Grève des médecins : les besoins des patients, grands oubliés de la technocratie<!-- --> | Atlantico.fr
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Avec la nomination le 20 juillet d'Aurélien Rousseau, c'est un pur technocrate de gauche qui s'est installé au ministère de la Santé.
Avec la nomination le 20 juillet d'Aurélien Rousseau, c'est un pur technocrate de gauche qui s'est installé au ministère de la Santé.
©Valentine CHAPUIS / AFP

Alerte rouge

Les médecins libéraux sont appelés à la grève reconductible, ce vendredi 13 octobre, par tous leurs syndicats représentatifs. Les patients, eux, subissent le système technocratique qui ne perd pas de son poids.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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F. Braun a quitté le ministère de la Santé sans explication ni de la Première ministre ni de lui-même. Aujourd’hui la situation de la santé publique et du système de soins est dégradée et les perspectives ne sont guère encourageantes compte tenu du contexte et des incapacités spécifiques à la France à s'engager dans les changements. Buzyn, Véran, Bourguignon, Braun, Rousseau; si on excepte Mme Bourguignon qui fit un bref passage, les prédécesseurs de Mr Rousseau étaient tous médecins. Le signe adressé à la classe politico-syndicale est clair, on essaye un pur technocrate de gauche. Plutôt que de se perdre dans les questions de personne et de carrière, voyons ce qui préoccupe les Français.

La santé publique sans organisation au contact des populations n’a pas intégré les leçons de la pandémie

Pour les trop nombreuses organisations chargées de la santé publique en France, les lendemains de la pandémie ressemblent à s'y méprendre aux jours qui l’ont précédée. Nous voyons réapparaître l'activité de flyers et de spots de communication de Santé Publique France en particulier pour nous dire que mieux manger, faire du sport et ne pas fumer pourrait diminuer les cancers… En revanche, silence total sur l'automne et l'hiver qui approchent du point de vue des maladies virales respiratoires dont la covid-19, la bronchiolite et la grippe. Ce paradoxe a des conséquences. Tout d’abord la prévention réelle des maladies infectieuses qui menace les capacités hospitalières n’est pas en marche. Un exemple, l’épidémie d’Omicron et de son dernier variant n’est pas prise en compte au niveau de la transmission. Or les personnes fragiles doivent se protéger très sérieusement en faisant le diagnostic par un test, en portant le masque, en observant un éloignement interpersonnel et en utilisant les moyens médicamenteux (Paxlovid) alors que les anticorps monoclonaux disponibles sont inefficaces. On se rend compte qu'aucune des leçons de la pandémie n’ont été tirées comme en 2003 aucune des leçons de la canicule n'ont été retenues. 20 ans après nous avons des administrations climatisées dont les ARS mais certainement pas tous les hôpitaux ni toutes les chambres d'hôpital et certainement pas toutes les chambres d’EHPAD. Autre point, aucune statistique n’est disponible sur la campagne de vaccination contre la Covid-19 des personnes fragiles lancée fin avril 2023 pour  deux mois (Figure N°1).

Figure N°1: France : Combien de doses de vaccin COVID-19 sont administrées chaque jour ? Part (%) quotidienne de la population recevant une dose de vaccin COVID-19 (Moyenne mobile sur 7 jours. Toutes les doses, y compris les rappels, sont comptées individuellement). À gauche l’ensemble de l’histoire de la vaccination dans la pandémie. À droite l’année 2023. Il semble que la vaccination des personnes fragiles (celles qui ont un rapport bénéfice/risque très favorable avec l’Omicron) soit plutôt en pause. La Suède fait beaucoup mieux…

Retenons que le nombre de cas confirmés est inférieur au nombre réel d'infections, en raison du nombre limité de tests effectués. La déclaration récente du nouveau ministre, un appel à la vigilance, est très insuffisante. Surtout elle n’évitera pas la transmission des viroses respiratoires cet automne et cet hiver. Car la vigilance sans action au contact de toutes les populations est un vœu pieux technocratique. Toujours cet accomplissement supposé de la parole verticale qui est démenti par les résultats.

