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Réforme du quotient familial : il faut, au moins, aller jusqu’au bout !
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A vos réformes !

François Hollande a affirmé ce mardi qu'il ne voulait "pas supprimer le quotient familial" mais "le moduler", assurant qu'il "n'enlèverait pas un euro à la politique familiale". Une annonce en demi-teinte qui ne convainc pas les partisans d'une refonte de l'ensemble des prestations familiales.

Julien Damon

Julien Damon

Julien Damon est professeur associé à Sciences Po, enseignant à HEC et chroniqueur au Échos

Fondateur de la société de conseil Eclairs, il a publié, récemment, Les familles recomposées (PUF, 2012), Intérêt Général : que peut l’entreprise ? (Les Belles Lettres),  Les classes moyennes (PUF, 2013)

Il a aussi publié en 2010 Eliminer la pauvreté (PUF).

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Le candidat socialiste à l’élection présidentielle propose une réforme du mécanisme de quotient familial dans le sens d’une plus grande justice sociale.

Plusieurs remarques s’imposent à ce stade. Tout d’abord, sans paramètres précis de la réforme envisagée, il est impossible de dire qui en seront les gagnants et les perdants. On ne saurait dire, maintenant, qui des classes moyennes, des favorisés ou des moins aisés sera affecté positivement ou négativement.

Sur le fond, droite et gauche vont s’affronter classiquement et vertement au nom de principes de justice tout à fait opposés. Les uns (devinez lesquels) vont souligner que le quotient familial, au nom d’un souci de redistribution entre riches et pauvres, est absolument inique. Les autres (même jeu) vont considérer que le quotient familial est juste, permettant d’équilibrer les charges des ménages face à l’impôt, en fonction de leur composition.

Notons que ce clivage entre partisans et détracteurs du quotient familial dépasse aussi la gauche et la droite. Une remarque générale est de considérer qu’il est indispensable et courageux d’opérer des réformes profondes de notre système de transferts socio-fiscaux. Alors on peut imaginer une suppression pure et simple du quotient familial. Pourquoi pas d’ailleurs ? Il en irait d’une belle économie, de près d’un demi point de PIB, ce qui n’est pas rien. Naturellement, aucun responsable politique n’ira aussi loin. Il préférera moduler le dispositif, réaffecter de tels moyens. Aussi la vraie question n’est-elle pas de savoir si oui ou non il y aura suppression, modulation, réaffectation, mais bien d’être informé de ce qui est précisément programmé. De tels sujets méritent d’être techniquement montés. Il ne faut pas seulement lancer des ballons d’essai dans le débat public.

On pourrait imaginer, de notre point de vue, de meilleures utilisations d’une telle somme, toujours pour la politique familiale : un investissement massif dans les services d’accueil de la petite enfance, la création d’une allocation familiale au premier enfant (la France étant le seul pays de l’Union européenne à ne pas en disposer). Sur le plan des principes, ce qui pousse le candidat socialiste à vouloir réformer, c’est la proportionnalité du quotient familial : plus le ménage est aisé, plus les réductions d’impôt sont élevées. Une telle orientation est, par nature, discutable. Mais alors il faut prendre en compte toutes les dépenses de politique familiale qui sont proportionnelles au revenu. C’est aussi la logique du supplément familial de traitement, un système de primes dans les différentes fonctions publiques qui augmente les revenus des fonctionnaires ayant des enfants. Plus le traitement du fonctionnaire est élevé, plus son supplément familial de traitement est important. Le candidat socialiste devrait proposer logiquement la suppression ou la réorientation de cette prime tout aussi inique, au regard des critères de justice invoqués, que la dépense fiscale liée au quotient familial.

Une dernière remarque : il n’est pas judicieux de bricoler avec les instruments et objectifs de la politique familiale française. Celle-ci, souvent célébrée, a été inventée et montée principalement après guerre sur un modèle de famille qui a considérablement évolué (désormais la majorité des enfants naissent hors mariage) et avec une visée principale qui relève du niveau de fécondité. Or il n’est pas certain que la démographie doive demeurer aujourd’hui l’objectif essentiel d’une politique familiale moderne, peut-être davantage soucieuse, d’abord, d’égalité entre les enfants, d’égalité entre les parents, de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

En un mot final : plutôt que de raviver, par des annonces volontaristes mais imprécises, des controverses récurrentes sur les places respectives de la politique familiale (à la papa) et de la politique sociale, il serait plus intéressant de proposer une refonte d’ensemble de la politique familiale.

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