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Jean de Kervasdoué : "Je ne crois pas au tsunami électoral des écologistes car les citoyens commencent à découvrir leur vrai visage, qui est autant autoritaro-gauchiste qu’écologiste"
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Pensée magique

Dans "Les Ecolos nous mentent" (Albin Michel), Jean de Kervasdoué dénonce la position anti-science, les prophéties catastrophistes, mais aussi les dessous financiers des organisations écologistes.

Jean de Kervasdoué

Jean de Kervasdoué

Jean de Kervasdoué est un économiste de la santé français, titulaire de la chaire d'économie et de gestion des services de santé du conservatoire national des arts et métiers (CNAM)et membre de l’Académie des technologies. Il a été directeur général des hôpitaux.

Ingénieur agronome de l’Institut national agronomique Paris-Grignon il a également un MBA et un doctorat en socio-économie de l’Université de Cornell aux Etats-Unis. Il est l'auteur de Pour en finir avec les histoires d’eau. Imposture hydrologique avec Henri Voron aux Editions Plon et vient de publier Les écolos nous mentent aux éditions Albin Michel. 

Voir la bio »

Atlantico : Vous publiez « Les Ecolos nous mentent !, Le Véritable état des lieux de la planète » aux éditions Albin Michel. Alors que de nombreux militants pour le climat alertent sur la nécessité d’agir d’urgence pour protéger la planète et alors que le mandat de Donald Trump (accusé d’être climato-sceptique) s’achève, comment faire la part des choses entre des enjeux écologiques majeurs et des prophéties aussi catastrophistes que trop souvent infondées ? Quel est le véritable état des lieux de la planète sur les questions environnementales ? Quelles sont les vraies urgences ?

Jean de Kervasdoué : L’état des lieux de la planète est hétérogène et, à l’exception du climat, on ne peut pas parler d’écologie en général. Tout écosystème est un équilibre local et dynamique ; celui de la lande bretonne n’est pas celui de la Beauce, qui n’est pas celui du maquis corse, des plaines du Kenya ou de la forêt amazonienne. Bien entendu, les hommes ont une influence majeure sur les écosystèmes. Ainsi, à l’exception de la Pologne, il n’y a plus de forêt primaire en Europe et rien n’est moins « naturel » qu’une futaie de chêne : pour exister, elle a nécessité l’attention de forestiers vigilants pendant au moins deux siècles.

Si les écologistes politiques sont dans le nord de la planète, les problèmes écologiques majeurs sont dans le sud, là où a lieu la croissance démographique et où les villes se développent sans disposer toujours d’adduction d’eau, comme d’assainissement. Ainsi sont rejetés en mer les immondices et les sacs en plastique. La question écologique majeure est donc d’imaginer comment on pourra accueillir, loger et nourrir les deux ou trois milliards d’êtres humains qui viendront enrichir la planète dans les trente prochaines années. De ce point de vue d’ailleurs, il est évident que l’agriculture dite « biologique », aux plus faibles rendements, est plus destructrice d’espace que l’agriculture raisonnée, fruit d’un siècle de recherche et donc plus productive (en moyenne de 40%). La première solution est donc la croissance du rendement des espaces cultivés actuels, puis la gestion raisonnée des nouveaux espaces qui seront mis en culture. A ce propos on peut remarquer les leçons néocolonialistes que les écolos bienpensants ne cessent de donner aux politiques des pays du Sud.

La surpêche, trop souvent illégale dans les mers du sud, est aussi une préoccupation majeure. Elle implique un développement plus rapide de l’aquaculture et que l’on cesse quand c’est possible de nourrir les poissons d’élevage avec de la farine de poissons, alors qu’il pourrait l’être par des plantes.

Enfin, si nous avons montré que les écologistes, en luttant contre l’énergie nucléaire et en s’efforçant d’interdire la culture des plantes génétiquement modifiées, contribuent à l’accroissement des gaz à effet de serre, si nous pensons que pour mille et une raisons il faut limiter l’usage de l’énergie fossile, nous ne traitons pas directement de la question du climat et des mesures pour limiter dans l’atmosphère le rejet de gaz à effet de serres. 

Vous évoquez les nombreuses dérives écologiques comme le débat sur le manque d’eau, la surpêche et revenez sur les nombreux procès d’intention comme le prétendu danger de la viande rouge, des OGM ou du nucléaire et les bienfaits de la nourriture bio… Comment retrouver une approche apaisée sur ces dossiers ?

