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Georges Bensoussan a dérangé les idéologues de "la mythologie al-Andalous" qui postulent que l’islam est une religion tolérante à l’égard des autres monothéismes
©Capture d'écran

Nouvel antisémitisme

Dans "Autopsie d'un déni d'antisémitisme", Barbara Lefebvure revient sur le procès de Georges Bensoussan, symptôme inquiétant d'un grand malaise dans notre société dès qu'il s'agit d'Islam.

Barbara Lefebvre

Barbara Lefebvre

Barbara Lefebvre, enseignante et essayiste. Auteur de C’est ça la France (Albin Michel). Elle a publié en 2018 Génération « j’ai le droit » (Albin Michel), était co-auteur en 2002 de l’ouvrage Les territoires perdus de la République (Pluriel)

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Atlantico : Dans quel but avez-vous écrit ce livre ?

Barbara Lefebvre : En mars dernier, après le rendu du jugement prononçant la relaxe de Georges Bensoussan dans le procès qui lui avait été intenté à l’initiative du Collectif contre l’islamophobie en France, il nous a paru nécessaire d’éclairer l’opinion sur ce qui s’était joué au cours des mois écoulés dans cette affaire. Ce livre revient sur ce qui s’est passé dès le lendemain de l’émission radiophonique de France Culture Répliques en octobre 2015 où Georges Bensoussan a prononcé les mots qui lui ont valu de comparaître quatorze mois plus tard pour "délit de provocation à la discrimination, la haine, la violence à l égard d’un groupe de personnes en raison de l’appartenance à une religion déterminée", en l’occurrence l’islam. Quatorze mois de calomnie, de mensonges. Georges Bensoussan a subi des attaques personnelles, des intimidations jusque dans son cadre professionnel, lui dont l’honnêteté et la rigueur des travaux historiques n’ont jamais été mis en cause, ce dont Pierre Nora ou Elisabeth de Fontenay ont témoigné au procès. Ce fut une année pénible pour cet homme dont nous connaissons la probité et l’attachement aux valeurs humanistes. Se faire traiter de raciste et être traîné devant les tribunaux de son pays ont été un déchirement pour nous qui le connaissions, pour lui surtout. 

Tant que le procès n’avait pas eu lieu, que les juges ne s’étaient pas prononcés, nous avions soutenu Georges Bensoussan de façon amicale et discrète notamment en créant une page Facebook de soutien. Nous ne voulions pas entrer dans les polémiques créés par des gens qui cherchaient d’abord à nuire à l’historien, auteur d’ouvrages qui mettent à mal certaines idées toutes faites. Une fois la relaxe prononcée, nous avons voulu rassembler des textes analysant le pourquoi et le comment de ce procès inique. Ce devait être une courte brochure, finalement c’est un livre de deux-cents pages. L’ouvrage n’est pas un outil de défense de Georges Bensoussan, son avocat est là pour cela et il saura trouver les mots avec autant de brio et de pertinence que le 25 janvier 2017 pour l’appel en mars prochain – puisque le CCIF bien que déclaré par la Cour irrecevable dans leur constitution de partie civile a fait appel.

Ce livre est d’abord un décryptage des mécanismes du déni du réel sur l’antisémitisme dans le monde musulman. Le livre montre bien que c’est d’abord une partie de l’œuvre de Georges Bensoussan qui nourrit la haine de certains idéologues. Il les a rendus fous de rage car il fait partie de ces rares chercheurs qui décrivent les ressorts historiques et culturels de l’antisémitisme arabo-musulman. Il en avait souligné la banalisation et la violence dans l’ouvrage collectif paru en 2002 les Territoires perdus de la République. Ce livre, beaucoup de gens en parlent sans l’avoir lu. Beaucoup de gens ont aussi décidé depuis sa parution de faire taire ceux qui tentent de faire émerger cette vérité. Son ouvrage Juifs en pays arabes. Le grand déracinement paru en 2012 est une somme historique contestée par aucun historien, mais qui a déchaîné les idéologues qui veulent diffuser ce que j’appellerai globalement "la mythologie al-Andalous" qui postule que l’islam est une religion tolérante l’égard des autres monothéismes. Or la situation des Chrétiens et des Juifs dans le monde musulman c’est une condition de soumission, de sujets, de dominés, depuis les conquêtes et le pacte d’Omar au VIIe siècle jusqu’à aujourd’hui, enfin là où il en reste (pour les Juifs, moins de 4000 personnes pour l’essentiel au Maroc et en Tunisie contre 900 000 en 1948…). Ces idéologues veulent faire accroire que la rupture dans cette lune de miel judéo-arabe est née avec le sionisme et la création d’Israël. Or nombre d’historiens montrent qu’il n’en est rien, que la judéophobie est constitutive de la doctrine islamique et qu’elle a été entretenu au fil des siècles pour devenir une banalité culturelle. Dire cela c’est être raciste dans la France de 2017 !

