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Hausse des prix de l’énergie : pauvres ou riches, qui en pâtit le plus ? La réponse est plus compliquée qu’il n’y parait
©©Ina FASSBENDER / AFP

Inégalités

Selon une étude menée au sein de 24 pays européens par Tim Bulman et Helene Blake, économistes à l'OCDE, les ménages à faibles revenus pourraient ne pas être les plus touchés par la hausse des prix de l'énergie

Tim Bulman

Tim Bulman

Tim Bulman est économiste à l'OCDE

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Helene Blake

Helene Blake

Helene Blake est économiste à l'OCDE

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Atlantico : Le 10 mai dernier, vous avez publié une étude intitulée "Surging energy prices are hitting everyone, but which households are more exposed ?" Contrairement aux idées reçues, vous analysez que les ménages à faibles revenus ne sont pas les plus touchés par la hausse des prix de l'énergie. Est-ce le cas dans tous les pays européens ? Pourquoi ne sont-ils pas les plus touchés ? 

Tim Bulman, Helene Blake : L'histoire est nuancée. Globalement, en moyenne dans les 24 pays de l'Union européenne que nous avons étudiés, la perte de revenus réels est plus importante en part des dépenses globales pour les ménages à faibles revenus que pour les ménages à revenus plus élevés. Les résultats varient d'un pays à l'autre. C'est le cas dans 13 des 24 pays, mais dans les 11 autres pays, l'augmentation des dépenses des ménages à revenus élevés est plus importante par rapport à leur budget que pour les ménages à faibles revenus.

La différence entre les pays dépend de la part des dépenses totales que les différents ménages allouent à l'énergie du logement et au carburant pour le transport. Elle dépend également de l'ampleur de la hausse des prix des différents types d'énergie dans le pays concerné. Dans les pays où les ménages à hauts revenus ont subi une perte relative de revenu réel plus importante que les ménages à faibles revenus, les ménages à hauts revenus consacrent une part beaucoup plus importante de leur budget total au transport, et les prix des carburants pour le transport ont augmenté davantage que les prix de l'énergie domestique. C'est le cas dans des pays comme la Roumanie, la Bulgarie ou la République tchèque par exemple.

Qu'en est-il de la France ? Les aides publiques ont-elles atténué cette hausse pour les ménages à faibles revenus ? 

Un premier point important est que la France a, jusqu'à présent, enregistré l'une des plus faibles pertes de pouvoir d'achat réel des ménages en raison de la hausse des coûts de l'énergie domestique parmi tous les pays que nous avons étudiés.

En France, la perte de pouvoir d'achat réel a été plus importante pour les ménages à faibles revenus car ils consacrent une part beaucoup plus élevée de leur budget total à l'énergie domestique, et ces coûts ont augmenté de 24%.

Les aides publiques ont atténué une partie de cet impact. Notre analyse en tient compte lorsque l'aide a limité la hausse des prix, par exemple par des réductions de la TVA ou des taux d'accises, mais elle ne tient pas compte des remises sur les dépenses ou des transferts de revenus supplémentaires.

En France, on parle d'une fracture entre la France urbaine et la France dite périphérique, c'est-à-dire les banlieues. La hausse des prix de l'énergie va-t-elle exacerber ce clivage ? L'usage de la voiture pèse-t-il dans cette balance ? 

En France, comme dans la plupart des autres pays européens, les dépenses des ménages varient considérablement en fonction de leur lieu de résidence.

Pour le coût des carburants de transport, les habitants des zones rurales dépensent une part plus importante de leur budget total, les habitants des petites villes une part un peu plus faible et les citadins la part la plus faible des budgets. En revanche, les ménages consacrent une part similaire de leur budget aux transports, quel que soit leur revenu.

Les dépenses en énergie domestique varient également en fonction du lieu de résidence des ménages français, avec la même tendance à ce que les habitants des zones rurales dépensent les parts les plus élevées et les citadins les plus faibles.

Si l'on combine ces deux effets, la flambée actuelle des prix de l'énergie est celle qui réduit le plus le pouvoir d'achat des ménages ruraux, accentuant ainsi la fracture géographique.

À long terme, les ménages européens devront-ils adapter leur consommation d'énergie pour éviter des fluctuations telles que celle que nous connaissons ? Les riches et les pauvres sont-ils également équipés pour la transition écologique ? 

Au cours des prochaines années, les ménages, les entreprises et les gouvernements du monde entier seront confrontés à l'énorme défi de faire passer notre consommation d'énergie des combustibles à base de carbone, qui émettent des gaz à effet de serre, à des sources d'énergie renouvelables à émissions nettes nulles.

La flambée actuelle des prix de l'énergie rend cette transition encore plus urgente. Les bâtiments sont de gros consommateurs d'énergie, et leur rénovation pour améliorer leur efficacité énergétique est l'un des moyens les plus rentables de réduire à la fois les coûts énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre. En raison du manque de financement, les ménages les plus pauvres et les entreprises à court de liquidités ont particulièrement besoin de soutien pour financer et organiser ces rénovations. Des prêts ciblés et des instruments de financement tels que la possibilité pour les ménages de rembourser le coût de la rénovation grâce aux économies réalisées sur leurs factures d'énergie seront nécessaires.

La réduction de la dépendance des ménages à l'égard de leur voiture personnelle, par des mesures allant de l'amélioration des transports publics au développement du télétravail, du covoiturage et d'une meilleure planification urbaine, réduira l'exposition des ménages à la hausse des prix du carburant et améliorera l'environnement pour tous.

En revanche, les mesures qui subventionnent les prix de l'énergie n'incitent pas à économiser sur la consommation aujourd'hui ou à améliorer l'efficacité à plus long terme. Dans le même temps, elles imposent des coûts importants aux finances publiques.

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