Interventionnisme de pandémie : ce grand retour de l’Etat qui nous menace beaucoup plus qu’il ne nous sauve<!-- --> | Atlantico.fr
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La pandémie de Covid-19 a donné lieu à un regain d’interventionnisme de la part de l’Etat.
La pandémie de Covid-19 a donné lieu à un regain d’interventionnisme de la part de l’Etat.
©Ludovic Marin / POOL / AFP

Malédiction Covid

La crise sanitaire a renforcé l'interventionnisme de l'Etat dans de nombreux domaines comme la santé ou l'économie. L'accoutumance à cette réalité pourrait nuire aux libertés fondamentales et aux finances du pays.

Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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Atlantico : Dans quelle mesure la pandémie de Covid a-t-elle donné lieu à un regain d’interventionnisme de la part de l’Etat ?

Pierre Bentata : Dans une très large mesure c’est le cas. Emmanuel Macron l’a très bien explicité, on croyait être des individus libres et nous sommes en fait des citoyens solidaires. C’est sa ligne de conduite depuis le début de l’épidémie. L’économie a été mise sous tutelle et il y a eu surtout une prise en charge de la sécurité sanitaire qui s’est traduite par une déresponsabilisation totale des citoyens. Il y a eu des attestations dérogatoires de déplacement, un pass sanitaire puis vaccinal. On a dit quelles entreprises pouvaient ouvrir ou non, ce qui était un produit ou une profession essentielle. Il y a eu une forme de nationalisation de l’économie et un contrôle des populations très fort, mais attendu par la population.

Quelle part était nécessaire pour faire face à la pandémie ?

Il faudra tirer le bilan après la pandémie. C’est le rôle du quatrième temps de la démocratie dont parle Pierre-Henri Tavoillot, le moment où les élus doivent rendre des comptes. Il est difficile de savoir où les élus sont allés trop loin. Mais il est certain qu’ils ont pris une direction philosophique très particulière dans laquelle l’Etat ne fait même plus attention aux libertés fondamentales. Il y a eu une mise sous tutelle des individus dans quasiment toutes les composantes de leur existence. Reste à savoir quel sera le plébiscite des citoyens lors de l’élection présidentielle. Mais chaque fois qu’Emmanuel Macron a pris une décision restrictive, il est remonté dans les sondages. Néanmoins si on regarde vers des pays qui ont été plus libéraux, ou plus laxistes selon le point de vue, comme la Suède, on voit des trajectoires assez proches. Cela remet en question l’efficacité mais il faudra atteindre la fin de l’épidémie pour le savoir dans le détail.

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Le retour de l’Etat s’est-il aussi fait dans des sujets non liés au Covid, une fois la dynamique enclenchée ?

D’une certaine manière oui. Au début de la pandémie est née une interprétation selon laquelle l’une des vraies causes du développement de la pandémie, c’est le manque d’industrie et qu’il fallait renouer avec une industrie forte. S’est également posée la question de la fermeture des frontières. Cette situation a permis aux médias et aux politiques de co-construire un discours sur le rôle de l’Etat et on ne sait pas où il nous mènera. L’Etat a gagné en influence, en légitimité dans cette crise sanitaire. Pourtant, si le problème vient du nombre de lits, de la coordination des équipes médicales, des administrations sanitaires, etc. ça veut dire que tout est de la faute de l’Etat. Il y a eu un vrai talent politique qui répondait à une attente des citoyens autour de l’idée que si c’est la crise, il faut plus d’Etat.

Est-ce qu’il y a un risque de désaccoutumance et que cela perdure post-crise ?

A mon sens, c’est quelque chose auquel il faut vraiment faire attention. Ce n’est pas un phénomène ponctuel. Cela fait plusieurs années que nous sommes dans un état d’urgence, d’abord terroriste puis sanitaire. Le pouvoir repousse sa fin sans-cesse, pratiquement sans contrepouvoir, à cause du quinquennat mais aussi de l’habitude de la société. Il y a une demande pour un Etat très fort, il y avait même une demande de reconfinement, de contrainte. Et l’Etat n’a aucune raison de ne pas répondre à cette demande. Mais quand on ferme les boîtes de nuit et les stations de ski mais pas les restaurants et les clubs échangistes, c’est de la folie bureaucratique. Si on accepte ça et qu’on en redemande, on se dirige vers une soviétisation de la vie en collectivité.

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Pourquoi est-il important d’en sortir ? Comment le faire ?

J’aimerais savoir comment redonner le goût de la liberté à mes compatriotes. Heureusement, certains commencent à se rendre compte de la situation. C’est essentiel, car je ne pense pas qu’une démocratie puisse fonctionner sainement si le gouvernement est considéré comme au-dessus de toute nécessité de rendre des comptes. C’est d’autant plus inquiétant que tout est fait dans les règles. C’est une lente servitude demandée par la population. Rien n’empêche un prochain président de recourir aux mêmes méthodes à l’avenir, il n’y a plus de garde-fous. Il y aurait pu y avoir des arrangements pour gérer la situation sans nier complètement la liberté comme c’est le cas aujourd’hui. A terme, le risque est celui de l'État d’urgence permanent.

Dans quelle mesure cet interventionnisme a-t-il aussi un coût économique, notamment sur la question de la dépense publique ?  

La situation financière actuelle n’est liée qu’aux actions de l’Etat pendant le Covid. En mettant l’économie sous perfusion, plus rien ne rentre, plus d’argent dans les caisses de l’Etat et on assure en plus les salaires etc. La dégradation des finances publiques est liée à la stratégie de l’Etat. Ça se comprenait au départ mais lorsqu’on voit les résultats, on peut se demander si le jeu en vaut la chandelle. Le problème c’est que l’Etat n’a pas pensé à la sortie et au long terme. Il aurait dû déterminer quand il arrêterait, qui il aiderait ou non pour éviter de jeter de l’argent aveuglément. Aujourd’hui, on ne sait pas comment stopper. On a une spirale d’endettement publique monstrueuse, une production monétaire sans commune mesure avec ce qui a été fait auparavant (sauf pendant la crise des subprimes),ce qui entraîne une spéculation à outrance sur les marchés financiers, des spéculations sur les matières premières, des entreprises qui s’arrêtent et provoquent des goulots d’étranglement et une inflation. Et à cela s’ajoute le fait que l’Etat ne communique pas. Bruno Le Maire a dit récemment que la situation n’avait jamais été aussi bonne : 6% de croissance et le chômage a baissé. Soit il est hors sol, soit il est totalement cynique. En tout cas, il oublie une partie de la vérité, quand on a 6% de croissance après en avoir perdu plus l’année précédente, il n’y a pas de croissance. Et il y a encore 8 millions de chômeurs et une inflation qui augmente à presque 6%. Si le gouvernement ne s’en rend pas compte, cela laisse craindre qu’ils ne sachent pas quand s’arrêter. Ils auraient déjà dû le faire. A la place, ils ouvrent les vannes de la dépense à l’approche de l’élection présidentielle. Le seul point positif, c’est que la plupart des autres pays ont agi comme nous et donc notre effondrement relatif est limité. Mais certains pays ont réagi différemment et s’ils capitalisent dessus, il y aura un déclassement de la France. Notre Etat veut être omniprésent mais n’a pas d’argent pour le faire, ça le rend simplement impotent. 

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