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Gros coup de flou sur le Brexit : la grande fragilité politique de Theresa May entrave les négociations
©Stefan ROUSSEAU / POOL / AFP

Y-a-t-il encore un pilote à Londres ?

La situation politique britannique est très incertaine. Le gouvernement doit prendre des décisions importantes dans les semaines à venir, notamment sur la proposition faite à l’Europe sur la future relation douanière.

Renaud Thillaye

Renaud Thillaye

Renaud Thillaye est consultant en affaires européennes et analyste politique, expert associé à la Fondation Jean Jaures et à Policy Network.

 

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Atlantico : Alors que le conseil européen prévu ces 28 et 29 juin devrait aborder longuement la question du Brexit, comment évaluer la situation politique intérieure au Royaume-Uni à la veille de ce rendez-vous ? En quoi la question de l'Union douanière, posant la question d'un vrai ou d'un "faux" Brexit est-elle au centre des débats ?

Renaud Thillaye : La situation politique britannique est très incertaine. Au-delà du sommet de cette semaine, le gouvernement doit prendre des décisions importantes dans les semaines à venir, notamment sur la proposition faite à l’Europe sur la future relation douanière. La parution d’un livre blanc détaillant les propositions de Londres sur la future relation commerciale est prévue début juillet. Le gouvernement apparait divisé ente ceux qui (comme Boris Johnson) prônent une rupture nette avec Bruxelles, quitte à mettre en danger l’absence de frontière en Irlande du Nord et de manière générale la fluidité qui caractérise les relations commerciales aujourd’hui ; et ceux (comme Philip Hammond) qui préfèrent un « alignement règlementaire » maximum afin de restreindre le besoin de contrôles aux frontières. 

En parallèle, le Parlement doit débattre de deux lois – l’une permettant au gouvernement de conduire une politique commerciale indépendante de cette de l’Union européenne (« Trade Bill »), l’autre rétablissant la compétence douanière (« Customs Bill »). Sur ces deux textes, des amendements ont été déposés qui, s’ils étaient adoptés, conduiraient le Royaume-Uni à rester dans une forme d’union douanière avec l’UE. En principe, il existe une courte majorité à la chambre des Communes pour faire passer ces amendements. Jusqu’ici Theresa May a réussi à canaliser les velléités de rébellion au sein des Conservateurs pro-Européens. Si un tel vote avait lieu, elle pourrait décider de l’accepter et de poursuivre les négociations sur cette base, mais elle ferait alors face à la fronde des Conservateurs anti-Européens. La stabilité politique actuelle apparait donc très précaire.

Au regard des rapports de force actuels et de la position de Theresa May, comment anticiper le résultat des négociations qui s'annoncent ? Quelles sont les lignes rouges à ne pas franchir pour les deux parties ? 

L’accord de sortie est connu dans les grandes lignes, bien que deux points restent en suspens : les garanties sur la frontière irlandaise et la gouvernance de l’accord, avec ou non l’implication de la Cour de Justice. Les points relatifs aux droits des citoyens et au « règlement financier » britannique sont réglés. Le principe d’une période de transition de 21 mois (jusqu’en décembre 2021) permettant au Royaume-Uni de rester dans le Marché unique et l’Union douanière également.

En revanche, les principes sur lesquelles sur la négociation de la future relation doit être basée sont encore incertains. Ils dépendent des positions britanniques qui, on l’a vu, manquent de précision et peuvent encore évoluer. Si l’on se fie toutefois aux déclarations passées de Theresa May, le Royaume-Uni et l’UE s’orientent vers un accord de partenariat « spécial et approfondi », qui inclurait un très haut niveau de coopération sur les questions de sécurité et de politique étrangère, ainsi qu’un accord de libre-échange ambitieux. Ce dernier reflèterait la réalité de deux économies très intégrées et alignées sur le plan règlementaire, qui pourraient toutefois diverger à l’avenir. Selon toute vraisemblance, la circulation des biens ne sera que peu entravée, avec cependant de nouvelles contraintes administratives et douanières pour les entreprises qui importent ou exportent de part et d’autre. Les contrôles aux frontières seraient automatisés au maximum. Mettre en place ces nouvelles modalités prendra cependant du temps, ce qui implique qu’une seconde période de transition pourrait être négociée. Dans le domaine des services, il est probable que le Royaume-Uni sera considéré comme un pays tiers. Faute de régimes d’équivalence, certains secteurs de la finance se verraient alors refusés de vendre leurs services à partir de Londres.

Alors que les milieux d'affaire portent de plus en plus la voix pour critiquer l'action du gouvernement et l'incertitude qui pèse sur elles, comment évaluer leur impact sur l'action du gouvernement ? Ces voix peuvent-elles être entendues ? 

Les milieux d’affaires sont étroitement consultés pas le gouvernement. Les ministres les plus modérés, comme Philip Hammond, ne manquent d’ailleurs pas de mettre en avant leurs préoccupations pour exiger davantage de clarté. Les députés ayant dans leur circonscription une entreprise ayant suspendu ses investissements ou menaçant de quitter le pays donnent de la voix. Cependant, force est de constater que les milieux d’affaire ne sont pas aussi écoutés qu’on pourrait s’y attendre. La presse eurosceptique les vilipende comme ennemis du peuple. Les Conservateurs anti-Européens leur répondent que de nouvelles opportunités vont s’ouvrir à eux, et soulignent que le Brexit ne relève pas que d’une logique économique. On se retrouve dans cette situation paradoxale que le parti travailliste de Jeremy Corbyn est plus proche de la position de la CBI (le Médef britannique) que les Conservateurs.

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