Immigration : le gros raté de la méthode Darmanin<!-- --> | Atlantico.fr
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La motion de rejet sur la loi immigration a été adoptée de justesse à l'Assemblée lundi 11 décembre
La motion de rejet sur la loi immigration a été adoptée de justesse à l'Assemblée lundi 11 décembre
©Photo AFP

Échec

Le vote, par 270 voix contre 265, de la motion de rejet du projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » constitue ce que Gérald Darmanin a lui-même qualifié d’« échec » sur TF1, un gros raté pour sa méthode : le ministre de l’Intérieur se faisait fort de concilier les exigences de la droite parlementaire LR avec celles de l’aile gauche de la macronie sur la délicate question de l’immigration.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Ce scrutin qui a vu toutes les oppositions, de l’extrême-gauche à l’extrême droite, ainsi qu’une partie de Républicains, se liguer contre le projet du gouvernement, a jeté une lumière crue sur la réalité politique française à savoir que la majorité (relative) est (très) minoritaire ; autrement dit, il est impossible au gouvernement d’obtenir des votes favorables sur des textes importants sans passage en force ( limités à un texte par session) ; seule l’utilisation de l’article 49.3 (- un vote par défaut), permet de contourner l’obstacle pour les votes budgétaires. 

Il ne s’en est fallu que de cinq voix, (une députée Renaissance dont le vol pour Paris était en retard comptait notamment parmi les cinq absents de son groupe ; deux délégations de vote ont été refusées par l’assemblée), mais cela a suffi pour faire adopter la motion de rejet du texte. C’est le vote de quarante députés LR sur 62 qui a fait pencher la balance en faveur du rejet. Ils ont joint leurs voix à celles du RN qui reproche au gouvernement de « subventionner les associations immigrationnistes », et à celles des communistes dont l’oratrice  Elsa Faucillon  a déclaré : « nous ne voulons pas d’une loi qui s’inscrit dans une logique sécuritaire, … qui tourne le dos à notre hospitalité ».

Le ministre de l’Intérieur avait pourtant multiplié les rencontres et les gestes vis-à-vis des députés Républicains. « Vous ne pouvez pas ne pas voter ce texte », glissait-il à ses interlocuteurs reçus Place Beauvau, après avoir tenté de leur démontrer que ce texte correspond à leurs aspirations sécuritaires et que la régularisation des immigrés sans papiers dans les métiers en tension est indispensable pour l’économie. Ces dernières temps ses détracteurs raillaient : « une brigade de gendarmerie, une voix ». Traduire : on va installer une nouvelle brigade dans votre circonscription, alors votez pour le texte. Gérald Darmanin a eu beau alerter qu’en refusant de débattre , les députés LR priveraient le gouvernement de la possibilité d’expulser les immigrés délinquants arrivés sur le sol français avant l’âge de 13 ans (-disposition votée par le Sénat) ; il a promis qu’une loi réformant l’Aide Médicale d’Etat ( supprimée par le Sénat mais rétablie par la commission des Lois à l‘Assemblée), serait présentée en janvier, rien n’y a fait. Il y avait trop de marge entre le texte issu du Sénat qui l’avait considérablement durci - revendiqué par LR, et celui, remanié par la Commission des Lois à l’Assemblée qui l’avait détricoté pour revenir à un texte plus proche du projet originel. Le débat s’annonçait difficile. Les députés de l’opposition ont préféré l’esquiver. Les allers-retours en commissions entre l’Assemblée et le Sénat, la « cuisine parlementaire » laissant la porte ouverte à un compromis, c’est un texte plus conforme à celui issu du Sénat qui risque d’être adopté au final …Impossible aujourd’hui de pronostiquer qui sortira vainqueur de ce jeu de massacre parlementaire. Une motion de rejet qui sonne comme un prélude à une motion de censure qui cette fois, serait votée…

Dans la foulée de cet échec, Gérald Darmanin a présenté sa démission à Emmanuel Macron qui l’a refusée et l’a confirmé dans ses fonctions.  Sur TF1, le Ministre de l’Intérieur, dénoncé l’« alliance des contraires des LR, du RN, de la Nupes…les politicailleries », et il a accusé «LR d’être devenu « la béquille du R N ». Les Républicains ne lui pardonnent pas son passage dans le camp d’Emmanuel Macron dont il est devenu une pièce maitresse de l’aile droite. Un mauvais point pour celui qui aspirait à succéder à Elizabeth Borne au moment du remaniement de juillet 2022. Se revendiquant toujours de droite, mais de droite sociale, il cohabite difficilement avec l’aile gauche composée d’anciens PS, comme le président de la commission des Lois Sacha Houlié. Gérald Darmanin qui revendique ses origines populaires ,  et de ne pas appartenir à la technostructure, (-sous-entendu macroniste), se distingue en réclamant plus de considération pour les « gens ordinaires qui n'ont pas de résidence secondaire, pas de portefeuilles d'actions, pas les moyens de déjouer la carte scolaire…, une majorité silencieuse qui a l'impression de payer sans jamais être aidée », comme il l’avait déclaré à la fin de l’été dans sa ville de  Tourcoing. C’était devant Elizabeth Borne, venue tempérer sa fougue sur ordre d’Emmanuel Macron qui lui tient la bride serrée. Aujourd’hui le Ministre de l’Intérieur est « remonté sur son cheval », comme disait Jacques Chirac . Pour combien de temps ? 

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