Comment décririez-vous ce déni du réel ?

Ce déni du réel s’accompagne non seulement de l’affirmation de contre-vérités mais aussi d’un dévoiement de l’antiracisme pour faire taire ceux qui disent le réel de cet antisémitisme là. Quand il s’agit de dénoncer voire trainer en justice les antisémites délirants de Rivarol ou Dieudonné, les choses semblent aller de soi. Quand il s’agit de dénoncer celui du PIR (nb : Parti des Indigènes de la République) ou de Medhi Meklat, les regards gênés se détournent et on abandonne celui qui s’en émeut publiquement à la meute qui l’accuse d’islamophobie. On peut alors vous traîner devant les tribunaux pour l’usage d’un article indéfini qui signe votre arrêt de mort intellectuelle : les au lieu de certains, cela montre que vous essentialisez donc que vous êtes racistes. Quand Houria Bouteldja du PIR, le CCIF et bien d’autres de leurs alliés idéologiques obsédés par le post-national, disent "les blancs", "les juifs", "les Français", "les souchiens", ce n’est pas de l’essentialisation racistes puisque c’est de l’antiracisme. Ils ne parlent pas à une clientèle, ils parlent au nom de tous, ils essentialisent en permanence : "les musulmans", "les noirs", "les racisés", "les femmes racisées", mais ce n’est pas du racisme, c’est du progressisme ou du féminisme !     

Nous avons donc voulu raconter dans le détail qui fut à la manœuvre dans cette procédure, sous quelles motivations. Montrer comment derrière l’historien c’est aussi le coordinateur de deux ouvrages basés sur des témoignages de terrain, Les territoires perdus de la République et Une France soumise, qu’on voulait atteindre. Montrer comment les associations antiracistes se sont embarquées dans cette galère. Logiquement pour la LDH et le MRAP qui sont des alliés objectifs du CCIF. Moins logiquement pour SOS Racisme ou la LICRA qui ne sont pas connus pour leur alliance avec l’islamo-gauchisme ou l’islamisme tout court. La LICRA en particulier y aura laissé des plumes, des dissensions internes à cause de l’affaire Bensoussan la fracturent désormais en profondeur. Nous avons voulu expliquer précisément pourquoi une personnalité comme Mohamed Sifaoui a pu se retrouver assis à côtés de ceux qu’il présente comme ses ennemis, à savoir le CCIF pour attaquer Georges Bensoussan avec autant de virulence. A chaque fois, ce qui était en jeu c’était nier la réalité d’un antisémitisme d’origine arabo-musulmane culturellement enraciné, violent et mortifère. Sifaoui essaie de faire croire que cet antisémitisme est une invention des islamistes, c’est un non sens historique, mais cela a un sens pour le politiquement correct actuel qui veut croire à la possibilité d’un "vivre ensemble" construit sur l’aveuglement collectif. Nous voulions aussi montrer que ce déni a des conséquences tragiques qui ne concernent pas que les Français juifs. Ce déni du réel qui prend parfois la forme d’une novlangue multiculturaliste politiquement correcte est un danger mortel pour l’identité démocratique de la France.  

Vous semblez remettre en cause l'Etat et le système judiciaire à travers cet ouvrage. Que leur reprochez-vous ?

