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Comment réintégrer les banques dans la lutte contre la pauvreté
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Urgences sociales

L'Académie catholique de France a consacré un 2nd congrès annuel à la question de la pauvreté et aux dispositifs d'urgences que celles-ci appellent. Divers philosophes, économistes, acteurs sociaux, théologiens et artistes dépassent les simples observations. Les propositions de Pierre de Lauzun sur la nécessité de réintégrer la gratuité et le don dans la sphère économique.

Pierre De Lauzun

Pierre De Lauzun

Pierre de Lauzun est Président de la Commission économie et Finances éthiques des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens.

Directeur général délégué de la Fédération Bancaire Française - FBF

Délégué général de l’Association Française des Marchés Financiers AMAFI

Ancien élève de l’Ecole Polytechnique (1969) et l’Ecole Nationale d’Administration (1975)

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Créatrices d’exclusion par leur logique implacable, en tout cas accusées de l’être, la finance et la banque peuvent-elles être des outils de lutte contre cette exclusion et contre la pauvreté matérielle ou sociale ? L’idée a pour surprendre ; mas c’est la surprise même qui est au fond étrange. Car le point essentiel ici est que, au-delà de toute fonction d’intermédiation, l’argent de la finance, c’est l’argent de ses propriétaires ; et donc en dernière analyse celui de chacun. C’est ce qui en détermine en définitive l’usage. Dans la ligne de Caritas in veritate, lettre encyclique de Benoît XVI, notre point d’appui fondamental sera la destination universelle des biens, ce devoir premier de tout propriétaire, si modeste soit-il. Qu’on peut confronter avec l’insolent principe évangélique : « Faites-vous des amis avec le Mammon d’iniquité. » Argent dangereux car synthétisant tous les attraits du monde, mais comme le rappelle la parabole de l’intendant infidèle placée juste avant, qu’on peut et doit utiliser judicieusement.

À côté des indispensables réformes d’ensemble du système financier, dont nous mesurons tous les limites et les difficultés, on peut et doit donc agir concrètement là où on est, afin de finaliser autrement l’usage de ce système. Un thème prioritaire pour les laïcs, qui sont en première ligne en la matière. Ce qui, s’agissant de l’exclusion, peut se traduire par des initiatives concrètes, allant de l’entreprise solidaire au microcrédit ou à l’investissement socialement responsable.

Caritas in veritate distingue trois niveaux : celui des rapports économiques, celui des rapports de pouvoir, et celui des rapports de don. Dans l’encyclique, ce dernier est plus particulièrement attendu de la société civile, mais doit selon le pape être présent dans les deux autres niveaux. Parlant de finance et de banque nous sommes dans le premier niveau, la logique de l’échange. Mais il y a donc, selon le pape, place pour le don dans l’économique lui-même. Il insiste même sur l’idée que cela ne résulte pas que de soucis moraux surajoutés, mais est constitutif de l’activité, en tant qu’activité humaine.

Le fait peut surprendre au premier abord, mais un instant de réflexion montre l’importance de la gratuité et du don dans toutes les étapes de la vie économique : cela va du cas trivial des cadeaux et remises entretenant des bonnes relations, aux services que se rendent des collègues de travail sans en calculer à chaque instant le résultat en retour, ou à la nécessité de faire fonctionner ces grandes communautés que sont les entreprises sans donner à leurs membres, en permanence, le sentiment qu’ils sont des rouages actionnés ou même manipulés, si du moins on veut qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. On peut même dire que, sans cet élément de gratuité relative, la vie économique serait constamment entravée par l’obsession du calcul, et sans doute bien moins efficace, et donc moins rentable.

Certes de tels comportements restent intéressés et donc très en deçà de la vraie gratuité. Mais, avec eux, on entre déjà dans une logique où le calcul de résultat monétaire n’intervient qu’à la fin, ce qui correspond à la conception du profit dans Centesimus annus : un critère final permettant de juger si on consomme moins de ressources qu’on ne peut en produire et vendre. Et non une obsession de tous les instants, qui deviendrait un critère universel d’action, qualifiant sous un angle étroit les rapports bien plus vastes et complexes qui relient des personnes appelées à vivre ensemble. Dans cette optique, il y a place pour des logiques alternatives intervenant en amont du calcul final de rentabilité, même dans le cadre d’entreprises juridiquement tout à fait classiques.

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Extraits de Pauvreté et urgences sociales, Parole et Silence Editions (octobre 2011)

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