Facebook, Google, Twitter, les grands acteurs capitalistes veulent défendre la démocratie à Hong Kong, ce que les grands Etats occidentaux n'osent pas faire<!-- --> | Atlantico.fr
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loi sécurité Hong Kong national security law
loi sécurité Hong Kong national security law
©Anthony WALLACE / AFP

Atlantico Business

Les multinationales, Facebook, Google, Twitter, mais aussi Coca-cola, McDonald's, Gucci, ou Louis Vuitton ne se mêleront pas publiquement au débat politique, mais pas question pour autant d’aider Pékin à imposer ses principes autoritaires à Hong Kong.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La Grande Bretagne a écarquillé les yeux et les Américains viennent de tendre l’oreille mais dans l’ensemble, les grandes démocraties ne bougent pas trop pour s’étonner que la Chine soit en train de mettre en coupe réglée Hong-Kong, en bafouant ainsi les traités internationaux qui avaient été signés il y a presque 30 ans, pour préserver les valeurs de liberté qui avaient fait la fortune de cet archipel annexé par la Chine.

Alors que la pression s’accroît sur la population de Hong Kong, dans l’indifférence des grandes démocraties occidentales,  les grandes entreprises privées multinationales et championnes du capitalisme international semblent s’équiper pour défendre la démocratie...

La loi sécurité nationale chinoise est donc tombée sur les 7,5 millions d’habitants de l’ancienne colonie et rares sont les grandes démocraties occidentales à avoir élevé des protestations et mis en place des mesures de rétorsion.

Aucune grande capitale, pas plus Paris que Berlin, Rome, Madrid, n’a encore osé prendre quelques risques pour déplaire Pékin. Londres a fait dire à tous les ressortissants de Hong Kong nés avant la date de restitution, en 1997, qu’ils pouvaient être accueillis en Grande Bretagne comme chez eux. Et Washington a prévenu qu’il préparait une série de dispositions pour déchoir Hong Kong des privilèges commerciaux dont bénéficiaient les commerciaux. Mais à part ces deux initiatives, les chancelleries n’ont pas bougé.

Les engagements pris par les Chinois au moment de la restitution de l’ancienne colonie britannique étaient simples. L’ile de Hong Kong allait rejoindre la république démocratique de Chine mais les habitants devaient conserver leurs systèmes judiciaires et leur modèle économique. Un Etat –la Chine – mais deux systèmes. Hong Kong devait donc rester une démocratie et une économie de marché en continuant d’offrir à ses ressortissants le bénéfice de la liberté individuelle de circuler, de penser, de s’exprimer, de faire des affaires et de gagner de l’argent.

Pour les dirigeants chinois, ça devenait insupportable, ils voyaient là un "cluster de liberté" capable de contaminer l’empire communiste. Puisqu’en Chine, on a sans doute le droit de faire du business à condition que ça s’inscrive dans la stratégie du « plan », les Chinois ont le droit de gagner de l'argent, à condition que ce soit dans le cadre légal défini par l’Etat, mais les Chinois ne votent pas, n'ont pas la liberté de voyager à l’intérieur comme à l'extérieur sans autorisation, ils ne peuvent pas penser, et s’ils pensent, ils ne peuvent pas librement s’exprimer. Surtout si c’est pour émettre des critiques à la encontre du régime.

La loi sécurité qui entre en application à Hong Kong, va permettre de poursuivre en justice et de condamner tous ceux qui contreviendraient à la règle.

Bref, pour tous les Hong Kongais, et notamment pour les étudiants, le spectre la chape de plomb paraît évident.

Normalement, les gouvernements occidentaux auraient pu élever des protestations officielles pour non-respect des accords internationaux. Normalement, tous les courants de gauche, si prompts à donner des leçons de droits de l’Homme et de liberté individuelle, auraient dû se bouger. Dans toutes les capitales du monde et sur les campus.

Les défenseurs de la liberté et des grands principes de la démocratie sont visiblement fatigués et leurs élus se font de plus en plus discrets et frileux dès qu’il s’agit de la Chine.

Partout dans le monde. Partout sauf en Grande Bretagne, mais Londres ne pouvait pas laisser passer cette évolution. Hong Kong a fait partie de l’Empire Britannique pendant tant d’années. Et Boris Johnson a accepté d’ouvrir les portes de l’Angleterre à tout ressortissant chinois de Hong-Kong désirant quitter l’ancienne colonie. Mais a priori c’est le seul.

Devant ce mur dindifférence, ce qui est intéressant, c’est que pour la première fois sans doute les multinationales sont intervenues dans ce débat. Et notamment les grands du digital : Facebook, Twitter et Google.

Dès que les autorités chinoises ont mis en application les nouvelles règles la semaine dernière, elles ont, au même moment, demandé aux grands réseaux du digital de leur communiquer les informations sur leurs utilisateurs. Bref, injonction de répondre aux autorités de Pékin et aux dirigeants de Hong Kong. Les trois plus grands réseaux du monde, Facebook, Twitter et Google ont décidé et fait savoir qu’ils ne répondraient pas aux demandes quand elles seront formulées. Pas question de se rendre complice d’un tel régime autoritaire et surtout de participer aux entraves à la liberté d’expression.