Nous ne remettons pas du tout en cause l’Etat, pas plus que le système judiciaire. Nous sommes dans un Etat de droit et la justice est souveraine. D’ailleurs, ce procès aurait pu ne pas se tenir car une erreur de procédure permettait à Georges Bensoussan de s’y soustraire comme cela lui a été proposé en ouverture du procès par la Cour. Il a refusé de bénéficier de cette erreur matérielle. Il n’avait pas supporté ces mois de calomnie pour renoncer à démontrer sa bonne foi. 

Nous avons simplement été stupéfaits que le Parquet décide de poursuivre après la plainte du CCIF déposée plusieurs mois après les faits, et ce malgré les auditions de Georges Bensoussan devant la police à deux reprises qui avait explicité ses propos au regard du contexte de l’émission où ils avaient été prononcés. Impossible de savoir s’il y a eu là un ordre venu du politique auprès du Procureur de la République. C’est indémontrable. Le fait est que le Parquet a validé la plainte. Dès lors la machine judiciaire était lancée.

La justice a fait son travail avec conscience, elle a consacré beaucoup de temps à auditionner tous les témoins ce 25 janvier 2017. L’audience a duré près de douze heures ! La relaxe a été motivée de façon rigoureuse. Nous publions, dans le livre, le jugement. Tout le monde se fera son opinion, c’est cela un Etat de droit. Nous n’avons donc rien à redire de la justice comme institution. Mais, en sortant à 1 heure du matin de cette interminable audience, nous étions entre l’envie de rire et de pleurer : comment peut-on encombrer la justice française de telles procédures. 

Douze heures et des centaines d’heures de travail pour des juges, des greffiers etc. pour une expression sur la dimension culturelle de la judéophobie arabo-musulmane ("l’antisémitisme tété au lait de la mère") et une assertion sur les ratés de l’intégration ("un autre peuple qui se constitue au sein de la société française"). Le président Hollande disait à peu de choses près la même chose à Davet et Lhomme, je cite : "comment peut-on éviter la partition? Car c'est quand même ça qui est en train de se produire: la partition», après avoir dit "qu’il y ait un problème avec l’islam, c’est vrai. Nul n’en doute" ou encore que le voile islamique est "un asservissement"… 

Sans parler de propos du même acabit de personnalités de premier plan qui ont été cités lors du procès, dont Sifaoui qui témoignait contre Bensoussan, ce qui n’a pas été sans suscité l’hilarité, c’était l’arroseur arrosé en quelque sorte. La présidente lui a ainsi demandé quelle différence existait entre les propos de Bensoussan et lui qui avait parlé il ya quelques années de sociétés arabes "nourries à la mamelle de la haine antisémite"… Idem pour la sociologue Nacira Guénif témoin pour le CCIF et proche du PIR qui a convenu sans difficulté devant les juges que yahoud (juif en arabe) était une insulte en soi dans le monde arabe. Mais, elle a expliqué que c’était une expression qui n’avait pas un sens antisémite puisqu’elle est "d’usage courant, donc elle doit être contextualisée". La salle a frémi, certains ont ri tant l’argument était ridicule et contre-productif pour les parties civiles qu’elle représentait. La présidente n’a d’ailleurs pas manqué de le lui faire remarquer. Dans ses écrits et son action militante, madame Guenif n’a pas ce genre de tolérance contextuelle quand il s’agit de condamner le racisme anti-arabe ou anti-noir. Deux poids, deux mesures.

Mais vous dénoncez la judiciarisation du débat d’idées dont ce procès est selon un énième exemple…

Ce n’est l’Etat de droit que nous accusons, c’est plutôt l’état de notre droit. Comment notre arsenal juridique démocratique, pluraliste, humaniste peut-il être ainsi dévoyé par les adversaires même de la loi républicaine ? Comment le Parquet n’a-t-il pas vu dans cette affaire que l’accusation ne reposait sur rien, que la justice était victime d’une énième instrumentalisation de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse par les ennemis de la liberté d’expression ? Cette instrumentalisation dure depuis longtemps, mais cela s’accentue depuis une dizaine d’années. La concurrence mémorielle est en fait une course à la victimisation qui conduit des groupes identitaires à lancer des procédures couteuses. Il serait d’ailleurs intéressant un jour de comprendre où elles trouvent l’argent pour financer ces campagnes d’intimidation judiciaire dans toutes les démocraties. 

