Impôts, retraites, Etat-providence, justice... : pauvres ou riches, qui paie vraiment la facture des grandes intentions généreuses ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les plus fragiles pourraient bien payer la facture de la politique de François Hollande.
Les plus fragiles pourraient bien payer la facture de la politique de François Hollande.
©Reuters

L'enfer en est pavé...

Lors de sa campagne, François Hollande avait mis l'accent sur la justice sociale. Paradoxalement, en matière de fiscalité, de retraite, d'Etat providence et de lutte contre la délinquance, les plus fragiles pourraient bien être les premières victimes de la politique du gouvernement.

Xavier Bebin - Philippe Crevel - Erwan le Noan

Xavier Bebin - Philippe Crevel - Erwan le Noan

Xavier Bebin est secrétaire-général de l'Institut pour la Justice, juriste et criminologue. Il est l'auteur de Quand la Justice crée l'insécurité (Fayard)

Philippe Crevel est secrétaire général du Cercle des Epargnants depuis 2004

Erwan Le Noan est le président d'une association qui prépare des lycéens de ZEP aux concours des Grandes écoles et à l'entrée dans l'enseignement supérieur. Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de commissions économiques gouvernementale et professionnelle. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences-po (IEP Paris). Il écrit sur www.toujourspluslibre.com


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Atlantico : En matière de fiscalité, de retraite, d’Etat providence ou de lutte contre la délinquance, François Hollande revendique agir au nom de la justice sociale. Cette approche vous semble-t-elle aujourd'hui faire ses preuves ? Qui au bout du compte est le plus mis à contribution ?

Philippe Crevel : Le président, François Hollande, par démagogie électorale, avait mis la priorité sur la justice sociale. Or la France est un des pays de l’OCDE où l’écart entre les 10 % les plus riches et les plus pauvres est le plus faible. Cet écart ne s’est pas, par ailleurs, accru ces dernières années. En outre, la France consacre le tiers de sa richesse nationale aux dépenses sociales. Cette redistribution concerne  les revenus des retraités, les dépenses de santé, les dépenses de solidarité, les dépenses d’aides aux logements ou la politique familiale… François Hollande est parti sciemment d’un mauvais diagnostic des problèmes de la France. Confronté à quarante ans de dérive des comptes publics, à quarante ans de keynésianisme mal appliqué, il semble paralysé face aux choix à réaliser. Depuis des années, les ajustements menés au fil de l’eau ont essentiellement touché les classes moyennes qui ont  comme principal défaut de constituer le gros de la masse des contribuables ne pouvant ni s’expatrier, ni recourir à des montages juridiques pour échapper aux taxes et impôts.

Les Français modestes souffrent surtout de la progression du chômage, des bas salaires, des emplois à temps partiel. Ils sont ghettoïsés du fait du ralentissement de l’ascenseur social et de leur dépendance aux prestations sociales. Les mécanismes d’exonération de charges sociales constituent une chape qui freine toute revalorisation de leur emploi et de leur rémunération. La dégradation de la crise les menace directement mais plus grave les solutions retenues risquent de les enfermer encore plus dans leur ghetto.

Xavier Bebin : Concernant la lutte contre la délinquance, la justice sociale consistait, pour François Hollande, à être aussi intransigeant contre la criminalité en col blanc que contre, je cite son discours au Bourget, « le petit caïd qui met son quartier sous coupe réglée ». Je ne sais pas pour la délinquance en col blanc (même si l’affaire Cahuzac peut rendre dubitatif), mais s’agissant de la criminalité violente, il est manifeste que les caïds n'ont pas été impressionnés par la politique pénale de Taubira, bien au contraire

Erwan Le Noan : La politique que mène le gouvernement depuis presque un an ne va pas du tout dans le sens de plus de justice sociale. On aurait d’ailleurs bien de la peine à trouver une réforme qui aide réellement les plus défavorisés. Depuis mai 2012, le gouvernement défend au mieux le statu quo, au pire le retour à un dogmatisme brouillon mêlant nivellement social et keynésianisme économique : il faut dépenser plus, avoir toujours plus d’égalitarisme inefficace et abstrait… Au final, rien ne bouge et les premières victimes en sont les Français les plus fragiles.

