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Infections nosocomiales : SARM, la souche de staphylocoque doré que les hôpitaux ne parviennent pas à maîtriser
©Reuters

Alerte staphylocoque doré

Une étude réalisée par des chercheurs britanniques montre qu'il est possible d'appliquer une meilleure surveillance épidémiologique des patients porteurs de staphylocoque doré résistant à la méticilline. Leur prise en charge est ainsi plus efficace.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Une étude réalisée par des chercheurs britannique de la Wellcome Trust Sanger Institute montre que des foyers de staphylocoques dorés résistantes à la méticilline se développent dans les centres de soins britanniques. En quoi consiste cette maladie ? Est-elle également diagnostiquée en France ? 

Stéphane Gayet L’expression " staphylocoque doré résistant à la méticilline " comprend deux notions : staphylocoque doré et résistant à la méticilline. Le staphylocoque doré, souvent appelé " staph " dans le jargon des infectiologues, est véritablement l’ennemi public numéro un. C’est l’une des bactéries pathogènes les plus répandues et les plus fréquemment en cause. Elle est responsable d’infections chez l’homme, aussi bien en dehors de toute hospitalisation et même de tout soin, que dans un contexte d’hospitalisation ou bien de soins de santé en dehors de l’hôpital. Elle est également responsable d’infections sévères chez les autres mammifères, par exemple la mammite des bovins qui est une préoccupation en médecine vétérinaire. Staphylocoque doré est le nom dit vernaculaire de cette bactérie, c’est-à-dire le nom en langue parlée. Son nom scientifique est Staphylococcus aureus, car en biologie la langue de référence est le latin (aureus signifie doré en latin).

Dans les établissements de santé français, on effectue tous les cinq ans, depuis 1996, une enquête nationale de prévalence des infections nosocomiales ou infections associées aux soins (IAS) acquises en milieu hospitalier. Le mot prévalence signifie que l’on effectue un dénombrement ponctuel et non pas un dénombrement portant sur une période de temps (ce serait alors une enquête d’incidence, plus lourde à réaliser, mais plus précise). L’enquête de 2017 est en cours d’analyse. Celle de 2012 montre, comme du reste celles des années précédentes (1996, 2001 et 2007), que le staphylocoque doré fait toujours partie des trois bactéries les plus fréquemment en cause dans les infections nosocomiales, avec le colibacille ou Escherichia coli (la première en cause) et le bacille pyocyanique ou Pseudomonas aeruginosa (la troisième en cause). Depuis 1996, c’est toujours le même tiercé bactérien.

Sur le plan de son pouvoir pathogène, c’est-à-dire des infections qu’il détermine, le staphylocoque doré est la bactérie de l’abcès. On dit que c’est une bactérie pyogène (ce qui signifie : qui donne du pus, un abcès étant une poche de pus). Dans les infections acquises en dehors des soins de santé, le staphylocoque doré est l’agent du panaris, du furoncle, de l’anthrax (à ne pas confondre avec le charbon, parfois appelé à tort anthrax du fait du nom de sa bactérie Bacillus anthracis), d’arthrites aiguës suppurées, d’ostéites aiguës suppurées, d’abcès musculaires, d’infections génitales chez la femme, de pneumonies, de septicémies et de méningites (toutes les deux particulièrement graves), d’abcès cérébraux, etc. Dans les infections acquises à l’occasion de soins de santé, le staphylocoque doré est responsable d’infections liées à des injections intra-musculaires ou parfois sous-cutanées, des cathéters veineux, des accouchements, des interventions chirurgicales, des actes de médecine dite interventionnelle, des techniques dites invasives (pénétrantes) de réanimation, etc.