Il suffisait de réécouter l’émission pour comprendre le contexte dans lequel les propos de Georges Bensoussan s’inscrivaient. La Cour l’a fait. Pour nous qui avons assisté au procès, même si nous regrettions d’être là, nous avons vu la justice travailler et bien travailler. Les auditions allaient au fond des choses. La présidente du tribunal était une juge absolument rigoureuse : les faits rien que les faits. Ce qui a été dit en octobre 2015 était-il raciste ? Elle a scrupuleusement décortiqué l’émission, a remis en ordre l’analyse de Bensoussan qui avait été déformée par l’extraction de deux phrases prononcées sur une heure d’intense débat entre Patrick Weil et Georges Bensoussan sous l’arbitrage d’Alain Finkielkraut. 

La justice a fait son travail. Et elle a relaxé Georges Bensoussan. Comme Bruckner quelques mois auparavant. La jeune Procureur quant à elle, à cours d’arguments juridiques, a inventé un nouveau délit espérant que cela suffirait à faire condamner l’historien : la "provocation dans le champ lexical" ! Les juristes apprécieront. On est bien dans la judiciarisation du débat d’idées.

Cette instrumentalisation du droit par des associations comme le CCIF qui ont pour objet la contestation de nos lois, était évidente. La présidente du tribunal semblait ainsi assez exaspérée par la représentante du CCIF, l’avocate voilée Lila Charef qui en est devenue la présidente depuis, qui n’hésitait pas devant la Cour à dénoncer les lois stigmatisantes antimusulmanes de la République ! Elle a été plusieurs fois recadrée par la Cour qui lui demandait de rester dans le sujet. C’est cela que nous dénonçons : l’instrumentalisation de la justice par des groupes identitaires, communautaires, qui utilisent nos prétoires comme une tribune médiatique et idéologique. Une cour de justice n’a pas ce rôle. 

Ils savent le plus souvent qu’ils vont être déboutés, ou même que la plainte qu’ils initient n’ira pas à son terme mais peu leur importe : ils calomnient, ils attirent l’attention des médias sur eux, ils font croire à leurs clientèles qu’ils s’activent pour "la cause". C’est ainsi que ces associations communautaristes qui ne concernaient dans les années 1990 que quelques dizaines de membres se sont affirmées et se sont imposées auprès des médias, des pouvoirs publics. 

Cette question de la judiciarisation du débat d’idées, de l’intimidation judiciaire pour limiter la liberté d’expression est l’objet de notre association créée aux lendemains du procès. Ce sera d’ailleurs l’objet d’une soirée-débat parisienne que nous organisons le 20 novembre. 

Quelles sont les contradictions du nouvel antiracisme ?

Ce procès a été l’occasion en effet de voir l’état de l’antiracisme en France. Ce n’est pas glorieux. Mais il en va ainsi de toutes les belles idées lorsqu’elles passent à la moulinette de la bien-pensance qu’induit leur institutionnalisation. Le "devoir de mémoire" en fait aussi les frais, la cause féministe aussi… L’antiracisme professionnel a deux visages désormais. D’une part, l’antiracisme institutionnel qui s’apparente à une guimauve politiquement correcte qui perd lentement mais sûrement toute légitimité par un équilibrisme intellectuel et politique au nom du "pasdamalgame". Ces associations sont des partenaires des pouvoirs publics pour faire croire au rêve du "vivre ensemble", concept qui n’a ni réalité sociologique ni sens philosophique. La plupart des Français le ressentent, le disent, alors on les traite de pessimistes, de vieux grognons, voire de xénophobes ou de racistes. Cette soupe tiède antiraciste n’a plus guère d’audience, sauf chez les élites urbaines des centres-villes qui ne sont pas concernés au quotidien par le racisme, ni le sexisme ou l’antisémitisme tel qu’ils se déploient aujourd’hui dans notre pays et presque partout en Europe comme des enquêtes transnationales le montrent. Et d’autre part, il y a l’antiracisme identitaire indigéniste. Celui-là ce n’est pas vraiment la soupe tiède de SOS ou la LICRA, c’est au contraire un radicalisme. Il fonctionne sur la dénonciation du racisme incarné par l’Homme blanc hétérosexuel bourgeois. Il assume son racialisme comme le montre l’ouvrage d’Houria Bouteldja Les Blancs, les Juifs et nous. Un grand nombre de personnes qui soutiennent cette pensée dite postcoloniale ne regarde le monde qu’avec les lunettes binaires "colonisateurs = blancs racistes / colonisés = arabes et noirs antiracistes". Ce postulat non seulement simpliste mais faux est à la base de la pensée indigéniste qui est fondamentalement ségrégationniste donc raciste. 