La demande de Pékin n’est pourtant pas extraordinaire, elle est, pour un régime autoritaire, d’une banalité affligeante. Pékin ne peut pas supporter et admettre la moindre critique publique. Si débats il y a, ils sont confinés en vase clos et réservés aux organismes du parti unique. L’interdiction de toute liberté d’expression a été théorisée et conceptualisée par tous les auteurs et responsables du régime, à commencer par Lénine, et Mao Zedong. Le président actuel, Xi Jinping a d’ailleurs resserré les dispositifs de contrôle, en craignant que le développement économique ouvre la porte à l'enrichissement personnel et donne des idées de nouveaux besoins de liberté individuelle, d’essence culturelle, intellectuelle ou philosophique.

Donc, tous les outils mis au point par l‘industrie digitale et qui permettent aux populations de sinformer, d’échanger et même de se regrouper par centre d’intérêt ou par affinités, se retrouvent dans le collimateur des régimes politiques autoritaires qui les mettent sous surveillance. D’où leur projet de les utiliser comme moyen d’enquêter et de contrôler les populations.

Pour les entreprises digitales gérantes de réseaux sociaux, pas question de déroger à cette règle qui est non seulement leur raison d’être mais la clef de leur succès mondial. Protéger cette liberté d’expression au prix, parfois de dérives, que les entreprises affirment vouloir contrôler et éviter.

On ne voit pas comment le gouvernement de Pékin pourra empêcher les réseaux sociaux de fonctionner tout autour de la planète. Sauf à les bloquer techniquement mais c’est très difficile. Les réseaux sociaux passent les frontières sans avoir à demander une autorisation et ce faisant, on sait très bien qu’ils sont porteurs des valeurs de liberté qui fondent la plupart des sociétés occidentales. 

Pékin pourrait utiliser des moyens coercitifs et même violents mais Pékin se retrouverait alors en conflit à la fois avec les pays d’origine et avec une partie de leur population qui a pris l’habitude de les utiliser.

C’est le pari fait par les multinationales de biens matériels qui, pour la plupart sont des marqueurs de progrès et des symboles du mode de vie occidental. Coca cola, McDonald, Danone, les marques automobiles, les grandes marques de luxe comme Gucci ou LVMH sont très présentes à Hong Kong et dans toutes les grandes villes chinoises. Elles ont beaucoup de succès et participent à la fortune des entreprises ou des investisseurs occidentaux qui se sont installés en Asie. Leur potentiel de marché est considérable. Elles sont là-bas pour faire du business, gagner de l’argent qui sert pour partie à faire fonctionner des ateliers de recherche en Europe, des cabinets de design etc etc.

Pour les autorités chinoises, ces entreprises occidentales ne sont pas subversives, contrairement aux entreprises digitales. Mais pour l’occident, on sait très bien que ces entreprises occidentales ont aussi une fonction politique.

Le régime communiste en Russie s’est effondré au lendemain de la démolition du mur de Berlin pour des raisons très simples que tout le monde connaît.
La population soviétique n’en pouvait plus d’écouter les airs de liberté diffusées par les stations FM occidentales. Ces populations n’en pouvaient plus de ne pas pouvoir profiter des bienfaits des sociétés occidentales de consommation. Ajoutons à cela, qu’après la catastrophe de Tchernobyl, le contrat de confiance entre la population soviétique et les responsables a été rompu.

L’empire chinois est peut-être en situation de risque identique. Le pouvoir installé pour longtemps, au moins tant que XI Jinping sera vivant puisqu’il s’est fait désigné chef de l’Etat à vie, risque de perdre la confiance du peuple si le peuple ne trouve pas ce qu’on lui a promis, c’est à dire la sécurité sanitaire et le confort matériel. Le petit peuple de Chine ne peut bénéficier ni de la sécurité, ni du confort occidental dont il voit la représentation sur internet ou dans les séries de Netflix.

La Chine a adopté le capitalisme comme facteur de progrès, l’économie de marché et de concurrence comme mode d’organisation de la production. Mais ce capitalisme et l’économie de marché n’obligent pas le pays à adopter un système politique de liberté. Le capitalisme en Chine est un capitalisme d’Etat, ce qui n’est pas le cas à Hongkong...

Ce qui se passe, c’est qu'entre l’exemple de l’efficacité des entreprises de Hong Kong et les performances exceptionnelles des entreprises multinationales et pas seulement du digital, tous le système capitaliste privé, toutes ces entreprises vont évidemment semer les graines de la démocratie. Il ne peut pas en être autrement. Chez Facebook ou chez Google, on en est convaincu.

L'exemple de Hong Kong est donc passionnant à suivre. Pékin sait très bien qu’il lui faut étouffer au sein du capitalisme occidental installé en Chine tous les ferments de la démocratie. Dont la liberté d’expression.  

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