Grand ménage de printemps : mais que fait vraiment Kim Jong-un en Corée du Nord ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des nords-Coréens s'inclinent devant les statues de Kim Il-Sung et Kim Jong-Il, à Pyongyang.
Des nords-Coréens s'inclinent devant les statues de Kim Il-Sung et Kim Jong-Il, à Pyongyang.
©KIM Won Jin / AFP

Nomination

Le leader nord-coréen Kim Jong-un a nommé en janvier un nouveau numéro 2 pour l’aider à diriger le Parti des travailleurs de Corée. Une façon de déléguer... ou de préparer une purge ?

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico : Selon les informations de plusieurs médias dont CNN ou Reuters, le leader nord-coréen Kim Jong-un a nommé en janvier un nouveau numéro 2 pour l’aider à diriger le Parti des travailleurs de Corée. Qui a été choisi et quel pouvoir détient vraiment cet homme ?

Emmanuel Lincot : Il s’agit de Jo Yong-won, un membre du Politburo, âgé de 64 ans. C’est un proche du pouvoir des Kim qui a accompagné Kim Jong-un lors de ses rares déplacements à l’étranger. Il est l’un des secrétaires les plus influents du Département Organisation et Orientation du Parti des Travailleurs. Il est placé sur la liste noire des dirigeants nord-coréens par le Département du Trésor Américain. Ce choix revient-il pour Pyongyang à symboliquement durcir le ton vis à vis de Washington ? Est-ce une façon de promouvoir à travers la nomination de cet homme une partie de l’oligarchie ? Dans un régime communiste, une promotion peut aussi et paradoxalement signifier le début de la fin d’une carrière politique. Une chose est sûre : Kim Jong-un n’abandonne en rien son pouvoir. Cette nomination s’accompagne d’ailleurs d’un renforcement des pouvoirs attribués à sa propre sœur, Kim Yo-jong. C’est donc un régime fondamentalement clanique et Kim Jong-un en reste le centre. Cette ouverture en interne peut annoncer aussi de futures purges. Car exposer à la lumière une personne dont le rôle est important dans la bureaucratie du système est le plus sûr moyen de s’en débarrasser au moindre faux pas.

Comment expliquer cette décision ? Les crises sanitaire et économique que connaissent le pays peuvent-elles être à l’origine d’une volonté de déléguer de la part de Kim-Jong Un ? Certains observateurs évoquent également son état de santé inquiétant…

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Mais à quoi joue la Corée du Nord ?

On spécule beaucoup sur l’état de santé de Kim Jong-un. Le dictateur est obèse et cardiaque donc sujet à risque dans un pays qui a été touché à son tour par la Covid-19 depuis la Chine, même si l’OMS semble s’être rangé aux vues du régime et répété à qui voulait l’entendre qu’il n’y avait pas eu de cas détectés dans le pays. Mais, rappelons que sous un régime dictatorial, feindre la maladie ou une quelconque vulnérabilité est aussi le plus sûr moyen d’entretenir le mystère sur ses intentions réelles. Option tactique donc. Enfin, la réouverture tardive - avril 2021 - des frontières entre les deux pays, soit plus d’un an après sa fermeture, a du avoir des conséquences dramatiques sur le plan économique pour la population. La gravité de la situation est elle telle que le pouvoir a été  amené à promouvoir un homme qui jusqu’alors était davantage habitué au monde de l’ombre ? Faut-il y voir des exhortations de la Chine ou de la Russie allant en ce sens ? Nous saurons peut-être un jour. 

Cette nomination s’inscrit-elle aussi dans la réforme de la direction de l’Etat nord-coréen engagé par Kim Jong-un ?

Réforme relative bien sûr car la Corée du Nord doit essentiellement sa survie aux rapines qu’elle pratique partout dans le monde. Vente d’armes, de drogue, production de fausse monnaie, recours à l’esclavage de ses ouvriers envoyés dans des pays tiers (donc complaisants…), cybercriminalité et intimidation permanente en brandissant le spectre de frappes nucléaires… La réforme n’a jamais été comprise dans une acception libérale à Pyongyang. La famille Kim est une kleptocratie totalement corrompue dont le seul souci est de se maintenir au pouvoir. La Chine, son principal soutien, y trouve largement son compte. La Corée du Nord est un idiot utile, le fou d’un échiquier qui, dans les diagonales qu’il parcourt sont autant d’entraves à ce qui est compris tant à Pékin, à Moscou ou à Pyongyang comme un barrage contre l’hégémonie américaine. En ce sens, la rivalité sino-américaine est aussi une bonne nouvelle pour Pyongyang et la nomination d’un cacique du régime à de nouvelles responsabilités ne changera pas grand chose à cette donne. 

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