Qui est ce "nous" dont parle les Indigènes de la République ? En quoi est-ce raciste selon vous ?

Ce nous des "racisés", comme ils se dénomment, fonctionne sur le mode d’une double exclusion contraire aux principes même d’une démocratie qui affirme l’égalité des droits. Nous les descendants de colonisés sommes des exclus car nous avons désespérément essayé de nous conformer aux dominants blancs mais restons des victimes perpétuelles du système colonial incarné par la République et ses lois racistes. Cela est dit textuellement dans la plupart des textes de ces courants indigénistes. Logiquement, ils en déduisent : puisque nous sommes vos éternelles victimes, désormais nous affirmons notre refus de vous ressembler, nous assumons notre racisme anti-blanc et excluons de vivre avec les Blancs et les Juifs qui sont l’incarnation de ce racisme. Cela commence par des rassemblements interdits aux "non racisés", comme il y en a régulièrement dans ces mouvements. 

Si cela ne s’appelle pas la sécession ou l’appel à la partition, qu’est-ce que c’est ? Si cela ne s’appelle du racisme, qu’est-ce que c’est ? Cet antiracisme raciste postcolonial qui est très puissant en Amérique du nord depuis au moins deux décennies, n’a qu’une vision racialisée des rapports sociaux. C’est lié originellement à la société américaine et au combat des afro-américains qui se sont radicalisés au fil des années. On a plaqué cela en France depuis vingt ans en prenant l’histoire coloniale comme alibi. Les indigénistes réinventent le système colonial sur le territoire national pour justifier leur violence politique et leur refus de faire nation avec leurs concitoyens français. Parce qu’ils ont d’abord et avant tout la haine de la France. Il faut déconstruire son histoire nationale, la détruire comme le dit ouvertement Bouteldja. 

L’antisémitisme est en outre constitutif de la vision du monde de ces antiracistes. C’est même une obsession pour eux. Pierre-André Taguieff l’avait déjà très bien analysé en 2002 en décrivant "cet antiracisme antijuif" qu’il décrivait comme un monstre idéologique. La sémantique antisioniste ne dissimule même plus la violence brute de cette judéophobie. D’ailleurs au cours du procès il a été montré à quel point cet antisémitisme puisait ses racines dans une histoire longue qui n’avait rien à voir avec le conflit israélo-palestinien. La création de l’Etat d’Israël n’a fait que raviver et accentuer le délire antijuif arabo-musulman préexistant. La question religieuse est absolument centrale sur ce sujet, la question géopolitique est mineure. Mais on se fait plaisir en Europe en croyant que cela n’a rien à voir avec la religion. C’est moins anxiogène de croire que la diplomatie y peut quelque chose. Le prétexte antisioniste recycle les préjugés antijuifs largement répandus dans le monde musulman depuis les origines de l’islam. Il a été revivifié depuis les années 1920-30 par la confrérie des Frères Musulmans dont un des membres le Grand Mufti de Jérusalem fut un allié officiel d’Hitler, puis par les écrits de Sayid Qutb dans les années 1950 qui constituent la base idéologique de cet antisémitisme arabe contemporain empruntant tant à la théologie islamique qu’à l’antisémitisme racial contemporain.

