Israël : nouveau directeur du Mossad mais même objectif : l'Iran<!-- --> | Atlantico.fr
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Le 24 mai, Benjamin Netanyahu a levé le voile sur l’identité du nouveau chef du Mossad, David Barnea.
Le 24 mai, Benjamin Netanyahu a levé le voile sur l’identité du nouveau chef du Mossad, David Barnea.
©DR

Services secrets

Après plusieurs mois d’attente, Benjamin Netanyahu a annoncé la nomination du nouveau chef des services secrets de l’État hébreu. L'arrivée de David Barnea à la tête du Mossad sonne comme une mise en garde contre l’Iran.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Le 24 mai, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a annoncé nomination de David « Dedi » Barnea (né en mars 1965) à la tête du Mossad, les services de renseignement extérieurs israéliens. Il devrait officiellement prendre ses fonctions le 1er juin.

David Barnea, après avoir servi dans l’armée au sein des forces spéciales de l'état-major général (Sayeret Matkal), a été diplômé de l’enseignement supérieur en Israël et aux États-Unis. Après une courte carrière dans la banque, il a intégré le Mossad en 1996. Il a été notamment chargé de la recherche sur l’Iran, les pasdarans et le Hezbollah libanais. Il est devenu directeur adjoint du service en 2019.

Dès décembre 2020, le bureau du Premier ministre israélien avait annoncé avoir choisi un certain « D, directeur adjoint ». Toutefois, cette nomination pour être réglementaire devait être entérinée par un conseiller juridique pour vérifier si la position de Premier ministre intérimaire qui est celle de Netanyahu en ce moment lui permettait de procéder à cette désignation.

À noter qu’Israël ne diffuse jamais le nom des officiers du Mossad à l’exception de ceux de ses directeurs. Bien obligé parce que ces derniers effectuent de nombreux déplacements à l’étranger pour rencontrer leurs homologues.

Netanyahu a déclaré au cours de la cérémonie d’intronisation : « il pourrait y avoir une situation dans laquelle notre but ultime - pour garantir que les Ayatollahs ne mettent pas fin à l’existence du peuple juif après plus de 2.000 ans - exigera que nous prenions des décisions indépendantes et courageuses ».

Il ne pouvait être plus clair. L’effort du Mossad va continuer à porter essentiellement sur l’Iran que l’État hébreu considère comme « ennemi », en particulier en raison des déclarations hostiles de nombre de ses dirigeants. Afin de freiner l’effort militaire nucléaire iranien, les services ne reculent devant aucun moyens : assassinats ciblés (1) - cinq entre 2010 et 2020 dont le dernier le 27 novembre 2020 de Mohsen Fakhrizadeh Mahabadi - , sabotages dont ceux survenus à Natanz en juin 2009, le 2 juillet 2020 et le 11 avril 2021 -, désinformation, etc.

En dehors du nucléaire, les Israéliens visent aussi le projet balistique comme lors du sabotage de la base de missiles Shahid Modares à Bid Kaneh (à 40 kilomètres de Téhéran) qui a vu le disparition tragique de 17 pasdarans dont le brigadier général Hassan Modaddam, le responsable du développement des missiles Shahab, Ghadir et Sejil.

Sont enfin ciblées les manœuvres iraniennes qui ont pour objectif d’accroître leur influence dans le « croissant chiite » qui couvre l’Irak, la Syrie et le Liban sans oublier le théâtre d’opérations extérieures yéménite. Dans ce cadre, les milices qui servent de « piétaille du champ de bataille » (Hezbollah libanais, milices syriennes, irakiennes, pakistanaises, afghanes) à Téhéran constituent également un objectif de choix.

Le prédécesseur de Barnea, Yosef Meir (Yossi) Cohen (né en 1961), ancien conseiller à la sécurité nationale de Benjamin Netanyahu et ancien numéro deux du Mossad (nommé directeur en 2016) a joué un rôle de premier plan dans les accords dits d’« Abraham » de normalisation des relations avec les Émirats Arabes unis, le Bahreïn (suivis par le Soudan puis le Maroc). Il aurait aussi accompagné Netanyahu lors d’une visite secrète en Arabie saoudite en novembre 2020 au cours de laquelle ils auraient rencontré le prince héritier Mohammed Ben Salman (MBS). Ce périple a été démenti par Riyad mais il est de notoriété publique que les deux pays entretiennent les meilleures relations car ils ont un ennemi commun : l’Iran..

Les deux officiers de renseignement avaient du travailler ensemble quand Yossi Cohen avait dirigé la section iranienne du Mossad à partir de 2004. Bien que les opérations du Mossad restent secrètes, l’une fut révélée officiellement le 30 avril 2018 par Netanyahu à des fins de propagande: la récupération en janvier 2018 de 500 kilos d’archives concernant le programme nucléaire iranien en plein Téhéran. Il est fort probable que Barnea ait joué un rôle important dans cette action puisqu’il dirigeait le département s’occupant de l’Iran alors que Cohen était directeur du Mossad. À souligner que l’entrepôt où étaient stockés ces 55.000 documents et 183 CDROM contenant 55.000 fichiers avait été repéré par les Israéliens en 2016. Cette opération a donc duré plus d’un an.

Lors de la crise due à la pandémie de Covid-19, Yossi Cohen a été chargé d’acquérir par tous les moyens possibles les matériels médicaux (et les vaccins) nécessaires à l’immunisation massive de la population israélienne, ce en liaison étroite avec le très controversé ministre de la santé, Yaakov Litzman lui-même atteint par la maladie.

En résumé, Yossi Cohen a fait apparemment un parcours sans faute à la tête du Mossad : affaiblissement de l’Iran, retards dans les programmes nucléaire (2) et balistique, diplomatie secrète, guerre économique (dans le cadre de la campagne de vaccinations, etc.). Au nouveau directeur de faire ses preuves. Noter cependant que les Israéliens sont l’un des rares pays où la promotion à la tête des services de renseignement se fait en interne. Dans les autres pays, particulièrement occidentaux, c’est généralement un « extérieur » qui est parachuté car le poste est jugé comme éminemment « politique ». L’État hébreu privilégie, lui, l’efficacité car il se considère en guerre depuis sa création.

(1). Ce n’est pas le Mossad qui est à la base de la neutralisation le 3 janvier 2020 du major général Qassem Soleimani mais les services américains. Mais il est probable que si l’ordre en avait été donné, cette opération aurait très pu être menée par les Israéliens car le chef de la force Al-Qods des pasdarans se pensait intouchable en raison de son rôle « semi-diplomatique » et ne prenait plus les précautions sécuritaires élémentaires depuis de longs mois.

(2). De nombreux responsables israéliens dont au moins un ancien directeur du Mossad sont convaincus que Téhéran détiendra un jour la bombe.

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