Une approche apaisée supposerait un minimum de formation scientifique des relais d’opinion pour qu’ils cessent de confondre les questions météorologiques et les questions climatiques, pour qu’ils ne croient plus que risque et danger sont des synonymes, pour qu’ils fassent la distinction entre les débats juridiques et les controverses scientifiques. Il faudrait aussi exiger des grandes associations écologiques la publication de leurs sources de financement car elles sont particulièrement opaques !

Vous abordez dans votre ouvrage la diabolisation sur certains dossiers comme le diesel et les taxes carbone ou le retour de la pensée magique. Comment expliquer que l’idéologie ait remplacé le bon sens ou les données scientifiques sur les nombreux dossiers que vous évoquez dans votre ouvrage ?

Il y a de nombreuses raisons, elles sont de natures différentes. Pour le diesel, comme pour le « bio », il semble assez évident qu’il y a derrière les campagnes médiatiques de puissants intérêts économiques. Le marché de la voiture électrique est pour certains industriels très lucratif. La France était en retard dans ce domaine alors qu’elle était leader pour la motorisation diesel des voitures de moyenne gamme. On sait également que des équipes de prétendus « scientifiques », pour tenter de démontrer la toxicité des produits phytosanitaires (qu’ils appellent pesticides), sont financés par la grande distribution qui fait plus de marges sur le bio. De même, la position antinucléaire est née dans les années 1970 en Allemagne quand l’ultragauche a pris des habits verts et a été financée par les communistes de l’Allemagne de l’est. 

Quant à la « biodynamie », farce moderne qui arrive à toucher les plus grands viticulteurs, elle est de même acabit que l’homéopathie : totalement infondée, mais plus poétique peut-être, que l’agronomie scientifique, quoique ! On peut en effet se demander comment mettre de la bouse de vache dans un corne pendant six mois, de la diluer dans de l’eau, puis de répandre cette dilution sur des vignes ou des champs peut faire rêver.

Comment sortir de la doxa verte qui a souvent pour conséquence de culpabiliser la société mais aussi de restreindre chaque jour un peu plus nos libertés ?

Ce n’est pas facile car les écologistes politiques ont réussi à pénétrer la majorité des médias, notamment ceux du service public. On peut d’ailleurs remarquer que quand une mesure prétendument « écologique » est annoncée, les experts du domaine ne sont pas interviewés par les journalistes car ils s’adressent aux écologistes autoproclamés. Tous les partis politiques se laissent piéger notamment parce que la classe politique française, contrairement à la Chine, n’a pratiquement pas d’ingénieurs, de chefs d’entreprises ou de scientifiques. François Hollande ne s’était-il pas engagé à fermer 15 centrales nucléaires d’ici 2025 en prétendant être, à ce titre, « écologique » ? Bruno Lemaire, quand il était ministre de l’agriculture, n’a-t-il pas dit qu’il trouverait un moyen d’interdire la plantation d’OGM en France et y est parvenu en moins d’une semaine ? Emmanuel Macron n’a-t-il pas laissé se dérouler la Convention citoyenne sur le climat qui n’est rien d’autre qu’une remarquable manipulation des sectes écologiques ? Les scientifiques, les vrais n’ont pas été consultés, en revanche les associations militantes le furent à maintes reprises. A une époque où l’on parle de diversité, il serait bon qu’elle fut aussi intellectuelle et que l’on ne se soit pas dirigé que par des sophistes qui ne s’intéressent qu’à l’opinion, pas à la vérité.

Les polémiques de ces derniers mois et de l’an dernier sur l’action ou les projets des nouveaux maires EELV (comme Pierre Hurmic à Bordeaux avec le sapin de Noël) n’ont-elles pas fragilisé la voix des Verts d’une part et les possibilités de voir une action politique utile et réellement bienfaitrice sur le plan de l’environnement et pour les citoyens, d’autre part ?

Oui, je le pense. Il était essentiel de toucher le fond et que les électeurs découvrent ces drôles de Verts, bien différents de ce qu’ils imaginaient. La politique d’une ville ne se limite pas à la biodiversité et à l’usage des énergies fossiles. Il est savoureux de constater que les avocats de la démocratie participative, à commencer par le maire de Bordeaux, quand ils sont au pouvoir, ne tiennent aucun compte des pétitions de leurs électeurs. Ce Pierre Humic, n’a-t-il pas traité de « fachos » les amoureux de sapin de Noël ? Quant au maire de Lyon n’a-t-il pas qualifié de « machiste » et de « polluant » le tour de France ?