Pour promouvoir réellement la justice sociale, le gouvernement devrait engager des réformes structurelles d’ampleur, défendues d’ailleurs par des économistes de gauche (comme Alberto Alesina). Quelle est la meilleure garantie sociale, si ce n’est un emploi ? Or, le marché du travail est tellement rigide qu’il encourage le chômage. Quelle est la meilleure chance de réussir, si ce n’est une Ecole qui fonctionne ? Or, la politique de Vincent Peillon est édifiante : on vient, par exemple, de réimposer la carte scolaire, alors qu’elle enferme les élèves défavorisés dans des ghettos. Quelle est la plus grande opportunité d’améliorer le sort de tous, si ce n’est la croissance ? Or, la politique économique du gouvernement étouffe l’activité économique.

Lorsque François Hollande a été élu, j’avais écrit qu’il serait obligé de trahir ses promesses et engager une réforme de l’Etat Providence ou qu’il serait rapidement confronté à une énorme déception de l’opinion publique… On y est.

Impôts

  • Pierre Moscovici a confirmé une nouvelle hausse des impôts en 2014. Le taux des prélèvements obligatoires va battre le record national en 2013, et encore en 2014.  Les classes moyennes risquent d'être les premières concernées par ce nouvel effort.


Depuis le début du mandat de François Hollande, le poids de la fiscalité n'a cessé de croître. Quelles sont les principales catégories touchées pas ces hausses d’impôt successives ?

Erwan Le Noan : Dès l’été 2012, le gouvernement socialiste a fait voter une loi fiscale qui était assez claire à ce sujet : ce sont les ménages qui payaient l’essentiel de la facture. En réalité, ils en paient même l’intégralité puisqu’au final, c’est toujours le consommateur qui paie l’impôt, soit directement, soit indirectement parce que les entreprises l’impactent sur leurs prix.

Le débat sur les principales victimes du matraquage fiscal est complexe. Le gouvernement assurait que seuls les riches seraient touchés : c’est évidemment faux. D’abord parce que les augmentations d’impôts affectent beaucoup de monde. La pression fiscale a crû de tous les côtés : le gel du barème de l’impôt sur les revenus affecte des millions de personnes, les taxes à la consommation (bière, TVA, etc.) touchent tout le monde, la fiscalisation des heures supplémentaires réduit de nombreux salaires, etc. Ensuite il faut rappeler que la fameuse taxe à 75 % sur les très hauts revenus a été censurée (comme d’ailleurs d’autres, jugées confiscatoires).

Ce qui est certain, c’est que les plus riches ont tendance à quitter le pays, du fait de la hausse de la pression fiscale – et quand ils ne le font pas, ils ont les conseils juridiques et fiscaux nécessaires pour "optimiser" leurs impôts. Monsieur et Madame Toutlemonde, eux, n’ont pas ses ressources. Et ils paient !

Retraites

  • Les retraites complémentaires ont été désindexées de l'inflation sur une durée de cinq ans afin de réduire le déficit du régime des retraites. Les retraités sont-ils en train de payer le coût du retour de la retraite à 60 ans ?


En début de mandat, François Hollande a fait adopter le retour à la retraite à 60 ans. Quelle est le coût de cette mesure ?

Philippe Crevel : Le retour de l’âge de départ à la retraite à 60 ans n’a été que partiel. Il ne concerne que les actifs ayant commencé à travailler avant 20 ans. 140 000 personnes devraient être concernées sur un total de 800 000 départs à la retraite, sachant qu’une partie d’entre eux étaient déjà couverts par le dispositif de carrière longue. Le coût pour les régimes de retraite a été évalué à 1,1 milliard d’euros en 2013 et à 3 milliards d’euros en 2017.

Qui va devoir payer la facture ?

Philippe Crevel : Le retour partiel de l’âge de départ à la retraite est financé par une augmentation des cotisations retraite, employeurs et salariés, à hauteur de 0,5 point d’ici 2017. Cet alourdissement des charges intervient au moment même où la compétitivité des entreprises françaises est très fragilisée. Ce retour se paie tout à la fois par une diminution du pouvoir d’achat pour tous les salariés, aisés ou pas et par une dégradation du taux de marge des sociétés. Cette promesse inutile est encore plus coûteuse en termes de symbole. Elle a contribué  à bloquer pour plusieurs années le débat sur un report de l’âge légal à 65 ans, âge majoritairement retenu par nos partenaires économiques.  

Se dirige-t-on inéluctablement vers une baisse du montant des pensions ?

