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Avec les conséquences de la guerre en Ukraine, l’inflation va toucher de nombreux ménages.
Avec les conséquences de la guerre en Ukraine, l’inflation va toucher de nombreux ménages.
©INA FASSBENDER / AFP

Impact économique

L'augmentation continue des prix ces derniers mois se poursuit avec la hausse des prix de l'énergie et de l'alimentation dans le contexte de la guerre en Ukraine et avec les sanctions imposées à la Russie. Les ménages sont-ils tous égaux face à l'inflation ? Lesquels seront les plus touchés ?

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Pascale Hebel

Pascale Hebel

Pascale Hebel est Directrice associée chez C-ways.

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Atlantico : Portée par la guerre en Ukraine, l’inflation devrait toucher de nombreux ménages. Selon l’Insee, elle atteint 4,5% sur un an au mois de mars. Les ménages sont-ils tous égaux face à ce phénomène ? Lesquels devraient être les plus touchés ?

Alexandre Delaigue : Les ménages ne sont pas tous égaux face à l’inflation puisque c’est un phénomène qui est centré sur quelques produits, notamment les produits énergétiques, comme le gaz ou le carburant, mais aussi les matériaux de construction notamment. Un individu qui est obligé de rouler beaucoup ou qui a une maison mal isolée et chauffée au gaz sera plus impacté. À l’inverse, l’entrepreneur du bâtiment qui peut se permettre d’augmenter le prix de ses devis ne sera pas concerné par cette hausse de l’inflation. Pourtant, le nombre de produits concernés va augmenter sur le long terme. Il faut savoir que sur ces 4,5% d’inflation, les effets de la guerre d’Ukraine ne sont pas encore comptabilisés. 

Dans une certaine mesure, il y a un certain degré de protection pour les individus dont le revenu est indexé sur l’inflation. On peut aussi envisager que certains employeurs réduisent leurs achats de travail au SMIC, en partant du principe que ça leur coûtera plus cher. Les répercussions sont donc vraiment compliquées à établir. En somme, les personnes qui peuvent transférer l’inflation sur quelqu’un d’autre vont mieux s’en sortir. À l’inverse, si un employeur ne peut pas répercuter la hausse de l’inflation sur les salaires, alors les travailleurs seront lésés. Globalement, dans le secteur privé, on peut répercuter à peu près l’inflation sur les prix de vente, on a donc une possibilité d’indexer les salaires. Dans la fonction publique, l’indexation n’est pas gagnée d’avance puisque depuis 10 ans, le point d’indice n’a pas été indexé sur l’inflation. 

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Pascale Hébel : L’inflation s’établit à 4,5% en mars 2022. Elle concerne principalement l’énergie dont les prix augmentent de 28% en un an. La dépense en énergie qui comprend les dépenses de chauffage, l’électricité et de carburant pèse seulement 8% du budget des ménages en moyenne. Selon les calculs de l’INSEE, pour une hausse estimée à 36 euros sur un mois en moyenne par rapport à 2019 en octobre 2021, en zone rural la hausse est de 43 euros contre seulement 30 euros en agglomération parisienne. Les plus âgés sont aussi ceux qui ont les plus fortes dépenses énergétiques dans leur logement, en raison de la plus forte durée de leur présence à domicile et des plus grandes surfaces qu’ils occupent. Le poids des dépenses de logement est en France le plus élevé d’Europe et son poids ne fait que progresser. Avec cette hausse, les inégalités se sont accrues en quarante ans. Le poids du logement est de 10 points supérieur chez les 20% les plus pauvres par rapport aux 20% les plus riches, cet écart n’était que de 2% en 1980. 

Le deuxième secteur touché est celui des produits alimentaires frais. Les difficultés de récoltes liées au changement climatique expliquent les hausses de prix des fruits et légumes. Ce sont les familles nombreuses qui sont les plus touchées par les hausses de prix dans l’alimentation.

Quels secteurs ou produits contribuent le plus à la hausse de l’inflation ?

