"Les politiques sont au pied du mur"<!-- --> | Atlantico.fr
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"C’est une mesure que je trouve absolument nécessaire..."
"C’est une mesure que je trouve absolument nécessaire..."
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Garde à vue

La Cour de cassation a jugé ce vendredi que le régime français de garde à vue n'était pas conforme aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme et demandé l'application immédiate de la réforme de la garde à vue. Réaction du magistrat et membre de l'UMP Georges Fenech.

Atlantico : Quelle est votre réaction à cette décision historique de la Cour de cassation ?

Georges Fenech : D’abord, sur le principe, je vais peut être vous surprendre : c’est une mesure que je trouve absolument nécessaire, c’est une réforme que personnellement j’attendais. Je l'ai d'ailleurs écrit dans un livre : Un juge en colère (Editions du Félin, 2005). C'était une réflexion que j'avais faite mienne après la commission d'enquête sur l'affaire Outreau dont j'étais membre.

La garde à vue est ce moment de privation de liberté où tout est possible, et sans la présence d’un conseil, d’un avocat, il peut y avoir des dérapages, des abus ou des pressions qui peuvent entraver le cours de l’instruction.

Je crois que c’est une des libertés fondamentales qui manquait à notre système judiciaire, c’est à dire la présence d’un conseil depuis le début de l’interpellation. Il n'y a aucune raison pour qu’un individu soit privé de défense à un moment aussi crucial, qui va déterminer la suite de l’enquête. 

De ce point de vue, on ne peut que se réjouir d’une avancée considérable en matière de respect des droits de la défense.

Que pensez-vous de la rapidité de cette décision et de sa mise en oeuvre ?

La décision abrupte de la Cour de cassation d’une application immédiate n’est peut être pas la bonne solution parce qu'effectivement cela va poser d’énormes problèmes pour les enquêteurs, les policiers, les gendarmes et toutes les forces de l’ordre qui sont habilitées à prendre ce type de mesures.

Cela va poser également d’énormes difficultés matérielles (locaux, relations entre police et gendarmerie). Il y a la question aussi du barreau lui-même : comment les avocats vont-ils s’organiser ? Quel va être le coût et qui va le prendre en charge ?

Tout cela aurait mérité une réflexion plus approfondie, une période transitoire et des étapes qui auraient amené à un fonctionnement normal.

Ce que je crains, c’est qu’il y ait un « bug » des gardes à vue avec un risque d’évacuer la question en ne prononçant pas précisément des gardes à vue qui sont pourtant nécessaires dans le cadre d'enquêtes préliminaires ou de flagrance.

Je pense qu’il va y avoir beaucoup de difficultés de mise en œuvre et à la clef, il peut y avoir des nullités de procédure. On va rentrer dans une instabilité juridique compte tenu de la précipitation avec laquelle cette reforme d’une très grande ampleur va entrer en application.

La Cour de cassation est-elle dans son rôle en prenant une telle décision ?

Il n’est pas dans les attributions de la Cour de cassation de mettre en place les moyens d'une réforme. La Cour de cassation constate qu’un droit fondamental n’est pas respecté - celui d’être assisté d’un défenseur - elle en tire donc les conséquences juridiques.

Il appartenait aux politiques d’anticiper tout cela depuis de nombreuses années, ce que le politique n’a pas voulu prendre en compte.

Aujourd’hui, le politique se trouve contraint de mettre en œuvre cette loi. On va payer notre incurie des années précédentes.

Il était  évident qu’au regard des règles de la Cour européenne des droits de l’homme, nous arriverions tôt ou tard à cette décision : il aurait fallu l’anticiper. Maintenant la Cour de cassation est dans son rôle et met le politique au pied du mur. C'est aux politiques désormais de prévoir les décrets d’application de ce nouveau dispositif.

Quelles vont être les conséquences de cette décision sur le système judiciaire dans les semaines à venir ?

On entre dans une phase d’incertitude, de difficultés pour trouver les moyens de faire respecter cette nouvelle disposition jurisprudentielle qui a valeur normative.

Il appartient au gouvernement, aux ministères de l’Intérieur et de la Justice de provoquer le plus rapidement possible une mise en œuvre concrète de cette mesure en débloquant les budgets et les moyens nécessaires avec l’aide des barreaux, pour que cette mesure impacte le moins possible la validité des procédures concernées.

En droit, existe-il un moyen de se soustraire à cette décision ?

Non, il s'agit d'une jurisprudence maintenant, qui est clairement établie par la Cour de cassation. 

Toutes les gardes à vue à partir de demain vont être soumises à cette décision : donc toutes les procédures qui n’auraient pas respecté la présence effective d’un défenseur - qui ne se contentera plus d’être là pour dire « Bonjour, comment allez vous ? » mais qui va avoir accès à la procédure et assister aux auditions - risqueraient une annulation si ces droits élémentaires définis par la Cour de cassation ne sont pas respectés.

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