Philippe Crevel : En retenant le critère du taux de remplacement, montant de la pension par rapport au dernier salaire, nous pouvons considérer que le niveau des retraites a déjà engagé un processus de baisse. D’ici une vingtaine d’années, ce taux de remplacement perdra entre 10 et 20 points. Ce sont les cadres supérieurs qui seront les plus fortement impactés. Le calcul des droits sur les vingt-cinq meilleures années au lieu des dix meilleures et la désindexation par rapport aux salaires ainsi que la baisse du rendement es complémentaires expliquent ce mouvement. Certes, en valeur absolue, les pensions ne baissent pas car les générations partant à la retraite ont eu de meilleures carrières que leurs aînés et tout particulièrement en ce qui concerne les femmes. En revanche, en retenant que les pensions touchées par les hommes, une stagnation voire une légère baisse est constatée.

Les réformes mises en œuvre se veulent indolores à court terme mais aboutissent  à une réduction des pensions. En ne jouant pas sur le nombre de bénéficiaires, par définition, les pouvoirs publics optent pour une diminution des pensions des retraités. La durée de la retraite a progressé de 10 ans depuis 1950 et dans le même temps, la durée de la vie professionnelle s’est raccourcie de 8 ans. A défaut de jouer sur le curseur de l’âge de départ, ce sont les retraités qui trinqueront.  Ce sont les cadres moyens qui sont les plus touchés par la forte réduction du rendement des complémentaires et en premier lieu de l’Agirc.  

Les retraites complémentaires ont été désindexées de l'inflation sur une durée de cinq ans afin de réduire le déficit du régime des retraites. Cette mesure pourrait-elle être élargie au régime général ? Les retraités sont-ils en train de payer le refus de décaler l'âge de départ à la retraite ?

Philippe Crevel : La mesure de désindexation revient à instaurer une réduction implicite des pensions complémentaires qui assurent notamment plus de 60 % des revenus des retraités cadres. Son élargissement au régime de base pénaliserait tous les retraités mais frapperait plus durement ceux ayant des petites pensions. Le choix est simple, faut-il maintenir le niveau des pensions en augmentant la période d’activité ou les diminuer tout en laissant l’âge de départ à 62 voire à 60 ans ?

Le Gouvernement semble avoir fait le choix de l’appauvrissement. Il faut bien avoir à l’esprit que selon le Conseil d’Orientation des Retraites que si l’âge de départ à la retraite était de 63 ans, les régimes de retraite pourraient passer le cap de 2017. A 66 ans, celui de 2030 serait également surmonté. Certes, en période de crise, n’est-il pas idiot de maintenir des actifs qui veulent partir à la retraite pour faciliter l’embauche de sans-emplois ? Le marché du travail n’est pas un marché de fluides parfait. Si les départs à la retraite étaient la solution au problème du chômage, la France devrait l’avoir réglé de longue date. Ce sont les pays qui ont le taux d’emploi des seniors le plus élevé qui ont les meilleures performances économiques et qui ont le taux de chômage des jeunes le plus faible.

La bataille des retraites passe par la dynamisation de l’économie et non par son étiolement. Il ne faut pas se tromper de cible une fois de plus. En refusant de débattre sur l’âge de départ, le Gouvernement risque de faire payer la facture aux retraités mais aussi à l’ensemble de l’économie. Certes, les pouvoirs publics peuvent biaiser en allongeant la durée de cotisation. Actuellement fixée à 41,5 années, elle pourrait à terme être portée à 43 ans pour les générations nées après 1962. L’impact de l’allongement de la durée de cotisation est pardéfinition plus diffus. D’ici 2017, il ne rapporterait que  deux milliards d’euros selon le COR, soit beaucoup moins qu’un passage à 63 ans de l’âge légal. Face à la question du financement des retraites, il serait bon que le Gouvernement n’ait pas de tabou et de parti pris afin de pouvoir élaborer la moins mauvaise des  solutions même si cela doit se faire en renonçant à une promesse.

État providence

  • Selon un sondage CSA/20 minutes, 75% des Français considèrent qu’eux-mêmes ou l’un de leurs proches pourraient tomber dans la précarité et si cela venait à arriver, 58% d’entre eux se tourneraient en priorité vers leur famille plutôt que les institutions étatiques...


Une redistribution des allocations familiales des plus aisés vers les plus précaires serait à l'étude, tout comme un plafonnement à partir d'un certain niveau de salaire. Là encore, les classes moyennes vont-elle être les premières concernées par ce nouvel effort ?

Erwan Le Noan : Le rapport Fragonard qui a été remis au gouvernement envisageait des pistes. Certaines ont été discutées, mais rien ne semble tranché. On ne sait même pas vraiment pourquoi on réforme : pour avoir une meilleure redistribution ? Ou pour faire des économies ?

