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Faut-il s'inquiéter comme le CSA de la représentation des femmes dans les séries télé ?
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Une étude menée par le CSA affirme que les personnages féminins dans les séries télévisées de fiction obéissent encore trop souvent à des stéréotypes "traditionnels". Parmi ceux-ci, l'infériorité de la femme dans le domaine professionnel, son rapport à la famille, sa subordination et son importance secondaire dans les scènes d'action.

Christian Combaz

Christian Combaz

Christian Combaz, romancier, longtemps éditorialiste au Figaro, présente un billet vidéo quotidien sur TVLibertés sous le titre "La France de Campagnol" en écho à la publication en 2012 de Gens de campagnol (Flammarion)Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages dont Eloge de l'âge (4 éditions). En avril 2017 au moment de signer le service de presse de son dernier livre "Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos", son éditeur lui rend les droits, lui laisse l'à-valoir, et le livre se retrouve meilleure vente pendant trois semaines sur Amazon en édition numérique. Il reparaît en version papier, augmentée de plusieurs chapitres, en juin aux Editions Le Retour aux Sources.

Retrouvez les écrits de Christian Combaz sur son site: http://christiancombaz.com

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Nathalie Nadaud-Albertini

Nathalie Nadaud-Albertini

Nathalie Nadaud-Albertini est docteure en sociologie de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et et actuellement chercheuse invitée permanente au CREM de l'université de Lorraine.

 

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Atlantico : Quels impacts les stéréotypes des femmes véhiculés dans les séries télé ont-ils sur la vision qu'ont les femmes d'elles-mêmes (tâche ménagère, rapport à la beauté, minceur…) ?

Nathalie Nadaud-Albertini : Les stéréotypes du féminin véhiculés par les séries TV entrent en résonance avec la perception que les femmes ont d’elles-mêmes de trois façons.

Premièrement, elles se comparent avec les personnages représentés, et la comparaison leur est défavorable. C’est-à-dire qu’elles ne vont pas se trouver à la hauteur des personnages à l’écran, notamment en termes de beauté, de minceur, ou de performance professionnelle. Elles seront alors dans un rapport d’admiration vis-à-vis des personnages féminins présentés par les séries TV, et un dénigrement d’elles-mêmes.

Deuxièmement, les femmes rejettent la représentation des personnages féminins proposés par les séries TV en arguant que ce ne sont pas de vraies femmes confrontées aux difficultés de la vie réelle. Dans ce cas, les téléspectatrices reprochent aux séries de donner à voir des femmes ayant une vie relativement privilégiée, leur assurant un certain confort matériel tout en évitant de leur faire affronter des difficultés trop lourdes. Par exemple, il est très rare que les femmes des séries TV aient à affronter un quotidien fait de pauvreté, de racisme et d’exclusion, dans lequel la beauté et la minceur deviennent des préoccupations somme toute de moindre importance. Dans ce cas, les téléspectatrices reprochent aux séries de présenter des femmes trop parfaites et trop privilégiées pour être représentatives des femmes en général.

La troisième façon concerne une réflexivité plus dynamique, car elle s’exerce dans le temps. Pour l’expliquer, je vais prendre un exemple : Mathilde Delmas dans Section de Recherches. C’est une femme relativement jeune dont le visage est joli tout en étant marqué par des rides d’expression. Lorsque les téléspectatrices sont jeunes, souvent, elles trouvent ces rides disgracieuses. Puis, interrogées quelques années après, les mêmes femmes verront d’un œil favorable le physique de Mathilde, qui accuse le temps tout en restant séduisant. Elles estimeront que ce personnage incarne l’idée que les femmes peuvent, au même titre que les hommes, gagner en charme en mûrissant, sans voir leur beauté se faner en même temps que leur vie sentimentale à l’apparition de la première ride.

Les femmes se lancent-elles dans des scènes d'action dans la vraie vie ? Est-ce que cette étude signifie que tous les personnages féminins de séries télévisées devraient être des Lara Croft ?

Christian Combaz : Nous avons là un exemple grotesque de la vision socialiste hystérique, normative, de tout ce qui s'adresse au peuple. Il est assez clair dans ces trois études qui portent sur les fictions, le divertissement et l'information, que le CSA entend corriger la nature humaine de ses penchants au machisme et obliger les femmes à s'affirmer toujours davantage, quitte à nous fatiguer carrément, à réclamer pour cela le secours d'un juge, d'une institution, d'une commission, contre l'avis même des trois-quarts de la population qui commence à s'impatienter contre les donneurs de leçons. Nous sommes donc en pleine tentative, en plein voeu de rééducation permanente. Il s'agit d'amender le peuple, rien de moins. De même qu'on lui explique de façon grotesque, mécanique, orwellienne, dix fois par jour, qu'il faut consommer de l'alcool avec modération, on va bientôt réclamer de tous les présentateurs qu'à la phrase "les chrétiens disent que le Christ est venu sur la terre pour sauver les hommes", ils rajoutent et "les femmes bien entendu".