Dans ce contexte, l'arrivée de Mr A. Rousseau sans que les Français connaissent ni le programme actuel du président de la République ni celui de l’arrivant en la matière, apparaît comme tout à fait inquiétante. Est-il encore possible d'envisager des changements structurels efficients du point de vue de la santé publique et notamment l'application de la loi pour que des équipes sanitaires mobiles soient au contact des populations, alors que le second quinquennat est bien entamé et qu'il n’y a toujours pas de majorité stable ?

Le système de soins se paralyse lentement

Nous avons eu le sentiment d’insécurité et nous avons maintenant le sentiment d’inaccessibilité aux soins. Les Français ne se trompent pas, l’insécurité n’est pas un sentiment et les délais de consultation des médecins généralistes ou spécialistes une réalité qui s’aggrave. Le PR avait lancé un objectif: que chaque patient en ALD ait un médecin référent avant la fin de l’année 2023. Où en sommes-nous ?

Le système de soins répond très médiocrement à la demande

Les établissements hospitaliers et la médecine ambulatoire, les administrations publiques ou les entreprises de cliniques, l’exercice en cabinet ou les centres de soins de médecins salariés sont tous en difficulté. Les raisons sont d’une part globales et d’autre part spécifiques.

Les généralistes particulièrement vulnérables

Disons le simplement, laisser les gardiens de la porte d’entrée du système que sont les généralistes à la merci d’un règlement arbitral est très préjudiciable aux patients. Proposer une augmentation tarifaire de 1,5 euro n’est pas sérieux. Le nouveau ministre ne dit rien à ce sujet. En réalité, ni le ministère et sa direction de la sécurité sociale ni la CNAM n’ont de solutions car ils vivent dans l’illusion qu’un tel système est éternel.

Les hôpitaux publics prisonniers de leur statut

Pour la médecine hospitalière le dysfonctionnement majeur est connu et mesuré. Les hôpitaux publics qui sont des administrations avec le statut des personnels qui vont avec ne se sortent pas de la question des effectifs pléthoriques de non soignants dans les métiers techniques et administratifs. C’est la raison principale pour laquelle ils ne peuvent offrir des salaires attractifs aux infirmières, c'est-à -dire à la cheville ouvrière de l’hôpital qui de surcroît prend le plus de responsabilités au quotidien. Bien sûr ce fait est systématiquement mis sous le tapis par les politiques ou les syndicats qui n’ont qu’un slogan sur tout l’échiquier: “il faut sauver l’hôpital”, alors qu’il faut le libérer. Les syndicats d’infirmières, par exemple, se plaignent de la désertification des hôpitaux mais ne disent rien du fait qu’il n’y a pas de désertification des métiers techniques (aujourd’hui vidés de leur valeur ajoutée par le recours obligatoire à des entreprises spécialisées), des administratifs ou des cadres de soins… Et pour cause, ces métiers offrent des carrières à vie sans contact avec les patients et avec des week-ends tranquilles. Dans le contexte politique de la France Mr Rousseau résoudra-t-il cette question simple ?

Les urgences toujours embolisées par le petit risque

Ce fut une promesse de F. Braun. Que s’est il passé? En premier nous parlons sans savoir car le système est tellement mal organisé que nous ne savons pas combien de passages aux urgences ont eu lieu en 2022 ni combien de passages ont conduit à une hospitalisation. La dernière fiche de la DREES s’arrête en 2020 et les statistiques partielles des associations d’urgentistes ne permettent pas d’apporter des arguments formels. Il n’est toujours pas possible d’accéder à des statistiques descriptives en données brutes. Pourtant il semble bien de ce que l’on peut glaner que nous soyons revenus à la période pré-pandémie et que le taux d’hospitalisations soit le même c’est à dire inférieur à 20%. Les mesures prises à l’arrivée du précédent ministre ont été vaines. Le ratio de 20% d’urgences réelles que la Cour des Comptes avait constaté est inchangé. Nous continuons la même politique démagogique sur laquelle F. Hollande avait surfé avec sa promesse d’avoir un service d’urgence dans les 30 minutes… service où à cause de l’absence de tri on va attendre plusieurs heures. L’incapacité à décider, la verticalité des décisions, la démagogie condamnent les urgences et c’est un dysfonctionnement très Français.