La deuxième notion contenue dans l’expression " staphylocoque doré résistant à la méticilline " est : résistant à la méticilline. La résistance des bactéries aux antibiotiques est aujourd’hui fort médiatisée. Elle est la conséquence de l’usage des antibiotiques – chez les animaux et les humains - qui de ce fait perdent de leur efficacité au fur et à mesure de la généralisation de leur utilisation. Etant donné la grande fréquence des infections à staphylocoque doré, qu’il s’agisse d’infections hors milieux de soins ou dans les milieux de soins, il est assez logique que cette bactérie ait été l’une des premières à manifester une résistance aux antibiotiques. La pénicilline G ou pénicilline naturelle - produite par le champignon Penicillium notatum - est peu ou pas efficace sur le staphylocoque doré qui a rapidement développé une résistance vis-à-vis d’elle dès son utilisation dans la première moitié du XXe siècle. C’est ainsi que, peu après la mise au point de la pénicilline G en tant qu’arme thérapeutique antibactérienne, il a fallu inventer une pénicilline capable de surmonter la résistance du staphylocoque doré à la pénicilline G. C’est l’origine de la création de la pénicilline M dite " anti-staphylococcique ", dont la méticilline est le chef de file (au laboratoire, car elle n’est pas utilisée en thérapeutique). Est ainsi née la sous-famille de pénicillines M dites anti-staphylococciques, dont la méticilline reste l’étalon pour les tests au laboratoire. Mais la plasticité de l’ennemi public numéro un lui a permis ensuite de résister aux pénicillines M, donc à la méticilline. Les premières souches de Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM ou en anglais MRSA) sont apparues dans les années 1960. La première épidémie d’infections à SARM ou MRSA est apparue en Angleterre dès 1963. Dans les années 1960 et le début des années 1970, le phénomène SARM ou MRSA était marginal et donc très peu préoccupant. Il a commencé à le devenir un peu plus à la fin des années 1970. Aujourd’hui, les souches de staphylocoque doré résistantes à la méticilline (souches de SARM ou MRSA) sont très fréquentes. Lors de l’enquête nationale de prévalence des infections nosocomiales de 2012, plus de 38 % des souches de staphylocoque doré impliquées dans les infections dénombrées sont résistantes à la méticilline (SARM ou MRSA), ce qui est considérable. Mais à ce jour, d’une part la résistance des staphylocoques dorés à la méticilline n’est plus et loin de là le problème le plus préoccupant en matière de résistance bactérienne aux antibiotiques, d’autre part cette résistance diminue régulièrement depuis plus de dix ans, au profit d’autres résistances bactériennes beaucoup plus dangereuses et donc préoccupantes que sont les résistances des bacilles à Gram négative de la famille des Entérobactéries (colibacille, klebsielle, enterobacter…) résistantes aux céphalosporines dites de troisième génération.

Comment se répand-elle dans les milieux hospitaliers ? 

Si le staphylocoque doré ou Staphylococcus aureus, qu’il soit résistant (SARM) ou sensible (SASM) à la méticilline, est l’ennemi public numéro un, c’est lié au fait que cette bactérie est douée de nombreuses capacités. En premier, elle est remarquablement adaptée au corps humain : 25 à 30 % des personnes saines sont porteuses de cette bactérie dans leurs narines et fosses nasales, leurs aisselles et leur tube digestif. De nombreux mammifères en sont également porteurs (SASM ou bien SARM). En deuxième, elle a un potentiel pathogène remarquable : virulence (capacité d’envahir et de détruire rapidement les tissus du corps : formation d’abcès) et toxino-génèse (capacité de produire et secréter des toxines qui sont de puissants poisons tissulaires pour notre corps). En troisième, elle a, nous l’avons vu, la capacité de résister aux antibiotiques. Enfin, en quatrième, elle est également résistante sur le plan physico-chimique et peut de ce fait persister longtemps et bien vivante dans l’environnement inerte.