On peut comprendre que le gouvernement veuille suivre l’une de ses pistes, soit pour défendre sa vision de la société, soit pour essayer de dépenser moins. Le problème, c’est que s’il s’engage sur cette voie, alors il faut aussi baisser la fiscalité. On ne peut pas dire toujours aux mêmes : d’un côté, on va sucrer vos aides et de l’autre on va continuer d’augmenter vos impôts. Ce n’est pas de l’austérité, c’est de l’assassinat fiscal. La vraie politique de rigueur devrait porter sur l’Etat, pas sur les Français !

Des recettes jusqu’ici dévolues à la branche famille sont allouées à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), le risque n’est-il pas de creuser la dette et de fragiliser à terme la politique familiale ?

Erwan Le Noan : Tout cela, c’est de la cuisine budgétaire. Le système social Français n’a plus d’argent. L’Etat non plus. Alors on fait les fonds de tiroirs et tout centime est bon à prendre. Il n’y a aucune vision derrière toutes ces mesures. La politique française est une succession de comptes d’apothicaires. On pourrait avoir des projets différents à défendre, avec la fiscalité qui en découle. Aujourd’hui, ce n’est vraiment pas le cas. Il est urgent de repolitiser l’impôt.

L’Etat providence protège-t-il toujours les plus fragiles ? Les classes moyennes sont-elles les grands perdants de l’Etat providence ? Peuvent-elles encore être mises à contribution ?

Erwan Le Noan : L’Etat Providence aujourd’hui ne protège pas les plus fragiles : il protège les rentiers, ceux qui ont déjà toutes les garanties. Aujourd’hui, on ne fait rien pour changer cela. On augmente les privilèges de l’Education nationale ; on dépense toujours plus pour la fonction publique ; on laisse vivoter les syndicats ; on ne touche pas aux professions réglementées ; on augmente le SMIC, élevant la barrière à l’entrée sur le marché du travail… Rien de tout cela n’aide les plus fragiles, mais pire, ça leur nuit.

La France est obsédée par une lutte contre « les riches » et les inégalités, alors qu’elle devrait lutter contre les rentes. Monter très haut dans l’échelle sociale, si on le mérite, c’est normal. Par contre, bénéficier d’un emploi protégé, avec un temps de travail réduit et une retraite hyper favorable, le tout aux frais des contribuables et en s’opposant à ce que cela change, ce n’est pas acceptable ni collectivement efficace. La société française est pleine de rentiers qui se battent contre toutes les atteintes à leurs privilèges, tout en les faisant financer par la collectivité !

Les classes moyennes seront perdantes si rien ne change. Le système prend l’eau. Les issues sont limitées : la faillite est droit devant nous. Il y a fort à parier que, si l’Etat ne se réforme pas, les services vont se dégrader. Ceux qui pourront payer se tourneront vers le privé (dans l’éducation, dans la santé), les autres subiront un service public sous performant et toujours plus coûteux… Les plus riches continueront d’optimiser leur fiscalité, les plus pauvres ne pourront pas payer : les classes moyennes seront inévitablement les premières à mettre la main au portefeuille. Il suffit de voir les propositions de réformes des allocations familiales : comme on ne peut plus les financer, on les supprime… tout en maintenant la fiscalité élevée sur les classes moyennes ! Or, vu le niveau actuel de la fiscalité, une hausse supplémentaire va les achever !

Celui-ci ne devrait-il pas être réformé plutôt que préservé à tout prix ? Comment ?

Erwan Le Noan : Evidemment ! Ce n’est même pas une option : c’est une obligation. L’immobilisme actuel est la plus sure voie vers une France à deux vitesses (l’une de services privés efficaces choisis, pour les plus riches, l’autre de services publics inefficaces, subis, pour les plus défavorisés).

Une piste intéressante, c’est le libre choix. Il suffirait, par exemple, de dire que désormais les familles pourront envoyer leurs enfants dans l’école qu’elles veulent pour qu’elles fuient les établissements sinistrés et que ceux-ci soient contraints à se réformer ou à fermer. Cette mise en concurrence peut se faire avec le privé, mais aussi au sein même du secteur public. Aux Etats-Unis, la création d’écoles publiques totalement autonomes (« charters schools ») guidées par la performance a si bien marché que les écoles privées perdent des élèves ! Cette logique est à l’œuvre dans de nombreux pays, y compris très "sociaux" comme les pays nordiques, depuis des années !

