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Guerre ou engagement militaire : que peut vraiment contrôler le Parlement ?
Guerre ou engagement militaire : que peut vraiment contrôler le Parlement ?
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Mise au point

La révision constitutionnelle de 2008 oblige le gouvernement à informer et à débattre. De leur côté, les assemblées organisent, sans voter, l'expression des opinions politiques.

Olivier Rouquan

Olivier Rouquan

Olivier Rouquan est docteur en science politique. Il est chargé de cours au Centre National de la Fonction Publique Territoriale, et à l’Institut Supérieur de Management Public et Politique.  Il a publié en 2010 Culture Territoriale chez Gualino Editeur,  Droit constitutionnel et gouvernances politiques, chez Gualino, septembre 2014, Développement durable des territoires, (Gualino) en 2016, Culture territoriale, (Gualino) 2016 et En finir avec le Président, (Editions François Bourin) en 2017.

 

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Le processus mis en œuvre par François Hollande dans le cadre de l’intervention militaire au Mali est normal à tous les titres, soit conforme à la tradition constitutionnelle : prééminence du chef de l’État dans l’action militaire d’urgence – 1 - ; respect des rôles du Gouvernement – 2 - ; et du Parlement – 3 -, demeurant incontournables, mais subsidiaires..

  1. 1. François Hollande, chef des armées

Nombreux sont les commentaires faisant le constat d’un tournant décisif du quinquennat de François Hollande, dans le sens où le président apparaît désormais comme un décideur de premier plan. Il effacerait ainsi cette image de mollesse lui collant à la peau, et cadrant peu avec la fonction présidentielle. De fait, en agissant ainsi, le chef de l’État, chef des armées d’après la Constitution, exerce la plénitude de sa mission dans le sillage de ses prédécesseurs.

En vertu de la lettre et de la pratique présidentialiste en effet, les présidents successifs impulsent et gèrent les crises militaires, dans l’urgence et sans contrôle immédiat. Cet acquis institutionnel, gage d’efficacité, n’est pourtant pas exclusif d’un partage décisionnel avec le gouvernement. Comme ses prédécesseurs, le ministre de la Défense – Jean-Yves Le Drian - est aux commandes opérationnelles ; certes proche du chef de l’État, il relève juridiquement de l’autorité du Premier ministre.

  1. 2. Matignon, courroie de transmission

Incontestablement, un président décide dans le feu de l’action militaire, mais le chef du gouvernement demeure la courroie de transmission entre l’exécutif et le législatif. En temps de cohabitation, il participe pleinement à tous les conseils de défense et peut même revendiquer un rôle de codécideur – par exemple, Lionel Jospin lors des interventions au Kosovo en 1999 ou en Afghanistan après 2001. Traditionnellement, le Premier ministre gère davantage les conséquences intérieures de l’action militaire – surtout en matière de lutte contre le terrorisme.

Matignon reste donc incontournable. D’ailleurs, d’après la Constitution, le chef du gouvernement est responsable de la défense nationale. Le terme responsabilité a une connotation très politique –la responsabilité peut en effet aller jusqu’à la censure du gouvernement. Dès 1958 et de façon renforcée depuis le 23 juillet 2008, n’est donc pas exclue l’idée de rendre des comptes aux assemblées lors d’une intervention armée.

  1. 3. Le Parlement informé

Ainsi, en vertu de l’art. 35, toute guerre doit être autorisée par le Parlement, et en deçà, toute opération militaire donne désormais lieu à l’exercice d’un droit à l’information – trois jours après le début de l’intervention. La révision de 2008 oblige donc le gouvernement à informer et à débattre. Ainsi les assemblées, sans voter, organisent l’expression des opinions politiques.

Avant que cela ne devienne une obligation constitutionnelle, au sujet du Kosovo en 1999 ou lors de l’intervention en Afghanistan en 2001, de tels débats ont déjà eu lieu. Mieux même, en 1991 lors de la guerre du Golfe, le gouvernement a demandé la confiance à l’Assemblée nationale. Dans l’intervention malienne actuelle, l’information et le débat auront lieu le 16 janvier à l’Assemblée nationale.

Cette évolution conforme au respect de la démocratie oblige les chefs d’État, même s’ils décident souverainement dans l’urgence, à forger un consensus relatif autour de l’opération militaire. La tâche est assez aisée car en France la politique militaire et internationale est peu controversée. L’expression des dissidences – cette fois portée par Noël Mamère et Jean-Luc Mélenchon - reste donc marginale, dans tous les cas en début d’opération. Comme après quatre mois, la Constitution veut que le Parlement autorise le gouvernement à poursuivre l’action, d’éventuelles difficultés sur le terrain pourraient conduire l’exécutif à davantage négocier sa politique. Une seconde phase politique s’ouvrirait alors.

Pour conclure, remarquons combien la limite au pouvoir militaire présidentiel résulte davantage dans la période récente, du multilatéralisme international que des règles du jeu constitutionnel. Les interventions armées de la France sont plus partagées depuis 20 ans. Même lorsqu’elle impulse, comme en 2002 en Côte d’Ivoire, la France se réfère tôt à la norme onusienne et veut agir dans le cadre de l’OTAN ou de forces multilatérales. La mondialisation oblige donc les différents chefs d’État au respect de critères juridiques et de gouvernance politique, limitant leur souveraineté décisionnelle, sans pour autant supprimer leur efficacité. 

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