Face à la hausse du nombre de morts dus à la chaleur, l’épineux dilemme de la climatisation <!-- --> | Atlantico.fr
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Des consommateurs devant des ventilateurs et des climatiseurs.
Des consommateurs devant des ventilateurs et des climatiseurs.
©PATRICK BERNARD / AFP

Santé publique

La France a connu un record de 7.000 décès liés à la chaleur en 2022. A quel point la généralisation de la climatisation pourrait être problématique, d’un point de vue environnemental ?

François-Marie Bréon

François-Marie Bréon

François-Marie Bréon est chercheur physicien au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement. Il a participé à la rédaction du 5ème rapport du GIEC. Il est spécialiste de l'utilisation des données satellitaires pour comprendre le climat de la Terre. Membre du conseil scientifique de l'Association française pour l'information scientifique (Afis).

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Atlantico : La France a enregistré un record de 7 000 décès liés à la chaleur en 2022, totalisant 33 000 morts depuis 2014, selon un nouveau rapport de Santé Publique France. Face à ce constat édifiant, alors que les vagues de chaleur sont de plus en plus longues et intenses, se pose la question épineuse de la climatisation. À quel point une généralisation de la climatisation pourrait être problématique, d’un point de vue environnemental ?

François-Marie Bréon : La France a effectivement connu plusieurs épisodes caniculaires en 2022 qui ont eu un impact sur la mortalité.  Notons que ces épisodes ont été moins durable que celui de 2003 dont l’impact sanitaire a été particulièrement élevé en France.  En effet, l’organisme fatigue en cas de chaleur prolongée et il est donc nécessaire de pouvoir le reposer en ayant accès à un endroit rafraichi.  De nombreux pays ont déjà largement recours à la climatisation depuis plusieurs décennies.  En comparaison, la climatisation est encore peu développée en France mais cette technique pourrait devenir nécessaire avec la multiplication attendues des périodes de fortes chaleur.

L’impact environnemental de la climatisation est de deux ordres :

- La consommation d’électricité supplémentaire nécessite des moyens de production, dont l’impact environnemental est plus ou moins élevé en fonction du mode de production (fossile, nucléaire, hydraulique, autre renouvelable…

- les fluides utilisés dans l’appareil de climatisation sont parfois des gaz à effet de serre puissants, avec donc un impact climatique en cas de fuite.

Pourtant, des solutions semblent exister. C’est notamment le cas de la climatisation solaire. Est-ce vraiment avantageux, par rapport à un système de climatisation classique ? Est-ce une solution crédible ?

Un climatiseur associé à un panneau solaire permet de répondre au premier point évoqué ci-dessus (production de l’électricité nécessaire).  Il est vrai que le public associe souvent chaleur avec soleil et se dit donc que, lorsqu’il y a besoin de climatisation, il y a du soleil.  C’est en partie vrai, mais pas complètement car les plus hautes températures sont décalées de quelques heures par rapport à l’ensoleillement. L’exemple de la Californie est éclairant à ce titre.  Du fait d’une climatisation très développée dans ce pays, la période critique est autour de 19 heures lorsque les climatiseurs sont encore nécessaires alors que le soleil se couche. Il est donc nécessaire d’associer le système de production (les panneaux solaires) à des batteries.

Peut-on envisager à ce jour une généralisation de la climatisation solaire en France ? À court terme, ce système pourrait-il réduire le nombre de morts par la chaleur tout en étant plus respectueux de l’environnement ?

Ce qui pourrait réduire le nombre de morts, c’est bien l’accès à des pièces rafraîchies quelque soit la technique utilisée pour cela.  La climatisation est une des solutions.  Je suis pour ma part favorable à ce développement, mais uniquement dans une pièce bien isolée, et pas dans l’intégralité du logement.  On a ainsi un endroit pour reposer l’organisme mais pour une dépense énergétique limitée.

Ensuite, la question est de savoir si le solaire PV est le moyen le plus adapté pour fournir l’électricité nécessaire à la climatisation.  C’est incontestablement un moyen adapté, avec la problématique du décalage temporel enter la production et le besoin. Par ailleurs, aujourd’hui, la consommation d’électricité en France est beaucoup lus importante en hiver qu’en été et la production est donc souvent excédentaire pendant les mois les plus chauds.  Les périodes critiques pendant lesquelles on est obligé de faire démarrer des centrales fossiles, sont essentiellement en hiver, alors que le besoin en climatisation est nul, ou plus exactement limité à des besoins qui ne sont pas ceux du confort individuel.  Le système électrique Francais actuel peut donc absorber une augmentation de la climatisation, dans une certaine mesure, sans nécessiter de moyens de production supplémentaires.

La perspective d'une climatisation, à grande échelle, respectueuse de l'environnement est-elle envisageable ? Devra-t-on trancher un jour entre climatisation et environnement ?

C’est déja le cas aujourd’hui dans certains pays où les besoins énergétiques en climatisation sont beaucoup plus importants que les besoins pour le chauffage.  En France, on en est encore loin.  Mais il est clair que les besoins en climatisation vont augmenter dans le futur et il faut prévoir d’adapter notre système de production d’électricité à ces nouveaux besoins.

Comme dit plus haut, je pense qu’il faut réfléchir à une climatisation « sobre » avec des équipements limités à quelques pièces bien isolées, plutôt que de refroidir l’ensemble des locaux avec des couts énergétiques très importants.

Notons enfin que la production de l’énergie nécessaire n’est qu’un des aspects de l’impact environnemental de la climatisation, et qu’il faut être très attentif à éviter les fuites des fluides criorigènes utilisés dans les climatiseurs

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