Alexandre Delaigue : L’énergie est le secteur qui contribue le plus à la hausse de l’inflation. Il y a également les produits alimentaires, dont le prix va augmenter avec la guerre en Ukraine. Les produits manufacturés vont également voir leur prix augmenter puisque les chaînes de valeur n’ont pas pu repartir. Suite à la crise du Covid, de nombreux ménages ne pouvaient plus se payer certains produits. Quand ils ont pu se permettre de les acheter à nouveau, cela a créé des points de tension dans la production et la livraison. Par exemple, le prix du bois a explosé. C’est aussi le cas de l’électronique, même si c’est moins visible. Les pénuries occasionnent des pénuries sur les voitures et les consommateurs se reportent donc sur les voitures d’occasion, dont le prix augmente également. 

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Quels sont les effets macroéconomiques en cascade (croissance, fiscalité, inégalités) auxquels il faut s’attendre ? Comment se répercutent-ils sur les ménages ?

Alexandre Delaigue : Il y a deux formes d’inflation. Une qui vient plutôt d’une bonne nouvelle : les individus s’enrichissent. Le gouvernement fait beaucoup de déficit, il y a beaucoup de dépenses et d’investissements… Cela crée des tensions car tout le monde a plus d’argent. C’est cette inflation qui peut être ajustée par les banques centrales.  

L’inflation que nous vivons actuellement est à l’opposé. Les individus s’appauvrissent car de nombreux produits coûtent plus cher puisqu'ils sont moins disponibles qu’avant. Produire coûte plus cher, les chaînes de valeur ont du mal à redémarrer … Cela se manifeste par des hausses de prix. Tout le monde essaye donc de répercuter cette hausse sur les autres. Le seul qui peut s’en sortir c’est l’État. Il va récupérer des impôts sur le revenu puisque les recettes de TVA augmentent. L’inflation peut donc, dans certains cas, être une bonne nouvelle. 

Il y a donc un scénario selon lequel l’inflation ne dure pas très longtemps et où les individus finissent par s’adapter. La deuxième possibilité c'est que les dépenses publiques augmentent. Les banques centrales se retrouvent obligées de soutenir ces dépenses et les déficits, ce qui est le scénario des années 1970/1980 où l'inflation a grimpé à 15%. Dans ce cas précis, les banques centrales sont obligées de mettre un gros coup d’arrêt, ce qui provoque une récession et une augmentation du chômage. 

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Pour conclure, tout le monde fait des scénarios macro-économiques à cause de la campagne électorale. Pourtant, rien n’est prévisible et personne ne peut prédire ce qui va véritablement se passer.

Pascale Hébel : Les hausses des prix de l’énergie vont se répercuter sur la fabrication des produits industriels avec en premier lieu ceux de l’industrie alimentaire et de l’élevage industriel.Le secteur de l’alimentation est touché en plus par la hausse des prix des matières premières (blé, engrais, maïs, tournesol, beurre) en raison des mauvaises récoltes, par la grippe aviaire et de la guerre en Ukraine. Les prix vont s’envoler d’ici l’été comme en 2008. Les foyers les plus modestes et les familles nombreuses devront se restreindre, elles supprimeront les produits les plus superflus comme ceux des prises hors repas et des petits déjeuners comme en 2008. Cette hausse des prix accélèrera les changements de régimes alimentaires de plus en plus basés sur les produits végétaux. Les diminutions des consommations de viande y compris la volaille vont s’accélérer avec les hausses de prix à venir sur ces produits. La consommation de produits céréaliers, comme les pâtes, le riz, la semoule, les œufs augmentera tandis que celle des confiseries, biscuits, crèmes desserts diminuera. Le fait maison et la consommation de conserves vont se développer. La baisse de pouvoir d’achat se répercutera sur l’achat de biens durables (automobiles, équipements du foyer,…), sur les sorties dans les restaurants, les loisirs et les départs en vacances cet été.

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