Les ALD sans médecin traitant

Sans entrer dans les détails, ce dysfonctionnement est bien l’échec de la CNAM. Voilà une structure para-étatique qui est en position de monopole, qui a toutes les données brutes du système de soins mais ne les partage pas et qui en plus n’assure plus la gestion organisationnelle des maladies de longue durée au cœur du risque. Ainsi malgré un maillage départemental qui coûte fort cher, l'assurance maladie n’est pas capable de faire en sorte que les médecins conventionnés suivent les patients en ALD au titre de médecin référent. Or ces patients sont connus, identifiables et traçables. Cette situation qui n’est pas survenue du jour au lendemain est l’exemple type de la cannibalisation par le petit risque des ressources médicales et soignantes en général. Les patients payent aussi le refus d’agir sur la délégation des tâches, car à défaut d’avoir un médecin référent il serait bien utile qu’ils aient un soignant référent comme une infirmière ou bien un pharmacien. Ensuite dans les zones rurales la solution est bien sûr la télémédecine qui doit être tarifée mieux que le présentiel pour le suivi. S’agissant de toutes les ALD un médecin spécialiste peut être traitant (ou référent) en particulier au sein des équipes hospitalières publiques ou privées qui ont des ressources dans ce domaine. Enfin il faut que la future Convention prévoit les dispositifs nécessaires pour que les patientèles comprennent les ALD du territoire où se trouve le médecin. Cela suppose enfin que l’entrée en ALD mais aussi la sortie soient régulées.

Les réformes de l’État qui génèrent des dysfonctionnements

Ce qui est tout à fait étonnant dans ce contexte c’est que le bon sens a complètement disparu de la conduite des politiques publiques. Quand E. Macron candidat à la présidence expose son premier programme santé il invoque le bon sens pour justifier la suppression du numerus clausus. Il a raison. Notamment contre les technocrates du ministère de la santé, contre les doyens de facultés de médecine ou bien les fameux experts qui abondent dans notre pays justement parce que le relativisme a chassé le bon sens. En revanche depuis son arrivée au pouvoir il y a 6 ans, cette quête de bon sens semble s’être estompée. Parmi les réformes imposées au système de soins par l'État, il en est de positives. Mais comment ne pas voir l’obstination idéologique à poursuivre les 35 heures dans les établissements de soins? Ce qui produit des dysfonctionnements doit être changé et ce le plus vite possible. Car il y a urgence (Tableau N°1).

Réformes étatiques imposées au système de soins

Objectif

Résultat

Traitement

35 heures

Supprimer l’augmentation des salaires mais pas du point d’indice en échange d’une RTT

Paupérisation des soignants et augmentation des avantages pour les non soignants

Suppression des 35 heures et négociations salariales prioritaires pour les infirmières. Accélérer la restructuration hospitalière.

numerus clausus

Diminuer l’offre médicale pour diminuer la dépense de soins

Diminution administrative du nombre de médecins formés. Dans le même temps, ouverture de postes de médecine non clinique et augmentation des tâches bureaucratiques. Effet collatéral: ouverture par les préfets des hôpitaux aux médecins extra européens pour éviter la fermeture de services. Globalement diminution marquée du temps clinique disponible.

Après un demi-siècle d’obstination technocratique il a été administrativement supprimé par l’actuel PR.

Cette décision ne produira ses effets que dans une dizaine d'années si l’État rétablit la liberté des Universités (y compris la création d’Universités privées) pour qu’elles définissent elles-mêmes leurs objectifs. Dans le cas contraire, le numerus clausus persistera dans l’anonymat.

suppression de l'obligation de garde pour les médecins libéraux

Résoudre un conflit entre les syndicats de médecins et l’État. En 2002 l’obligation de garde a été retirée du code de déontologie. Elle a été remplacée par une permanence des soins ambulatoires (PDSA) fondée sur le volontariat, avec une rémunération sous forme de forfaits. Ce système collectif est un échec.

