savary.

Pigeons, gros poissons, le contrepouvoir de droite n’est-il pas condamné à venir du haut plutôt que du bas ?

Ce mouvement des pigeons est effectivement la démonstration d’un réel changement dans la manière de se faire entendre. En quelques jours, voire quelques heures, une centaine de personnes a réussi à faire reculer un gouvernement alors que quelques années plus tôt près de deux millions de personnes sont descendues dans la rue à huit reprises à propos de la reforme des retraites sans rien obtenir. Cela témoigne d’une forme de déséquilibre, d’une dissymétrie qui montre que le nombre n’est plus l’élément déterminant, qu’à présent ce sont les modes de mobilisation et les relais qui font la réussite d’une prise de parole et d’une manifestation. Depuis dix ans, on constate qu’à part les mouvements anti-CPE, aucune grande manifestation n’a vraiment réussi à faire bouger les lignes. La disparition du clivage réforme/révolution a entraîné une perte de portée des grèves et des manifestations. La dernière frange qui fait encore peur au gouvernement est la jeunesse. La tendance qui se cache derrière tout cela c’est plutôt que les minorités ont plus de facilité à se faire entendre que la majorité. Les pigeons sont un exemple mais pour rester dans l’actualité, on peut aussi citer les homosexuels. Ces derniers, qui ont tout à fait le droit d’accéder au mariage, et d’autres minorités agissent de plus en plus dans une logique de lobbying. On constate que cela fonctionne de mieux en mieux dans les démocraties modernes.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !