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Fin du monde ? La très inquiétante reprise de la disparition des abeilles pollinisatrices
©Reuters

Atlantico Green

Si l'année passée, on croyait en l'accalmie de la disparition des abeilles, cette année la tendance actuelle nous prouve, un nouvelle fois, l'inverse. Les abeilles sont bel et bien une espèce en voie de disparition. Leur perte entraînerait la fin de l'humanité, prédisait Einstein...

François Lasserre

François Lasserre

François Lasserre est auteur d'un ouvrage de vulgarisation sur les insectes, J'observe les insectesédité chez La Salamandre, et vice-président de l'Office pour les insectes et leur environnement. Il est également co-président de Graine Ile-de-France, un reseau de structures qui font de l'éducation à l'environnement.

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Atlantico : Aux Etats-Unis, la disparition des colonies d'abeilles s’accroît. Entre 2014 et 2015, leur population aurait décru de 42%. En France, la situation est-elle aussi grave?

François Lasserre : En France, la situation est moins grave, mais on note, quand même, une forte baisse du nombre d'abeilles domestiques (abeille de ruches). Cette baisse est relativement récente. Elle tourne autour des 30% dans certains endroits mais dans d'autres, les colonies se portent mieux. Globalement, on remarque une sérieuse baisse du nombre d'abeilles. A titre d'exemple, avant les reines vivaient entre 3 et 5 ans et maintenant, si elles dépassent un an de vie, l'apiculteur sera ravi. Si aux Etats-Unis les abeilles des ruches disparaissent rapidement c'est parce qu'elles sont plus exploitées.

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Que ce soit en Amérique du Nord ou en France, l'intensification du business de l'agroalimentaire (celui des entreprises d'apiculture qui en vivent) explique leur raréfaction. Un grand rendement avec les abeilles domestiques ne s'obtient pas seul (par exemple, on utilise des antibiotiques) ce qui explique que les maladies circulent d'avantage. De ce fait, les abeilles sont moins promptes à se défendre et meurent plus facilement. D'autre part, les abeilles libres ingurgitent des produits chimiques du fait de l'actuelle, très large, utilisation des pesticides. Enfin, la nourriture des abeilles s'est également appauvrie, les fleurs sauvages ont, par exemple disparues, ainsi ces insectes s'affaiblissent.

Le fond de l'histoire est simple : la nature est de plus en plus exploitée ! L'abeille est une sorte de signal d'alerte, cela nous indique que nous faisons n'importe quoi avec la nature !

Ce qui semble inquiéter principalement c'est la disparition des abeilles domestiques. Quel serait son impact? 

L'abeille domestique est importante car elle nous apporte du miel, du pollen, de la propolice (utilisée comme antibiotique) et de la cire. Pour ces activités, elles participent à la pollinisation des végétaux. Là où elles sont très importantes, c'est lorsqu'il y a des hectares et des hectares où une seule plante est cultivée : les pollinisateurs sauvages ne sont pas assez nombreux pour les polliniser. C'est là le rôle des apiculteurs : leurs abeilles (en grand nombres) peuvent polliniser ces immenses espaces industriels. Leur disparition entraîneront donc un certain nombre de changements importants!

Du point de vue de la pollinisation, l'impact serait relatif, l'abeille domestique n'est pas la seule à le faire, de nombreux pollinisateurs existent (les abeilles sauvages ou solitaires dont font partis les bourdons, les mouches, les guêpes, les punaises…).

Aujourd'hui en France, l'abeille domestique n'est indispensable que pour la production de miel. En revanche, aux Etats-Unis –dans certaines cultures- elles sont devenues totalement obligatoires (par exemple, la culture des amandes en Californie). En France, cette même situation est en chemin. En revanche, si l'on revenait à des exploitations à taille humaine, avec plus de nature sauvage et spontanée autour et dans les champs, l'abeille domestique serait moins indispensable.

Qu'en est-il des autres espèces d'abeilles? Leur nombre diminue-t-il aussi?

Les types d'abeilles sont divers : les bourdons, les abeilles (on compte 900 espèces d'abeilles solitaires quand l'abeille solitaire ne représente qu'une espèce). En France, il y a 1000 espèce d'abeilles et seulement une vie en ruche.

Elles sont aussi touchées par l'extinction. Comme pour les abeilles domestiques, il leur faut de la diversité en fleurs, des espaces tranquilles, un sol peut exploité en vue de les nourrir, du bois mort à l'intérieur duquel elles peuvent se nicher... De plus, elles ingurgitent aussi des pesticides dans la nature.

Par contre,  elles sont très rarement exploitées. Sauf aux Etats-Unis ou elles peuvent l'être puisqu'elles sont meilleures pollinisatrices.

Quelques mesures, encore symboliques, sont prises pour leur venir en aide. En ville par exemple, le nombre d'habitats pour insectes se multiplie. Ca ne les sauvera pas, mais c'est une démarche positive, une façon de tenter de les sauver.

La disparition des abeilles (toutes espèces confondues) serait-elle désastreuse pour l'écosystème? Leur disparition aurait-elle aussi une incidence sur l'économie?  

Les abeilles sont hyper spécialisées en fleurs, leur disparition entraînerait donc également celle de certaines fleurs. Les fleurs n'existeraient pas sans les insectes et inversement. C'est allé jusqu'au point que certains insectes ne colonisent qu'une fleur, si cet insecte disparaît, la fleur également. La disparition des abeilles accompagnée par celle d'autres insectes causerait la dispartion de fruits qui nécessecitent la pollonisation. Disparaîtraient de la même façon : les courgettes, les carottes, les melons,….

Pour qu'il y est diversité de fleurs et donc de fruits, il faut qu'il y ai une diversité d'insectes. Il n'y aurait pas de fleur, ni de fruits sans insectes polonisateurs!

En outre, la disparition des abeilles causerait bien sur des coups économiques (moins de pollinisation, de miel...) : on parle de 100 milliards de dollars.

A quoi peut-être due la raréfaction des abeilles?  Comment résoudre ce problème? 

Les abeilles ne sont pas les seuls insectes dont la disparition s'accroit, il en va de même pour les papillons par  exemple. Ces disparitions sont révélatrices d'une exploitation hallucinante de la nature !

On pourrait résoudre le problème en laissant de la diversité, ne pas surexploiter les abeilles -ce qui entraînerait une baisse de la production en miel- en respectant d'avantage la nature. C'est l'obsession du rendement et de la croissance qui porte atteinte à la nature ! D'une certaine façon, il faut décroître du côté de l'agriculture.

Pour améliorer la situation il faudrait revenir en arrière ce qui paraît improblable. Les hommes politiques ont du mal à changer de voie, mais les mouvements citoyens prennent de l'ampleur : on note la naissance du bio, la therma culture, l'agro foresterie.. Demain, ces nouvelles techniques ne seront pas suffisantes pour nourrir le monde mais ceci permet de changer les choses. C'est une période de transition, ce sont des essais prometteurs.

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