Quand la permanence des soins relevant des praticiens libéraux « est mal assurée ou plus assurée, tout arrive à l’hôpital », a déclaré le PR le 6 janvier. Or le flux des urgences hospitalières qui n’en sont pas n’ira pas chez un médecin libéral de garde. C’est donc une fausse solution. Aucune structure ne peut ni ne doit recevoir des patients en urgence qui ne relèvent pas de l’urgence.

Décider d’un système simple de tri des urgences et renvoyer les patients non urgents sur les horaires normaux des médecins, des maisons médicales ou des centres de soins.
Fusionner les ressources de médecine des hôpitaux avec les maisons médicales de garde pour gérer le flux des patients non urgents dans un environnement de recours hospitalier sur place.
Payer les gardes à un prix de marché comprenant la récupération.

tarification à l'activité

Que l’argent versé aux hôpitaux soit exactement ce qu’ils produisent comme soins car la dotation globale pénalisait les hôpitaux actifs

Le résultat est satisfaisant. L’échelle de métrologie de l’activité doit être affinée et actualisée plus souvent sur la base des dépenses et de l’activité réelle.

Révision des tarifs chaque année.

Tarification à la pathologie pour stopper les effets d’aubaine des séjours en cascade et inciter à la qualité des soins.

nouvelle gouvernance

Aller vers une gestion administration/médecins

Échec total car l'administration n’a pas joué le jeu (cf le refus de la transparence des données de production et de dépenses par pôle).
Mise en place complexe et bureaucratisée à l’extrême. Perte de temps clinique pour les médecins hospitaliers qui soignent. Occupation bureaucratique à temps plein pour les autres.

Changement du statut des hôpitaux en SA publique avec un CA où siègent les représentants du personnel. Les administratifs des hôpitaux deviennent des gestionnaires et des acteurs économiques à responsabilité. L’hôpital public libéré des freins d’une administration devient un acteur économique qui s’adapte à son environnement

Projet de loi Valletoux

Ce projet de loi est au centre des futures négociations conventionnelles

Des contraintes, encore des contraintes. Dans un contexte de pénurie c’est un remède pire que le mal.

Cette loi est clairement inutile. Les dispositions sur l’intérim sont même nuisibles.

Tableau N°1: Les réformes de l’État qui génèrent des dysfonctionnements et celles qui permettent d’améliorer la qualité des soins.

L’impératif de production

Plus personne ne remet en cause l’impératif de produire non seulement pour nos besoins essentiels mais aussi pour exporter et ensuite acheter ce que nous ne pouvons produire. Il faut simplement calmer cet enthousiasme productif qui vire vite à l’isolationisme en rappelant que l’économie de marché est la base de la sécurité d’approvisionnement notamment en matière de soins. Nous ne pouvons pas produire tout ce dont nous avons besoin. En l’occurrence la difficulté c’est que nous sommes au plus bas. Ensuite il faut aussi rappeler que la production de médicaments dépourvus de brevet doit être sériusement évaluée pour ne pas poursuivre des chimères. Autrement dit sans aides étatiques la production de médicaments en France est impossible et avec ces aides reste difficile. Les causes sont connues: coût du travail, droit du travail et réglementation environnementale et sécuritaire. Mais aussi des délais de traitement des dossiers incompatibles avec ce type d’investissement. Un modèle économique que l’État peut modifier en jouant sur ces paramètres et le guichet unique est une voie. Il faut faire des compromis et évaluer les résultats. Pour l’instant ils ne sont pas au rendez vous comme avec le paracétamol, 3-5 ans pour ouvrir une usine c’est bien sûr totalement anormal.  

