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Immigration : les chefs d’entreprises n’ont jamais milité pour une immigration débridée
©Joël Saget / AFP

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Les chefs d’entreprises sont furieux d’être mis en cause dans le débat sur l'immigration, accusés d’utiliser des sans-papiers en les payant très mal. Dans la quasi-totalité des cas, c’est inexact, et tous réclament au contraire que l’administration assume une politique de régulation

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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« L'immigration choisie, comme au Canada, au Danemark ou en Suède, ou au minimum régulée en fonction de la capacité du système français à assimiler les candidats à l'immigration », voilà ce qu'on entend dans le monde patronal, où beaucoup sont profondément agacés d’être soupçonnés de se féliciter en secret d’une immigration clandestine qui leur permettrait d’avoir une main-d’œuvre à bas prix et de tirer les salaires vers le bas. 

Dans la grande majorité des cas, les responsables professionnels s’inscrivent en faux contre ces allégations. Ce qui n’empêche pas une partie de la politique de rejeter la responsabilité des vagues d'immigrés illégaux ou clandestins sur les chefs d’entreprise. Le problème est assez compliqué à résoudre parce que les chiffres sont brouillés, et personne ne dit la vérité, notamment du côté de l'administration.

Les seuls chiffres sur lesquels tout le monde ou presque est d’accord, c’est le nombre global d’immigrés ou d’étrangers en France. Les derniers chiffres INSEE datent de 2022 ; il y aurait 7 millions d’immigrés vivant en France, soit 10,3%. Le tiers (35%) aurait acquis la nationalité française, soit 2,5 millions. Les autres vivent avec des visas, des titres de séjour, ou carrément sans papiers français, mais tous ont droit à l’aide médicale (une carte verte). Ces immigrés sont seuls ou accompagnés dans le cadre des autorisations de regroupement familial.

La situation des étrangers est très crispante parce qu’ils ont évidemment besoin de se loger et de travailler. Ceux qui ont un titre de séjour peuvent être sous contrôle, mais les autres n’existent pas pour l'administration sauf s’ils travaillent. Où la situation est assez ubuesque , c’est que pour obtenir les papiers titre de séjour, les immigrés doivent pouvoir prouver qu'ils ont un travail et un logement. Mais pour avoir normalement un travail ou un logement, ils doivent présenter des papiers. Donc présentées comme cela, leur situation est invraisemblable. Dans la réalité, les entreprises peuvent employer des sans-papiers, mais doivent leur donner des feuilles de paie et payer les URSSAF. Les immigrés peuvent ainsi espérer entrer sur le chemin de la régularisation. Combien sont-ils chaque année… entre 100 et 150 000. C’est très flou.

Alors, on peut certes penser que des entreprises emploient des travailleurs sans papiers et les paient au noir, sans les déclarer. Dans ce cas, on peut penser que le marché tire vers le bas le niveau des salaires. Mais tout le monde se met en risque dans une telle combinaison à commencer par l'entreprise qui joue tres gros.

La vérité, c’est que la quasi-totalité des travailleurs sans papiers ne sont pas clandestins parce que déclarés. La vérité est qu'ils travaillent dans des secteurs en tension, c’est-à-dire des secteurs où il y a très peu de candidats français parce que les tâches sont difficiles, fatigantes et ingrates. Dans la restauration et notamment à la cuisine ou à l'arrière-cuisine, dans les services de nettoyage, de la voirie, des bureaux, dans les aides à la personne, personnes âgées ou handicapées, dans le tourisme, le bâtiment, l’agriculture...

Le pourcentage de travailleurs immigrés varie entre 30 et 60% des actifs employés selon les secteurs entiers. Ils font des métiers que les Français ne veulent plus faire. Alors ces chiffres sont importants parce qu’ils indiquent que si demain, on pratiquait l’immigration zéro avec renvoi de tous les travailleurs immigrés non régularisés, des secteurs entiers de l'économie s’arrêteraient. L'économie française perdrait beaucoup de ceux qui sont en première ligne et qui font marcher le système. Les chefs d’entreprises sont parfaitement conscients de ce piège que les partis politiques ne veulent pas prendre en compte. Plus grave encore, ils savent qu'ils ne pourraient pas remplacer les immigrés.

Cela étant, l'économie française n’est pas formatée pour intégrer les vagues d'immigrés illégaux qui déferlent chaque année. 

Ce que les chefs d’entreprises préconisent relève du bon sens : 

Il faut ,non pas arrêter le flux, mais le réguler en fonction des besoins en quantité et en qualité, comme le font beaucoup d’autres pays. Il faut donc renforcer les procédures d'intégration et les simplifier. Il faut réguler au départ des pays étrangers à l'échelle de l'ambassade ou des consulats sur la base des accords diplomatiques avec les pays d'origine. Actuellement, les ambassades ne sont pas équipées pour délivrer ces visas, et les accords avec les pays ne sont pas négociés en fonction des besoins français, mais en fonction de considérations politiques circonstancielles. C’est le cas avec les pays du Maghreb (Algerie surtout) ou des pays de l’Afrique sub-saharienne. Il faudra aussi et sans doute modifier la constitution pour s’affranchir de certains engagements européens sur la protection des droits de l'homme. Ces engagements nous empêchent actuellement de renvoyer des immigrés qui ne respectent pas le droit français dans leur pays.

Les derniers chiffres recensés par l'INSEE confirment ce que l'opinion publique ressent ; la population immigrée en France est l'une des plus importantes de l'Europe. En 2022, cette population a dépassé les 10,3% de la population entière. L'évolution annuelle n’est pas régulière. Elle a progressé rapidement jusqu'en 1975, pour se stabiliser jusqu’en 1990, pour rebondir à partir des années 2000 où le nombre d'immigrés a crû plus rapidement que la population, ce qui est encore le cas aujourd'hui. Pour information, jusqu'en 1970, les immigrés étaient uniquement des hommes. En 1974, on va favoriser le regroupement familial. En 2022, 51% des immigrés sont des femmes. Cette population née hors de France vient à 41% d’Afrique (Algérie et Maroc surtout, mais pas que), elle vient à 32% d’Europe (Espagne et Italie), d’Asie (12%), d’Amérique et d’Océanie (6%).

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