Quels impacts les stéréotypes des femmes véhiculés dans les séries télé ont-ils sur la société en général ? 

Nathalie Nadaud-Albertini : Les stéréotypes du féminin véhiculés par les séries TV habituent (notamment les plus jeunes) à poser un certain regard sur les femmes, de sorte que dans la vie réelle, ils vont contribuer à formater les attentes vis-à-vis des femmes. Ainsi, on attendra plus qu’une femme se situe sur le registre de l’émotionnel, de l’affectif, du psychologique qu’un homme. Y compris dans le choix de ses études et de sa profession. Ou dans la perception de ses réactions. Une femme qui fera preuve d’autorité piquera "une crise d’hystérie" alors qu’un homme affirmera sa capacité à s’imposer et/ou à gérer une équipe. Le comportement est le même, l’interprétation différente selon que l’on a affaire à un homme ou à une femme.

De la même façon, on posera plus souvent à une femme la question de la façon dont elle concilie domaine professionnel et vie privée. Notamment lors des entretiens d’embauche, même si cela intervient de façon plus ou moins détournée pour ne pas avoir l’air de verser dans la discrimination sexiste.

Comment expliquer que les personnages féminins dans les séries télévisées de fiction obéissent encore trop souvent à des stéréotypes "traditionnels" ?

Nathalie Nadaud-Albertini : Lancer une série TV, c’est faire un pari sur la capacité de la fiction à plaire au grand public. Il faut à la fois être conformiste et novateur. Pour répondre au premier impératif, on incorporera dans le récit ce que l’on estime être les normes majoritaires du moment, et ce, afin de séduire le public le plus large possible. Cependant, on ne peut pas raconter toujours la même histoire de la même façon, ou du moins des histoires très semblables entre elles formulées selon des procédés sans cesse réitérés. Les téléspectateurs se lasseraient. Il faut donc inclure une dimension de contre-hégémonie, c’est-à-dire des positions moins majoritaires sur tel ou tel sujet. La représentation des femmes notamment.

Les séries TV obéissent à des stéréotypes sur le féminin parce que, dans leur conception, elles répondent à ce double impératif d’être à la fois conformiste et innovant pour plaire au grand public.

Est-ce que les hommes qui regardent des séries mettant en scène des super-héros, quant à eux, se comportent comme des super héros dans la vie ?

Christian Combaz : Pour ce qui est des hommes, on retrouve la même distorsion de vigilance qu'à propos du racisme anti-blanc. D'un côté on est sourcilleux jusqu'au délire sur l'image de la femme, de l'autre par exemple dans toutes les pubs sur les forfaits téléphoniques ou les crédits bancaires, on voit dans la pub un père dépassé, un grand-père crétin qui ne comprend rien, que l'on traite de nul et de fasciste sous son propre toit. Ce sont généralement sa femme et sa fille, parfois ses petits-enfants de dix ans, qui s'entendent à hausser les épaules au salon dès qu'il ouvre la bouche. Même son chien lui parle et le méprise dans la pub Crédit Mutuel. Le CSA ne dit rien là-dessus, ni en général quand les films proposent des scènes de torture, quand on commente les conditions atroces d'un assassinat dans un feuilleton américain du genre Esprits Criminels. Le CSA est devenu un outil de propagande à la solde unique des féministes mais sur les vraies questions, cruauté, représentation des enfants et des vieux, rapport à l'argent et aux publics modestes, sociologie-selfie genre "plus belle la vie", on ne l'entend guère.

Le fait que les personnages féminins dans les séries télévisées de fiction obéissent encore trop souvent à des stéréotypes "traditionnels" reflète-t-il nos modèles de vie français qui n'auraient finalement pas tant évolué que ça (répartition des tâches domestiques toujours en majorité incombée aux femmes...)

Nathalie Nadaud-Albertini : Se livrer à cet exercice consistant à être à la fois conformiste et innovant indique que les émissions grand public, y compris les séries TV, répondent à un conformisme du moment et adoptent le discours qu’il semble légitime de tenir sur la société à un moment donné. Autrement dit, les séries télévisées mettant en scène des personnages féminins sont l’expression d’un état du conformisme collectif quant à ce que l’on estime être la représentation acceptable du féminin à un moment donné. Pour le dire plus simplement, on pourrait parler d’une sorte de moyenne des représentations du féminin dans l’imaginaire collectif.

