Guillaume Klossa : “L’Europe doit revitaliser son récit civilisationnel… et c’est à portée de main”<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président et fondateur du think-tank EuropaNova, Guillaume Klossa pose le 19 juin 2012 à Paris
Le président et fondateur du think-tank EuropaNova, Guillaume Klossa pose le 19 juin 2012 à Paris
©JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Fierté européenne

Auteur d’essais et de récits remarqués comme "Une jeunesse européenne" (Grasset), arpenteur de l’Europe dans toute sa diversité, ancien directeur de l’Union européenne de Radiotélévision qui organise l’Eurovision et créateur du think tank européen de référence EuropaNova, Guillaume Klossa signera ce 4 juin à 17h en présence de Clément Beaune, ministre des Affaires européennes, son nouvel essai à la Libraire Les Cahiers de Colette, 23 rue de Rambuteau, 75004 Paris. "Fierté européenne, manifeste pour une civilisation d’avenir" (édition Télémaque) est préfacée par Jean-Claude Juncker et commenté par Pierre Haski et Roberto Saviano.

Guillaume Klossa

Guillaume Klossa

Penseur et acteur du projet européen, dirigeant et essayiste, Guillaume Klossa a fondé le think tank européen EuropaNova, le programme des « European Young Leaders » et dirigé l’Union européenne de Radiotélévision / eurovision. Proche du président Juncker, il a été conseiller spécial chargé de l’intelligence artificielle du vice-président Commission européenne Andrus Ansip après avoir été conseiller de Jean-Pierre Jouyet durant la dernière présidence française de l’Union européenne et sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe (Conseil européen) pendant la dernière grande crise économique et financière. Il est coprésident du mouvement civique transnational Civico Europa à l’origine de l’appel du 9 mai 2016 pour une Renaissance européenne et de la consultation WeEuropeans (38 millions de citoyens touchés dans 27 pays et en 25 langues). Il enseigne ou a enseigné à Sciences-Po Paris, au Collège d’Europe, à HEC et à l’ENA.

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Atlantico : Vous publiez un essai particulièrement stimulant intitulé : "Fierté européenne. Manifeste pour une civilisation européenne d’avenir" aux éditions Télémaque. Dans lequel vous constatez que la période 2016-2022 est une période pivot, l’occasion d’un tournant historique majeur pour l’Union européenne. Quels sont les crises majeures et événements marquants de cette période ?

Guillaume Klossa : En cinq ans, l’Union européenne a dû faire face aux trois plus graves crises de son histoire, le Brexit, la Grande pandémie et la guerre aux frontières de l’Union. Chacune de ces crises auraient pu lui être fatale. Et à chaque fois, elle a trouvé des sorties de crise par le haut.

Le Brexit d’abord. On oublie combien les Brexiters avaient fait le pari que l’Union s’effondrerait comme un château de cartes tant elle était supposée être un projet technocratique. Ils étaient certains que d’autres référendums suivraient à commencer par le Danemark ou la Hongrie et que l’époque était à la division des Européens. C’était une erreur fondamentale. Le premier ministre hongrois Viktor Orban, dont on connaît la critique de l’Europe, a expliqué à plusieurs reprises qu’il était hors de question que son pays sorte de l’Europe. Les Danois, le peuple sans doute le plus réticent à la construction européenne, viennent de décider par référendum qu’ils rejoindraient la défense européenne.

La grande pandémie ensuite. Au début de la crise du Covid, il y a eu un sentiment de cacophonie et, Jacques Delors l’a souligné dans les premiers jours de la crise, un risque d’explosion de l’Union du fait d’un manque de solidarité entre Etats-membres. Un sorte de sursaut miraculeux a eu lieu et l’Union s’est mise en ordre de marche pour produire des biens communs non prévus par les traités. Tout a ainsi été fait pour éviter que la crise sanitaire s’accompagne d’une crise économique et sociale et d’un retour au chômage de masse que l’on avait connu lors de la crise économique et financière de 2008-2012. Tout a également été fait pour accélérer la recherche sur les vaccins et leur mise à disposition pour tous les citoyens européens. Dans les deux cas, la réaction aura été au final bien plus efficace que celle des États-Unis d’Amérique qui sont pourtant une fédération.

La guerre en Ukraine enfin. Il y a à cette occasion prise de conscience, grâce notamment au président Zelensky qui l’a expliqué devant le Parlement européen et devant les Parlements des Etats-membres, que l’Union européenne est bien plus qu’un projet technocratique, que c’est d’abord un projet politique et civilisationnel d’avenir, au demeurant extrêmement attractif. Il a également expliqué que les fondamentaux du projet politique européen, à savoir la paix, la prospérité partagée et la démocratie, restent plus que jamais d’actualité.

En 5 ans, les Européens ont fait preuve d’un niveau d’unité, de solidarité mais aussi d’audace complètement inattendu. Peut-être aussi parce qu’ils ont pris conscience que dans la nouvelle donne géopolitique mondiale, ils avaient de moins en moins d’alliés et que l’effet de taille était déterminant. Ils ont aussi pris conscience que le modèle européen n’était pas ringard, bien au contraire. Pour s’en convaincre, il suffit de voir dans les eurobaromètres le niveau record d’attachement à l’idée européenne des citoyens de l’Union, avec, il est vrai, une exception française où ce niveau est plus bas.