En amont et à la périphérie du système de soins, les pénuries explosent

Les entreprises du secteur de la pharmacie, des dispositifs implantables, des prothèses, les entreprises d'imagerie ou de gestion de données patient ne produisent pas suffisamment pour les besoins du pays ou bien n’ont plus de produits adaptés à un marché hyper concurrentiel. Il serait utile qu’un point d’étape soit fait sur la stratégie santé numérique et le plan innovation santé 2030. La cause chronique qui date de plusieurs décennies sont les tarifs d'achats des médicaments par la sécu aux entreprises. Si l’on examine les dépenses d'assurance maladie en médicaments, ces dépenses ont décru en France sauf en 2015 du fait des médicaments contre l'hépatite C. En moyenne, le prix relatif des médicaments a baissé depuis plusieurs années et, à l'exception de 2015, de manière continue (Figure N°2). Dans les conditions actuelles où la pénurie est mondiale la sécu ne pourra offrir durablement des prix au-dessous du marché et être livrée. La sécu va-t-elle continuer de nourrir la pénurie? Mr Rousseau va certainement tenter de lui tordre le bras dans cette affaire. Des négociations sont en cours avec les entreprises.

Figure N°2: (https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/er1017.pdf) Contrairement aux affirmations mensongères de certains syndicats et politiques ce n’est ni Big Pharma ni la médecine ambulatoire qui plombent les comptes de la sécu.

Nous manquons de médicaments comme nous manquons d’électricité

Fermeture des centrales nucléaires et fermeture des usines de production pharmaceutique sont les grandes forfaitures des quinquennats précédents. Redresser la barre est lent et compromis par la montagne de dépenses publiques inutiles. Nous avons en santé des agences pour à peu près tous les sujets, des associations subventionnées pour toutes les causes mais nous ne produisons plus d’amoxicilline. Mr Rousseau viendra-t-il à bout de ce paradoxe ?


A NOTER

Les 25 molécules en alerte rouge de pénurie depuis des mois :
amoxicilline, ciprofloxacine, paracétamol, morphine, fentanyl, propofol, midazolam, diazépam, clonazépam, rocuronium, cisatracurium, suxamethonium, adrénaline, noradrénaline, méthylprednisolone, esoméprazole, furosémide, clopidogrel, salbutamol, topotecan, melphalan, busulfan, fludarabine, paclitaxel, oxaliplatine


La “to do list” de la technocratie est impressionnante

Le ministère de la Santé est livré depuis longtemps à des technocrates omnipotents qui ont bien retenu la leçon d’Henri Queuille. Les dossiers trainent et les arbitrages se font à la vitesse du colimaçon. Cela ralentit bien sur le fonctionnement, diminue le temps consacré aux soins, freine les installations, fragilise l’exercice à l’acte, provoque des pénuries. Quelques exemples :

-       Les textes sur les infirmières spécialisées ont totalement déséquilibré les effectifs des blocs opératoires pour n’aboutir à aucun gain de productivité à tout le moins dans le public.

-       Les textes sur les perfusionnistes sont apparemment au point mort dans un pays qui a été un pionnier de la chirurgie cardio-vasculaire.

-       La création complètement contre productive d’une quatrième année d’internat pour les généralistes (toujours cet égalitarisme de façade) n’a pas été associée aux textes sur la rémunération des Internes. Un imbroglio s’installe qui a des conséquences sur les choix des jeunes médecins.

-       Les assistants médicaux ne démarrent pas car l’exorbitant droit du travail Français bloque les initiatives, sans parler des conditions prérequises demandées par la CNAM. Il est incroyable que ces dispositions n’aient pas été testées avant d’être initiées. Plusieurs généralistes en ont fait les frais.

-       Au bout de la longue chaîne technocratique il y a le réel. Et les maires qui se lancent dans des investissements pour recruter des médecins en font l’expérience. Ils en appellent au nouveau ministre.

-       Les collectivités locales et les régions se lancent dans des opérations audacieuses et très coûteuses pour installer des médecins. Quand il s’agit d’activité à l’acte les aides sont limitées dans le temps ce qui menace la pérennité de l'expérience. Quand il s’agit de salariat c’est souvent plus grave car les collectivités “découvrent” qu’il faut trois médecins salariés pour effectuer l’activité d’un médecin à l’acte… Il y a d’autres solutions. En premier la télémédecine. Nous manquons de données sur son déploiement et ses modalités. Il faut redire ici combien la généralisation (on n’ose plus dire à court terme) d’un dossier médical électronique est une condition nécessaire. Pour que la télémédecine sorte du tunnel d’une activité marginale il faut mieux rembourser certains actes en télémédecine qu’en présentiel. Par exemple le suivi des maladies chroniques (la première le diabète type 2) ou bien les consultations spécialisées pour les malades hospitalisés.