Ce qui importe, ce n’est pas la nature de l’institution qui fournit le service (privée ou publique) mais la qualité du service qui est fourni et son rapport qualité prix. Le changement devrait d’ailleurs être couplé à une réforme structurelle de baisse des coûts dans le secteur public : révision du statut de la fonction publique, baisse de la dépense. La France vit à crédit depuis 40 ans… 

Justice :

  • La nouvelle ministre de la Justice souhaite privilégier le prévention sur la répression pour lutter contre la délinquance. Pas sûr que les bons sentiments de Christiane Taubira suffisent à protéger les habitants des quartiers populaires de plus en plus démunis face à la montée des violences.


Lors de son arrivée au ministère de la Justice, Christiane Taubira a affirmé sa volonté de rompre avec la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy. Quel bilan faites-vous de la première année de la Garde des Sceaux ?

Xavier Bebin : La principale décision prise par Christiane Taubira, purement idéologique, a été de supprimer le programme de construction de prison voté par la majorité précédente. Cela, alors que la France compte 67 000 détenus pour 57 000 places, et que plus de 20 000 peines de prison restent inexécutée chaque année, faute de places de prison. Un choix catastrophique, car il  ne lui reste désormais que deux solutions antinomiques : soit aggraver la surpopulation carcérale, soit renforcer l'impunité des délinquants en multipliant les peines non effectuées. C’est d’ailleurs cette seconde voie qui a été choisie, au mépris de la sécurité des Français. Sa circulaire de politique pénale rend le recours à la prison encore plus rare qu’il ne l’est déjà (seul 1 délinquant sur 10 déféré devant la Justice est condamné à de la prison ferme).  Et les réformes qu’elles annoncent vont dans la même veine : suppression des peines plancher, suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, suppression de la rétention de sûreté.

Mme Taubira a confirmé qu'elle allait restreindre l'usage "des peines planchers", instaurées en 2007 pour les récidivistes. Diriez-vous qu’il y a un lien entre les intentions de Christiane Taubira en matière de politique pénale et l’augmentation des chiffres de la délinquance ?

Xavier Bebin : Ce qui est sûr, c’est que la criminalité va effectivement exploser si Christiane Taubira va jusqu’au bout de sa politique de « déflation carcérale ». Il suffit de se souvenir de ce qui s'est produit en 1981 : Robert Badinter, contre la surpopulation carcérale, avait décidé de libérer 5 000 détenus « courtes peines ». Résultat : la criminalité a augmenté de 20 % en un an, un record ! Et ce ne sont pas seulement les petites infractions qui se sont envolées : les homicides ont cru de 15 % et les viols de 13 %. Voilà ce à quoi l’on risque d’être confronté dans les quatre ans qui viennent si si François Hollande laisse agir l’actuelle garde des Sceaux. 

Doit-on lui imputer une part de responsabilité dans l’évasion de Redoine Faïd ?

Xavier Bebin : Oui, mais à égalité avec la majorité précédente, qui a voté la fameuse « loi Dati », directement responsable de cette évasion. Car cette loi a interdit les surveillants de fouiller intégralement et systématiquement les détenus à l’issu des parloirs. Désormais, il faut avoir de bonnes raisons de penser que le détenu pourrait cacher quelque chose pour avoir le droit de le fouiller. Ce qui est un système absurde et irresponsable : il suffit au caïd très surveillé de faire pression sur des détenus moins suspects pour qu’ils fassent passer des objets dangereux au parloir.

La gauche tend à faire le lien entre délinquance et pauvreté. Qu’en est-il réellement ?

Xavier Bebin : Ce qui est certain, c’est que l’évolution à la hausse ou à la baisse de la pauvreté et du chômage n’influe en rien sur la criminalité. Regardez le Vénézuela sous Hugo Chavez : de 1998 à aujourd’hui, la pauvreté a été divisée par 2, mais le nombre d’homicides a été multiplié par 3… Regardez la période 1998-2002, où les atteintes aux personnes et aux biens se sont envolées alors que le chômage ne cessait de reculer.

A l’inverse, il est évident que les victimes de l’insécurité sont beaucoup plus souvent les classes populaires que les résidents du 6ème arrondissement de Paris. Un sondage de l’INSEE datant de 2006 avait montré que les habitants des quartiers modestes étaient deux fois plus nombreux à souffrir de l’insécurité que les habitants des quartiers plus aisés (35 % contre 14 %).

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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