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Une vue aérienne du Pentagone, le 3 mars 2022.
Une vue aérienne du Pentagone, le 3 mars 2022.
©EVA HAMBACH / AFP

Documents (très) sensibles

Selon le « New York Times », le ministère américain de la Défense a fait état le 7 avril de la publication sur Internet d’une centaine de nouveaux documents sensibles venant du Pentagone.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Les documents qui avaient été divulgués le 5 avril concernaient surtout la situation en Ukraine. Fait important, les responsables du Pentagone ont reconnu que ces documents étaient réels. Beaucoup d’entre eux incluent des cartes d'Ukraine et des graphiques indiquant où les troupes sont concentrées et quels types d'armes elles ont à leur disposition.

Les publications sur Internet montrent des photos de documents papier qui ont été pliés et parfois froissés. Certains sont datés de fin février, d’autres de début mars et semblent faire partie d'un jeu de diapositives servant d’aide pédagogique produit quotidiennement pour les hauts responsables de l'armée américaine et de la sécurité nationale. Un document est étiqueté « Top Secret » et intitulé « Statut du conflit au 1er mars ». Il donne un résumé détaillé du champ de bataille de l'Ukraine ce jour-là.

Les analystes militaires disent qu'ils pensent que les versions originales des documents ont été légèrement modifiées dans certains cas. Par exemple, un graphique évalue le nombre de morts en Ukraine à environ 71.000, chiffre considéré comme plausible. Cependant, ce dernier répertorie également les décès russes entre 16.000 et 17.500. Or il est vraisemblable que le décompte russe est beaucoup plus important. Le chiffre de plus de 100.000 morts et blessés est souvent avancé …

Toutefois, les articles publiés en ligne ne révèlent pas de plans de bataille ukrainiens pour l’offensive largement annoncée pour ce printemps. Un haut responsable de la sécurité ukrainienne, Oleksii Danilov, a déclaré que pas plus de cinq personnes savent quand et où l'opération ukrainienne commencera…

Cependant, les documents en ligne mentionnent douze brigades de combat que l'Ukraine serait en train de former (dont neuf avec l’aide de Washington) et quand elles devraient être opérationnelles.

Des informations concernant les dépenses de munitions de l’armée ukrainienne sont aussi intéressantes, bien que cette question ait été discutée publiquement par les États-Unis et l'Ukraine.

On découvre aussi le calendrier d'entraînement des unités ukrainiennes par les pays de l’OTAN.

Enfin mais sans doute plus sensible, le nombre de militaires occidentaux déployés en Ukraine. et notamment, ceux des forces spéciales des pays de l'Otan est dévoilé : 14 Américains, 50 Britanniques, 15 Français (la presse avait donné le chiffre de 50), 17 Lettons. Soit une centaine de soldats. Curieusement, le nombre de militaires US est relativement très faible par rapport aux Britanniques…

La nouvelle fuite révèle des détails sur les secrets de sécurité nationale des États-Unis en ce qui concerne encore une fois l’Ukraine - en particulier sur ses capacités en matière de défense aérienne - mais aussi sur le Proche-Orient et la Chine. Cela permet d’écarter la version d’une implication d’Ukrainiens. Il faut reconnaître que la « chasse aux traîtres » est bien logiquement ouverte dans ce pays agressé…

Même si nombre de documents publiés ne relève pas strictement du « secret », leur sensibilité pourrait tout de même provoquer de grands dommages. Un haut responsable des services secrets US a même évoqué d'un « cauchemar pour les Five Eyes », faisant référence aux accords de coopération en matière de renseignement existant entre les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada. 

Une enquête de grande ampleur est lancée par le Pentagone et le ministère de la justice afin de découvrir la « taupe » (ou les taupes). Dans le passé, les services en renseignement US ont eu maille à partir avec Julian Assange, Edward Joseph Snowden et Chelsea Manning. Ces derniers se sont présentés comme des « lanceurs d’alerte » mais se sont surtout les adversaires des Etats-Unis qui ont profité de leur production. 

Les enquêteurs tentent pour l’instant de déterminer quels employés de l'administration américaine ont eu accès aux documents.

Depuis, des journalistes, des chercheurs et des enquêteurs privés ont découvert d'autres documents classifiés publiés dès le 1er mars sur d’autres sites. Ceux les plus cités sont postés sur Twitter, Telegram, Discord et 4chan.

Cette affaire est une catastrophe pour le renseignement américain. Ce n’est pas tellement les informations qui ont pu être divulguées aux Russes mais le manque de confiance qui va se créer pour des services « amis ». Cela dit, la communauté américaine de renseignement est tellement puissante qu’aucun allié ne peut s’en passer…

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