En fait, la volonté de tout contrôler, la complexité de la pensée bureaucratique française, le centralisme verticalisé à l’extrême, l’idéologie ont régulièrement raison de la productivité défaillante de l’administration. Trop complexe, trop long, trop tard, trop biaisé. Cette fois il s’agit de demander à un technocrate élevé dans ce système de le réformer.

Les signaux de dépassement des dépenses clignotent

Les dépenses de soins à périmètre constant ont, en 2022, dépassé l’objectif de l’ONDAM. La régulation par le plan n’a pas fonctionné car le suivi et les mesures de freinage n’ont pas été efficaces. Pire, la tendance est insoutenable: ces mêmes dépenses étaient de 200 milliards en 2019 et de 247 milliards fin 2022 (Figure N°3).

Figure N°3: L’ONDAM constaté c’est tout simplement la dépense de soins pour l’état (https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-05/20230524-Ralfss-2023-2-Ondam.pdf). Une fois de plus la situation actuelle n’est pas en rapport avec un manque de moyens.

On apprend que les dépenses d’indemnités journalières (qui ne sont pas comptabilisées dans les comptes de la sécu) sont en forte augmentation. Alors que l’État les connait à l’euro près les Français ne savent pas de combien, on parle de 16,8 milliards en 2023 et d’une tendance insoutenable d’ici la fin du quinquennat autour de 23 milliards. Ce dépassement de l’ONDAM aurait-il été insuffisamment pris en compte par le précédent ministre ?

Un nouveau ministre pour respecter l’ONDAM

Il apparait que les nouveaux atouts de Mr Rousseau à ce poste sont ses connexions. À la différence de F. Braun. Connexions politiques puisqu'il vient de la gauche plutôt non social-démocrate et sera donc entendu sinon écouté par les syndicats. Connexions technocratiques puisque ses liens avec l'assurance maladie et les hôpitaux publics sont très étroits. Pour autant cela ne suffira pas. Les obstacles sont très nombreux et celui de la Convention obligatoire et exclusive, système qu’aucun pays n'a copié et qui est arrivé au bout de ses possibilités, va être difficile à franchir. C’est pourquoi les Français sont pour l’instant sans grand espoir d’amélioration de la situation de la santé publique et du système de soins.

En réalité, le retour en force de la technocratie sanitaire est probablement une option politique qui vise à contenir les dysfonctionnements du système pour la suite du quinquennat sans faire de changements structurels. La structure technocratique d'État a tous les leviers, du ministère à la CNAM et aux ARS c'est-à-dire tous les moyens pour n’apporter aucun changement en veillant à ne pas déraper. Mais attention un système totalement étatisé comme il l’est depuis les Ordonnances Juppé est capable de bloquer lentement tous les rouages du soin nécessaire, indispensable, du soin utile, du soin vital, de la médecine de recours, des prises en charge urgentes, mission irréfragable des soignants. Car ce qui fait dysfonctionner le système de soins ce n’est pas une “crise sans fin” c’est une étatisation sans fin. Plus le système s’étatise plus il s’asphyxie.


Et ce tout en mettant en avant des réformettes aux conséquences incertaines comme la PMA, la fin de vie, le remboursement à 100% des lunettes et des prothèses, la future légalisation de droit du cannabis qui peuvent déséquilibrer un système de soins très fragilisé et dont l’impact en termes de ressources consommées n’a pas été modélisé. Sans oublier, non plus, les redistributions de cash à travers les transports “médicalisés”, les cures thermales, les soins de convenance ou bien le laisser faire en termes d’abus et de fraude notamment en matière d’arrêt de travail plombent les comptes de plusieurs milliards. En revanche sur le plan politique l’actuel président de la République est tout à fait tranquille, les oppositions n’ont aucun programme alternatif.

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