Vous écrivez que l’Union européenne fait preuve d’une incroyable résilience depuis vingt ans et que de la crise des dettes souveraines en passant par le Covid ou le Brexit, contre toute attente la construction politique européenne a résisté? A quoi l’attribuez-vous ?

Ce qui est certain, c’est l’Union a vécu près d’une dizaine de crises majeures depuis le début du millénaire et que chacune de ces crises aurait dû ou pu soit mener à l’effondrement, soit à l’inertie. L’URSS a vécu une grande crise et s’est effondrée comme un château de cartes. Or l’Europe a résisté. Si on regarde les analyses d’opinion, c’est que les peuples, les opinions profondes, ont été toujours été favorables au projet européen. Ils ont pu trouver qu’il était trop économique, pas assez démocratique, ce qui était vrai et le reste en partie, mais ont finalement soutenu ce projet. Lors des trois dernières crises, les opinions publiques étaient favorables à l’unité européenne face aux Britanniques, à la solidarité sanitaire et budgétaire à l’occasion de la pandémie ou encore au soutien à l’Ukraine alors que les dirigeants des Etats-membres étaient souvent beaucoup plus réservés ou divisés. Il y a une sorte de leadership citoyen dans l’Union, en avance sur le leadership politique, et c’est sans doute un des secrets de la résilience européenne.

Comment être sûr que l’UE ne serait pas une construction débout mais vermoulue, un peu a l’image de l’URSS dont personne n’attendait la chute ?

La vérité, c’est que l’Union n’a pas arrêté de changer depuis quinze ans. Elle s’est démocratisée. Avec le départ du Royaume-Uni, elle s’est libérée de son mantra ultra-libéral qui l’étouffait. Elle a mis entre parenthèse les critères de Maastricht, elle a emprunté massivement au profit des pays les plus fragilisés par la pandémie, à savoir l’Italie et l’Epagne. Elle a mis en place un programme de près de 100 milliards qui a permis d’éviter le retour du chômage de masse. Elle a pris le leadership mondial en matière de transition climatique et énergétique avec le Green Deal. Et maintenant elle affirme son unité politique qui n’avait rien d’évident face à la Russie. Le président Macron a d’ailleurs très bien compris ce tournant quand il a dit lors de sa présentation des priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne que le moment était venu pour que l’Union européenne se transforme en une véritable puissance démocratique, éducative, écologique, industrielle capable de prendre en main sa sécurité. L’Union n’est pas, contrairement à l’URSS, un objet politique inerte, c’est un projet politique vivant en transformation continue. Son grand défi est de devenir une vraie démocratie.

L’Europe a connu pourtant des échecs, la zone euro notamment, grand projet des 20 dernières années, n’a pas permis la convergence des économies et a même creusé les différences et accentué la désindustrialisation de certains États-membres. Cette époque est-elle révolue ?

Le système de décision qui requiert trop souvent l’unanimité des Etats membres fait que l’on ne prend pas toujours la décision qui sert le mieux les citoyens européens. Il faut changer cela, c’est l’objet de la proposition de convention visant à adapter de manière ciblée les institutions européennes à la nouvelle donne démocratique, économique, sociale et géopolitique mondiale portée par les cinq plus importantes familles politiques européennes (les conservateurs, les sociaux-démocratiques, les verts, les libéraux et la gauche européenne). Le président Macron a d’ailleurs apporté son soutien à cette proposition lors de son discours de clôture de la conférence sur l’avenir de l’Europe le 9 mai dernier à Strasbourg.  

Une partie passionnante de votre livre est l’exposition des grands récits civilisationnels de l’époque qui structurent le monde contemporain, quel est l’enjeu lié à ces récits ?

Depuis la fin de la guerre froide, nous assistons à un rééquilibrage rapide des puissances avec la fin du leadership occidental et du récit du pacification du monde qui l’accompagnait. Cette évolution s’accompagne d’une perte de repères partout dans le monde. Pour y faire face, les grandes puissances, et en premier lieu les États-Unis, la Chine et la Russie, ont considéré que leur affirmation dans la durée requérait qu’elle développe leur propre récit pour assurer à la fois la cohésion interne de leur population et leur influence externe. Elles se livrent aujourd’hui à une guerre des récits, rarement pour le meilleur et souvent pour le pire. Ces récits ont un point commun, c’est qu’ils souhaitent tous – avec des degrés d’intensité différents - marginaliser l’Europe, qui faute de développer son propre récit, se trouve démunie.

La deuxième moitié de votre livre développe de manière convaincante la proposition d’un récit civilisationnel européen revitalisé. Quelles en sont les grandes lignes ?

C’est tout l’objet de la réflexion que j’ai menée depuis près de vingt ans en arpentant l’Union, en comprenant les dynamiques des peuples et pays qui la composent et du livre que je vous invite à découvrir. Ce qui est certain, c’est que la force motrice pour développer un récit civilisationnel européen convainquant, ce sont d’abord et avant tout les citoyens de l’Union qui doivent en être les bâtisseurs et les ambassadeurs.   

Pour retrouver un extrait du livre de Guillaume Klossa sur Atlantico, cliquez ICI

Guillaume Klossa publie “Fierté européenne, Manifeste pour une civilisation d’avenir” aux éditions Télémaque. Lien vers la boutique ici

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