Interdiction de l’abaya vs gauche radicale : mais qui méprise vraiment les musulmans ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une jeune femme portant l'abaya.
Une jeune femme portant l'abaya.
©MIGUEL MEDINA / AFP

Laïcité

Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI à l'Assemblée, a publié un message en anglais sur Twitter pour dénoncer, selon elle, « la discrimination à laquelle sont confrontées les jeunes filles musulmanes françaises » depuis l'interdiction de l'abaya à l'école.

Fabrice d'Andrea

Fabrice d'Andrea

Fabrice d’Andrea est républicain universaliste, hostile à tous les extrémistes politiques ou religieux. Fabrice d’Andrea écrit dans Franc-Tireur et est Cofondateur d’On vous voit.

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Atlantico : Un homme a proféré des menaces de mort envers le proviseur d’un lycée de Clermont-Ferrand qui a refusé l’accès à sa fille, vêtue d’une abaya. Comment poser dignement le débat sur l’abaya en France au regard de ce type de menaces et après l’attentat contre Samuel Paty ?

Fabrice d'Andrea : Il ne faut pas céder aux menaces ni inverser les rôles en accusant le gouvernement, comme j’ai pu le lire ici ou là, de causer de telles réactions en interdisant l’abaya dans les établissements scolaires. Les coupables sont bien ceux qui menacent de mort un proviseur pour faire triompher leurs idées par la terreur et non pas ceux qui appliquent la loi de 2004 sur le port de signes religieux à l’école, loi qui fait l’objet d’un large consensus auprès de l’ensemble des Français. Outre le contexte très pesant à l’école depuis l’attentat contre Samuel Paty, le débat sur l’abaya est rendu particulièrement complexe par la surenchère de la gauche radicale qui crie à « l’islamophobie » et au racisme. L’effet déformant des réseaux sociaux donne l’impression que l’hostilité à l’interdiction de l’abaya est très répandue alors que, selon un sondage de l’IFOP,  78% des sympathisants EELV et 58% des sympathisants LFI y sont favorables. Malgré ce contexte délétère, il faut donc continuer d’expliquer patiemment en quoi l’abaya est bien contraire à la loi de 2004 en tant que vêtement manifestant clairement une appartenance religieuse.  Et démonter les faux arguments contre cette interdiction comme le fait qu’elle viserait l’ensemble des musulmanes alors qu’elle ne concerne qu’une minorité adhérent au discours islamiste. Ou encore qu’il s’agit d’une discrimination alors que l’interdiction du port du voile à l’école a permis d’améliorer de manière considérable les résultats des jeunes filles musulmanes et d’accroître le nombre de mariages mixtes (comme l’ont montré les travaux de l’économiste Éric Maurin). Interdire les signes religieux ostensibles à l’école est donc un facteur de réduction des inégalités et d’intégration républicaine. Cela devrait entraîner l’adhésion massive de la gauche à cette mesure, mais une partie d’entre elle préfère, pour des raisons électoralistes, se montrer complaisante avec l’islamisme.

Et il faut tirer les leçons de l’attentat contre Samuel Paty. En plus du débat républicain, le personnel scolaire doit bénéficier au besoin de toutes les mesures de protection nécessaires et être soutenu par l’ensemble de la hiérarchie éducative. C’est ce qui semble être le cas pour Clermont Ferrand où Gabriel Attal, le ministre de l’éducation et le rectorat se sont mobilisés en faveur du proviseur menacé de mort.

Toutes les personnes qui portent une abaya n’épousent pas les thèses les plus radicales mais elles ne peuvent pas ignorer que cette tenue est l’un des étendards choisis par les islamistes, un outil qui est utilisé par la frange la plus radicale pour véhiculer leurs idées et leur emprise. Est-il possible de faire prendre conscience de ce phénomène aux jeunes adolescentes concernées ? La tactique déployée par la frange la plus radicale de la mouvance islamiste est-elle inarrêtable ? 