Sachant tout cela, on comprend que le staphylocoque doré, qu’il soit SARM ou SASM, est une bactérie tout à fait redoutable. En milieu hospitalier, il se trouve sur le corps d’une proportion non négligeable de membres du personnel de soins (infirmières, médecins, kinésithérapeutes…) et de malades ; il se trouve également dans l’environnement inerte immédiat des malades avec une fréquence importante. Cette bactérie peut être transmise aux patients par les mains, les manches de blouse (les médecins s’évertuent à conserver des blouses à manches longues, ce qui est un danger sous-estimé), les matériels de soins (stéthoscopes, brassards…) et lors d’une infinité de circonstances. La question n’est pas tellement de savoir d’où vient la souche de staphylocoque doré qui a infecté tel ou tel patient, elle est de savoir pourquoi les règles d’asepsie sont aussi mal suivies en dépit de toutes les recommandations qui sont publiées par les sociétés d’experts et le pouvoir exécutif. Car c’est encore souvent le cas, malgré le caractère faussement rassurant des indicateurs officiels. Dans ces défaillances d’asepsie, les infirmières ne sont pas du tout les premières en cause, loin de là. Nous avons besoin d’un grand virage aseptique.

Quelles sont les solutions pour mieux la prendre en charge ? Qu'est-ce qui est fait pour la traiter le plus rapidement possible ? Que nous apprend cette étude à ce sujet ? 

Le mot hygiène a beaucoup perdu de son sens : il est galvaudé, dévoyé. Dans l’esprit commun, il a souvent acquis le sens de " propreté " ou de " désinfection ", ce qui est une grave erreur. L’hygiène n’est ni la propreté, ni la désinfection et elle n’a même pas grand-chose à voir avec l’une ni l’autre. Le socle de l’hygiène est l’asepsie, c’est-à-dire le fait de faire obstacle à la transmission des microorganismes lors des soins et autour des soins, en l’occurrence dans le sujet qui nous occupe des staphylocoques dorés. Les staphylocoques dorés sont essentiellement transmis aux malades par les mains (ongles, pulpes, phalanges), les poignets et les manches quand c’est le cas ; ils sont également transmis par les dispositifs médicaux stériles (matériels) qui ont été contaminés (fautes d’asepsie).

Les infections à SARM ou MRSA survenant en milieu hospitalier doivent être diagnostiquées rapidement, reconnues comme telles et traitées au plus vite par une association antibiotique dite probabiliste, mais non sans avoir au préalable effectué plusieurs prélèvements à visée bactériologique. L’efficacité de cette association antibiotique sera évaluée vers le troisième jour, en fonction de l’évolution des signes généraux (fièvre, état général) et locaux (rougeur, douleur…), ainsi que des résultats des examens à visée bactériologique. Il est heureusement rare que l’on soit dans une impasse thérapeutique réelle pour traiter une infection à SARM ou MRSA, car la grande majorité des souches de SARM ou MRSA restent heureusement sensibles à plusieurs antibiotiques puissants.

Cette étude est épidémiologique. Elle concerne la surveillance d’un grand nombre de personnes, tant en dehors des établissements de soins que dans les établissements de soins. Elle est focalisée sur le staphylocoque doré et particulièrement les souches résistantes à la méticilline (SARM ou MRSA). Elle a l’intérêt de porter sur un grand nombre de personnes en Angleterre et d’avoir recours aux méthodes modernes mais coûteuses de génotypage, c’est-à-dire d’identification exacte des souches ou clones de staphylocoque doré. Cette identification exacte permet de savoir si la souche A qui a infecté un malade X est la même ou non que la souche B qui a infecté un malade Y. Car, si A et B sont identiques, cela signifie très clairement qu’il y a eu une ou plusieurs défaillances d’asepsie dans l’unité de soins. C’est précisément la conclusion de cette étude qui prouve une fois de plus ce que l’on sait depuis longtemps, mais qui n’est pas agréable à lire ou à entendre : les mesures d’asepsie sont souvent défaillantes et permettent la circulation pourtant dangereuse des souches de SARM ou MRSA, mais c’est tout aussi dangereux avec celles de SASM ou MSSA. Cette étude a été menée en Angleterre, mais les Français n’ont pas vraiment de leçons à donner aux Anglais dans ce domaine. Quand amorcerons-nous enfin ce grand virage aseptique et l’instauration d’une véritable culture de sécurité de soins ?...

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