Si on compare cette moyenne à celle qui avait cours dans les années 60, on prend la mesure de l’évolution de la représentation des femmes, malgré la survivance de certains stéréotypes. En effet, si on fait une comparaison entre les personnages féminins dont j’ai parlé tout à l’heure avec Janique Aimée, un feuilleton télévisé très populaire en France dans les années 60, on constate une amélioration indéniable. En effet, dans ce feuilleton, Janique, le personnage féminin principal, est décrite comme une jeune femme moderne parce qu’elle exerce la profession d’infirmière (à laquelle il est unanimement convenu qu’elle renoncera une fois mariée). Cependant, toute l’intrigue est construite autour de la disparition de son fiancé le soir des fiançailles et des conséquences pour la jeune fille, notamment en terme de réputation vis-à-vis de la communauté.

Le choix de l’angle du récit est révélateur de l’évolution. Car à l’époque il était totalement inimaginable de faire de l’exercice de l’activité professionnelle d’une femme l’élément principal d’une intrigue, tant on pensait que le féminin était assimilé à la sphère privée et affective. Aujourd’hui, les séries (policières ou médicales notamment) dont le récit reposent sur la vie professionnelle de femmes sont monnaie courante.

Au final, en voyant le succès de certaines séries "féminines" comme Desperate Housewives, pourtant perpétuant nombre de clichés, cela empêche-t-il les téléspectateurs d'apprécier le programme ?

Nathalie Nadaud-Albertini : Non, cela ne les empêche pas d’apprécier, au contraire. Les programmes comme Desperate Housewives jouant avec les clichés du féminin sont très prisés. Essentiellement à cause du jeu avec les stéréotypes. Ces derniers sont tellement exagérés que les téléspectateurs et les téléspectatrices ne les voient plus comme une menace pour le statut des femmes. Au contraire, on considère que le fait de pouvoir les représenter de façon aussi outrancière afin de permettre d’en rire signifie qu’ils ont été dépassés. Parce que finalement aucune des Desperate Housewives n’arrive à correspondre à son stéréotype du fait du tour déjanté que prend invariablement l’intrigue. Par exemple, on prend plaisir à voir l’application extrême de Brie à incarner la parfaite épouse et mère se heurter sans arrêt à des situations abracadabrantes qui l’entraînent sur un terrain totalement différent. Au final, ce qui plaît, c’est de voir qu’il est impossible de correspondre à de façon parfaite aux stéréotypes du féminin. Autrement dit, de les voir représenter pour ce qu'ils sont : des stéréotypes ne correspondant à aucune femme.  

Et puis, on aime ces programmes jouant sur les clichés, parce qu’on considère qu’ils ont été suffisamment dépassés pour se permettre de les représenter et d’en rire. Quelque part, quand on arrive à s’amuser des stéréotypes, cela signifie que les concepteurs se sentent moins contraints par un discours obligé et bien-pensant sur le féminin.

Plus généralement, que dire de cette traque aux discriminations par le CSA ?

Christian Combaz : Qu'elle lui sert à justifier son salaire (11 000 euros pour les huit membres, 20 000 euros pour le président) en jouant les béni-oui-oui auprès d'un Gouvernement qui nomme directement ces obligés à la coréenne, sans aucune transparence, au mépris des aspirations des gens qui payent la redevance et à qui on n'adresse pas même un questionnaire quand ils payent leur dû. Ce ne serait pas difficile, une fois par an il suffirait d'imprimer une demi-feuille en plus pour demander aux gens ce qu'ils préfèrent. Mais rien. Le Gouvernement veut votre argent pour faire fonctionner la télévision, mais il se moque de vos préférences. Le recrutement s'effectue sans aucune condition de compétence comme en témoigne le currriculum des derniers membres, notamment Christine Kelly dont la présence dans ce machin est un gag. Certains, Françoise Laborde par exemple, dont le contrat vient de s'achever, ont été lourdement condamnés en correctionnelle pour des faits graves, ce qui les rendait particulièrement inaptes à contrôler le respect des règles pour quoi que ce soit, ni à en édicter d'ailleurs, mais elle n'a nullement démissionné. A la Libération, cet organisme devra être plastiqué administrativement. Il faut tripler le nombre de ses membres et diminuer leur salaire des deux tiers.

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