Oui, il est tout à fait possible de le faire, en tout cas dans la durée. Les adolescentes qui portent l’abaya ne seront pas forcément faciles à convaincre dans l’immédiat. Il est ardu d’agir sur les causes les conduisant à porter ce vêtement qui peuvent être multiples (volonté de provocation, réflexe identitaire, influence des réseaux sociaux, embrigadement religieux etc.). Ces jeunes filles n’ont pas nécessairement conscience d’être les pions d’une campagne de propagande politico-religieuse menée par des réseaux islamistes soutenus et financés par certains pays musulmans . Mais la fermeté républicaine alliée à la pédagogie sur la laïcité et l’égalité femmes/hommes peuvent amener ces adolescentes en construction à comprendre le bien fondé de cette interdiction. Les islamistes testent la République et tout particulièrement l’école laïque, comme ils l’ont fait en 1989 avec le voile. Une réaction claire des autorités produit déjà apparemment ses premiers effets avec, selon les chiffres communiqués par le ministère de l’éducation nationale, seulement 298 élèves qui se sont présentées en abaya le jour de la rentrée et uniquement 67 qui ont refusé de le retirer. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui voient dans ces chiffres un phénomène marginal. J’y vois au contraire la preuve que la mesure d’interdiction a eu un effet dissuasif pour un certain nombre d’élèves et de familles.  Il est indispensable  d’accompagner cette fermeté par une pédagogie sur la laïcité et ses effets positifs comme ceux évoqués précédemment sur les résultats scolaires et l’intégration des jeunes musulmanes. L’offensive islamiste est donc parfaitement arrêtable. 

Que faut-il penser également de la récupération politique sur la question de l'abaya par les membres de LFI et notamment par Mathilde Panot qui publie un message en anglais sur Twitter pour dénoncer, selon elle, « la discrimination à laquelle sont confrontées les jeunes filles musulmanes françaises » ? Cela ne risque-t-il pas d’attiser la haine de certains groupes terroristes ou de certains pays musulmans ? Selon une note des services de l'État consultée par Le Parisien, la France serait déjà au centre d'une vaste campagne de diffamation numérique depuis la décision de Gabriel Attal d'interdire le port de l'abaya dans les établissements scolaires. Plusieurs relais d'opinion influents et liés à la Turquie ont multiplié les messages sur les réseaux sociaux. Une partie de ces publications émane, selon la note des services de l'État, de « l'Organisation internationale de soutien au prophète de l'islam », réputée proche des Frères musulmans. Est-ce inquiétant ?

La présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale récidive et franchit même un pas de plus avec ce tweet en anglais. N’oublions pas que c’est sous la pression de manifestations islamistes à l’étranger et de la diplomatie de pays musulmans que le Danemark envisage d’interdire de brûler des livres religieux, rétablissant en partie le délit de blasphème qu’il avait supprimé en 2017 après l’affaire des caricatures de Mahomet. On est forcément en droit de se demander si Mathilde Panot cherche à obtenir, grâce à des pressions extérieures comme celles exercées sur le Danemark, le recul du gouvernement français sur l’abaya. Si c’est le cas, c’est extrêmement grave et dangereux car on ne joue pas impunément avec la pression des fanatiques qui peuvent aller jusqu’à tuer au nom d’une prétendue islamophobie. Si ce n’est pas le but recherché, c’est tout aussi grave car on attend d’un responsable politique un minimum de compréhension des enjeux du monde extérieur et des conséquences potentielles de ses paroles. Il est tôt pour se prononcer de manière définitive mais j’imagine difficilement que LFI ait agit sans savoir ce qu’elle faisait. Les réseaux islamistes sont suffisamment structurés et se mobilisent à l’étranger pour dénigrer la France, aidés souvent en cela par la presse anglo-saxonne qui comprend mal notre concept de laïcité. Il est très préoccupant que des partis politiques français cherchent leur adhésion, alors qu’ils sont déjà comme,vous l’avez souligné fortement impliqués pour tenter de déstabiliser la France pour la faire revenir sur sa décision.

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