Mais ces mouvements indigénistes comme vous les nommez défendent souvent le modèle multiculturaliste ? En quoi cela ferait-il d’eux des racistes ?

Ces mouvements identitaires indigénistes détournent la réalité multiculturelle de nos sociétés démocratiques pluralistes pour la transformer en une idéologie multiculturaliste qui induit non seulement la ségrégation volontaire ("on ne veut pas être avec vous, les racistes") et surtout un refus de la loi commune : "Vos lois nous ne les reconnaissons pas, nous voulons des aménagements de ce droit à nos différences ethnoculturelles, sinon vous êtes racistes". Cela paraît un chantage mais les procès que ces groupes intentent et qui se multiplient montrent qu’il y a vraiment un projet politique derrière cette logorrhée grossière. Ce projet politique est radical est contraire à notre vision démocratique libérale. Avec eux, on ne forme plus une nation de citoyens rassemblés au-delà de nos identités particulières, on est d’abord dans un devoir de loyauté indéfectible à l’égard de ceux qu’on considère comme nos semblables, qui ont la même couleur de peau que nous, la même religion, la même idéologie. Tous les autres sont récusés, exclus de ce "nous" que prétendent incarner les indigénistes, les islamistes et leurs alliés à l’extrême gauche. 

Cette vision qui ose se nommer "antiraciste", c’est le strict contraire du modèle démocratique occidental tel qu’il s’est forgé progressivement, avec des aléas, depuis plus de deux  siècles. Que ces groupes ne se reconnaissent pas dans ce modèle ne les obligent pas à croire qu’ils peuvent ou doivent le détruire ! A moins qu’ils ne portent un projet révolutionnaire de nature totalitaire ? Nous, nous avons une vision pluraliste de la société, pas ces antiracistes-là qui veulent l’apartheid. Nous poursuivons encore un idéal de liberté et d’égalité, eux veulent enchaîner chacun à ses origines, à son identité de naissance, à sa tribu. C’est beaucoup plus difficile de supporter intellectuellement le projet démocratique qui aspire à un constant perfectionnement de son modèle par le débat public, que de défendre un projet global de société sur le modèle des grandes idéologies théocratiques ou totalitaires. La servitude volontaire, La Boétie en a magnifiquement démonté les mécanismes au milieu du XVIè siècle, beaucoup devraient le relire. Mais La Boétie n’est pas un "racisé", il n’a rien à leur apprendre.

Michèle Tribalat analyse bien dans le livre comment ces antiracistes transforment la langue pour accabler leurs ennemis. Elle insiste sur ce qu’elle appelle "la judiciarisation de la langue" qui révèle l’appauvrissement non seulement de la langue mais surtout de la pensée. Avec ce genre de pseudo-antiracistes, qui ne sont pas tous des incultes loin s’en faut, une expression littéraire comme "tété au lait de la mère" usitée par Corneille, Racine, Mirabeau, Hugo devient un appel à la haine raciale ! Le procès contre Georges Bensoussan est un procès pour condamner "des mots" que des groupes identitaires ont voulu transformer en forme de racisme pour faire avancer une cause politique sécessionniste. 

Tout cela est loin d’être anecdotique. Cela concerne toute la société. Ce n’est pas une affaire entre Juifs et Musulmans comme certains veulent le faire croire pour maintenir le déni sur le danger totalitaire qui monte. Le philosophe Victor Klemperer l’a parfaitement illustré au sujet de la langue nazie dans LTI la langue du IIIè Reich paru en 1947 mais écrit sous le joug nazi. Il a montré comment la novlangue nazie avait consciencieusement corrompu la langue allemande, comment elle avait déstructuré le lexique pour déstructurer les esprits, la culture toute entière. Oui la langue c’est le fondement de notre culture. Le logos nazi a détruit la culture allemande et permis la corruption de la société toute entière. Nous devrions être attentifs à toutes ces manipulations idéologiques de la langue, elle révèle bien des violences qui sont loin d’être symboliques. 

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