Iran : vers de nouvelles révoltes populaires ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des manifestants dans les rues iraniennes après la mort de Mahsa Amini.
Des manifestants dans les rues iraniennes après la mort de Mahsa Amini.
©Ozan Kose / AFP

Mort de Mahsa Amini

Les Iraniens pourraient être tentés de manifester à nouveau. Le 1er anniversaire de la mort de Mahsa Amini en serait l’occasion. Ce drame avait provoqué des manifestations pendant de nombreuses semaines. La répression avait causé des centaines de morts, et plus de 30.000 arrestations. Les conditions d’une reprise du feu de la révolte sont-elles présentes ?

Gérard Vespierre

Gérard Vespierre

Gérard Vespierre est chercheur associé à la FEMO Fondation d’Études pour le Moyen-Orient, Fondateur du « Monde Décrypté ». Chroniqueur géopolitique IDFM 98.0.

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Nous nous souvenons tous des circonstances qui, le 16 septembre 2022, ont comme une traînée de poudre enflammé l’Iran. Plus de 270 villes et bourgades concernées, aucune des 31 provinces n’a été épargnée.

L’étincelle fut la disparition tragique d’une jeune femme, pour un simple motif vestimentaire. L’ampleur de l’écart entre la cause et les conséquences a provoqué l’explosion populaire. L’énergie nécessaire à l’explosion fut le choc de ce décès. Les ingrédients réunis pour que l’explosion se produise se sont appelés, situation économique très difficile, et absence continue de liberté, ressentie fortement par les femmes et la jeunesse.

Depuis un an, la situation économique s’est-elle améliorée? Des libertés ont-elles été accordées ?

Un gouvernement paralysé par l’idéologie et la peur

Pour inverser une tendance économique, il faut élaborer une vision nouvelle, et prendre des décisions. Or le gouvernement du président Raïssi est resté dépourvu d’un discours clair, et n’a pris aucune décision forte pour inverser la tendance économique. Au contraire des dissensions se sont faites jour à l’intérieur du gouvernement, ce qui a été reconnu et critiqué par le guide suprême Ali Khamenei.

Cette inaction est le fruit d’une paralysie provoquée par l’addition du principe religieux dans le politique, et le diffus sentiment de peur, émanant d’un pouvoir politique se sachant usé.

L’architecture religieuse de l’État iranien, dans les principes politiques, et les hommes, mollah et ayatollah au pouvoir, infligent au système la certitude de détenir la vérité absolue. Dans cette conception, il est impossible d’admettre la modification d’un cap, par l’action de courants politiques internes, ou encore plus de l’inverser, car cela revêtirait un caractère de trahison par rapport à la voie de vérité, tracée par le guide suprême.

De plus, le pouvoir sait pertinemment ce qui se prépare, en profondeur, dans le pays, et depuis de nombreuses années

Quand en mai 2018, les États-Unis se sont éloignés de l’accord nucléaire, un ancien président du parlement, Nategh Nouri, a déclaré : « Le problème que nous avons n’est pas l’accord nucléaire. Le problème que nous avons est de savoir combien de temps nous allons pouvoir rester au pouvoir ». Quelques semaines avant, un haut responsable religieux de la ville de Qom, Abdollah Javadi-Amoli avait déclaré : « Si la population se révolte, nous (les religieux) serons tous jetés à la mer ». Il y a 5 ans, politiques et religieux, reconnaissaient pleinement la fragilité du pouvoir.

Une mauvaise situation économique et la privation de liberté, ont débouché sur la contestation du pouvoir politique.  Le slogan « A bas le dictateur » a fortement résonné dans les manifestations.

Le pouvoir se prépare à l’affrontement

En 2020, le choix d’Ebrahim Raïssi par le guide suprême pour occuper, sous ses ordres, le poste de président de la république ne doit absolument rien au hasard. Il relève d’un choix reposant sur sa trentaine d’années passées dans la filière judiciaire, et sa capacité à combattre les opposants au régime. Il a fait partie de la « commission de la mort » de la prison d’Evin à Téhéran en 1988. Des milliers de prisonniers politiques y ont été exécutés, sans aucun procès, et sous le simple motif d’appartenir à un mouvement de résistance (OMPI).

Ce nouveau président a pris soin de former un gouvernement où les Gardiens de la révolution, actifs ou anciens, sont présents en nombre.

La probabilité de voir se reproduire les révoltes récentes ont conduit le régime à prendre un certain nombre de décisions pour préparer ses forces de sécurité. Ces dispositions d’organisation, concernant les liaisons entre services de renseignement et les forces de l’ordre, et financières (dotation de 6 milliards de dollars) ont été révélées par des documents obtenus grâce à une intrusion informatique sur les serveurs des services de la Présidence.  Cette opération fut menée par un groupe dénommé « soulèvement jusqu’au renversement » lié aux Unités de Résistance de l’OMPI (principal mouvement du Conseil National de la Résistance Iranienne CNRI).

Si de nouvelles révoltes éclatent, il faut s’attendre à une sanglante répression. Les gouvernements occidentaux pourront-ils rester spectateurs ? Les opinions publiques et la mobilisation dans les rues de Paris, Londres, Bruxelles, et Washington seront importantes pour soutenir le peuple iranien qui souhaite connaître la liberté et la démocratie.

Le soutien des parlementaires des pays occidentaux sera aussi essentiel pour amener les gouvernements à des décisions fortes, comme la mise des Gardiens de la révolution sur la liste des mouvements terroristes par l’Union Européenne.

Au début de l’été, 296 députés français et 105 sénateurs ont signé un document préparé par le Comité Parlementaire pour un Iran Démocratique (CPID). Cette déclaration appelle à « soutenir le peuple iranien dans sa quête de changement » et à « des mesures fortes et décisives contre le régime actuel ».

L’Europe et la France devront jouer leur rôle pour aider le peuple iranien dans son combat contre un pouvoir religieux, et l’établissement d’un gouvernement démocratique.

Gérard Vespierre, analyste géopolitique

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