L’arrivée à la Maison Blanche de Joe Biden (qui souhaite organiser un sommet sur le climat en avril), et la main tendue d’Emmanuel Macron sur les accords de Paris sur le climat vont-elles signer le grand retour des causes environnementales et de l’urgence climatique au cœur de l’agenda politique pour 2021 ? Les Etats-Unis vont-ils réellement tourner la page de la présidence de Donald Trump sur les enjeux climatiques ?

Oui, je le pense : les signes et les décisions déjà prises sont suffisamment nombreux.

La pandémie aura-t-elle démontré les failles de certaines théories sur le climat portées par les écologistes, certains militants verts et les déclinologues ou les collapsologues ?

Je ne le pense pas, car ces phénomènes ne sont pas du même ordre. Le climat n’a joué aucun rôle dans l’apparition du virus et sa diffusion ; en revanche le transport aérien et la division internationale du travail ont été déterminants.

Cette épidémie était prévisible, les seules incertitudes portaient sur sa date et sur la nature du virus, on pariait plutôt pour une mutation du virus de la grippe. En revanche, elle a démontré, une fois encore, la totale inutilité du principe de précaution. Il ne nous a protégé de rien, ni de la pénurie de masque, de respirateurs, de tests ou de vaccins, mais a retardé de nombreuses décisions.

Quel bilan tirer de l’action d’Emmanuel Macron sur les causes environnementales durant son mandat ? Comment expliquer le relatif échec de la Convention citoyenne pour le climat ?

Comme Nicolas Sarkozy, puis François Hollande, il tente de se montrer plus vert que les Verts et choisit dans son équipe gouvernementale des anciens militants écologistes à la logique discutable et aux compétences douteuses. Aussi, en matière d’énergie, les décisions sont plus marquées d’idéologie que de raison et ceci du seul point de vue des rejets de gaz carbonique dans l’atmosphère ; c’est notamment le cas de la fermeture de Fessenheim, de la croissance du parc éolien ou des investissements dans l’hydrogène, dix fois plus subventionnés que le nucléaire alors que l’hydrogène n’est pas une source d’énergie, au mieux un vecteur qui requiert beaucoup d’énergie pour devenir un combustible.

L’échec de la Convention citoyenne sur le climat s’explique d’abord par l’absence de légitimité des participants. N’avons-nous pas un Parlement ? Quant au contenu, c’est un catalogue mal digéré des souhaits des militants écologistes.

Pensez-vous que l’élection présidentielle de 2022 « se jouera » sur des questions liées à l’environnement ? La crise sanitaire et la pandémie de Covid-19 ont-elles permis aux citoyens de redécouvrir la sauvegarde de la planète en plus de la nécessité de sauver des vies et de la nécessité de sauver l’économie face à la Covid-19 ? La vaguelette verte des élections municipales de l’an dernier pourra-t-elle se transformer en « tsunami électoral » pour les Verts ou pour les candidats faisant le choix de la défense de l’environnement ?  

Je ne crois pas au tsunami électoral des écologistes, d’autant plus que nos concitoyens commencent à découvrir leur vrai visage qui à l’évidence est autant autoritaro-gauchiste qu’écologiste. Quant à la leçon que l’électorat tirera de cette pandémie alors qu’elle marquera encore fortement la France en 2022, il est difficile de le dire aujourd’hui. On peut en revanche souhaiter que l’opinion y voit une révélation coûteuse et dramatique de la crise de l’Etat. Les causes remontent à plus d’un quart de siècle et tous les partis de gouvernement ont leur responsabilité, notamment en matière d’énergie, d’industrie et d’agriculture. Pour ma part, je ne tiendrai pas compte de la période de la pandémie car les Gouvernements ont fait ce qu’ils croyaient devoir faire, mais mon choix dépendra de l’ambition de leurs propositions pour réformer la France, sa recherche, son enseignement supérieur, son système de santé et la place de l’industrie. Durant la seconde guerre mondiale, le conseil national de la résistance a combattu et préparer des réformes ambitieuses. Le seront-elles en 2022 ?

A lire aussi, deux extraits de l'ouvrage :

- Réchauffement climatique et défense de l’environnement : vrais problèmes et fausses solutions

- Le nucléaire, c'est l'avenir

 Jean de Kervasdoué publie "Les Ecolos nous mentent !, Le véritable état des lieux de la planète", aux éditions Albin Michel.

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